Contre la
déforestation en Malaisie
Sur l’île de Bornéo, des nomades penan, derniers
représentants des chasseurs-cueilleurs, au cœur de la jungle de l’Etat de
Sarawak, forment le dernier carré de résistance contre les entreprises
d’exploitation forestière qui, avec le soutien des gouvernements locaux, ont de
longue date mis à sac la forêt primaire. En une trentaine d’années, 80 % des
forêts pluviales des deux Etats malaisiens de Bornéo, Sabah et Sarawak, ont
disparu, détruites par le commerce du bois ou remplacées par d’immenses champs
de palmiers à huile. Cette industrie florissante ne cesse de prospérer en
raison d’un appétit croissant pour l’huile de palme : rien que dans
l’Union européenne, la croissance de la consommation de ce produit, pour
confectionner notamment les biocarburants, a explosé : de 14,6 millions de
tonnes dans le monde en 1995 à 61,1 millions en 2015. La Malaisie est, après
l’Indonésie, le 2ème producteur mondial de ce
« carburant ». Les Penan, dont
le chef Peng Mengut, au milieu d’une vaste zone de forêt vierge encore
épargnée, mènent l’un des ultimes combats des peuples autochtones contre les
bulldozers des compagnies d’abattage du bois. Depuis deux ans, ils ont bloqué la
piste des bulldozers en érigeant des barrières en bambous. Ils ont écrit sur
une pancarte : « Cette
forêt est le territoire traditionnel des Penan » et demandent aux
intrus de « ne pas empiéter sur leurs
terres et leurs droits », cette forêt aux centaines d’espèces
animales, dont plusieurs dizaines sont endémiques à Bornéo, comme celle d’un
ours et du splendide oiseau « calao-rhinocéros ». Depuis le mois
d’août, le chef Peng et ses compagnons ont fait monter la pression en
construisant une maison de bois blanc qui barre l’accès à la jungle. Cette
ZAD du bout du monde a permis aux « rebelles » de remporter
une bataille, en octobre : après d’âpres négociations, la société
d’abattage a fait demi-tour.
Les indigènes osent désormais poursuivre leurs adversaires
devant les tribunaux, même si la loi de 1957 ne les protège pas, décidant que
les terres cultivées avant 1957 appartiennent au cultivateur, mais celles
cultivées après 1957 nécessitent des autorisations. Les indigènes possèdent
rarement les papiers prouvant que les terres sont bien les leurs. Ces conflits
illustrent deux visions antagonistes du monde entre les destructeurs de forêts
et les indigènes qui la peuplent et nul ne peut prédire, face à la globalisation
implacable si le chef Peng Mengut et ses compagnons ne sont pas en train de
livrer leur dernière bataille face aux bulldozers.
Extraits de l’article de Bruno Philip (le Monde 15.01.2019). Pour en savoir plus : ONG de défense des
peuples premiers : Survival
International https://www.survivalinternational.fr/