Le jeune coq
dominant et le poulet de basse-cour
Sur le
parvis de la banlieue
En
2016, le jeune loup était entré en chasse aux électeurs côté gauche ; Révolution, son livre, semblait rugir en
faveur de la banlieue en promettant « de réinvestir (nos) quartiers pour redonner aux habitants des
opportunités ». Dès qu’il se fut proclamé Jupiter, le ton
changea. Juillet 2017, ce furent les coupes budgétaires et la suppression
d’emplois aidés. Face aux protestations, il fit appel à un vieux renard :
le Borloo des villes allait s’atteler à un plan-banlieue, pour calmer la colère
des élus concernés et leurs associations.
Les
lucides s’attelèrent à la tâche sous la houlette, mais pas seulement, de
l’ex-ministre de la Ville et des quartiers. Dans sa grande mansuétude
apparente, le jeune prince commandait un énième rapport. Affairé, plein de bonne
volonté, le Borloo de service, après moult consultations d’élus et d’acteurs
sociaux, rendit sa copie de 19 programmes consignés dans 164 pages. Les médias
saluèrent l’exploit, cette « mobilisation
nationale en faveur des villes et des quartiers ». Deux députés du
9.3, l’un de droite, l’autre LRM parti présidentiel, en rajoutèrent en
indiquant que dans ce département démuni, le taux de pauvreté atteignait près
de 28 % de la population, le chômage s’élevait à près de 13 % et se plaignirent
des établissements scolaires mal dotés, et plus généralement, des inégalités et
des discriminations dont étaient victimes leurs administrés. Après ce constat
alarmant, le défenseur des droits, J. Toubon s’effarait : « notre pays préfère la distinction à
l’intégration, la concurrence à l’intégration ». Diantre !
Allait-on en finir avec « ce
scandale absolu » (Borloo), ces Français oubliés, trop basanés, et
tous ces sans papiers, sans droits ? L’ex-ministre de Sarko se sentait
pousser des ailes, la verticale du pouvoir semblait s’accommoder des voix
tamisées de ceux d’en bas.
Nenni !
Les conseillers du prince regimbaient : « On ne lui a jamais demandé d’en faire autant » et de se
hausser du col dans le débat public que seul Macron 1er se devait
d’orchestrer.
Le
22 mai dernier, dans un discours qu’il annonçait bref, le jeune coq
présidentiel, devant la basse-cour de 600 invités, pérora pendant plus d’une
heure trente. Et ce fut l’humiliation du vieux poulet baissant la crête en
silence, et des élus présents, traités de valetaille «électoraliste ».
Morceaux choisis : « Je ne suis
pas prêt à faire des concessions, à m’excuser d’être un jeune mâle blanc
diplômé… » « ça n’aurait
aucun sens que deux mâles blancs ne vivant pas dans ces quartiers s’échangent
l’un rapport et l’autre lui disant, on m’a remis un plan… ça ne marche
plus cette stratégie aussi
âgée que MOI ». En quelque sorte, MOI, l’Etat, je dis aux manants des
quartiers : n’attendez rien, vous êtes ethniquement à part, vous devez
vous en sortir par vous-mêmes ; « mettre
trop d’pognon » pour les malfamés, c’est fini. Ce qu’il faut c’est un
« plan de lutte contre les trafics
de drogue », ce sera fait dès la fin juillet. En outre, l’appel à la
charité moderne, la « bonne volonté
des 120 plus grandes entreprises françaises pourvoira à la lutte contre les
discriminations ».
En
Macronie, la mystification des « en même temps » risque d’être de
courte durée et d’ébranler le perchoir du jeune coq en sa majesté plein
d’arrogance et de morgue…
GD,
le 18.06.2018