Sommes-nous
à un tournant historique ?
Depuis
la crise financière de 2007-2008, suite à laquelle aucune solution réelle ne
fut proposée pour en réduire les causes apparentes, la fuite en avant
spéculative et prédatrice a prévalu. Les inégalités creusent un abîme entre les
super-riches et l’ensemble de la population mondiale. Qui plus est, les dettes
publiques et privées ont incité les castes politiciennes des Etats à pratiquer
l’austérité laminant les classes moyennes, tout en cherchant à recourir à une
concurrence de plus en plus féroce. Ce qui a changé, outre cette accentuation
de la guerre économique, c’est l’obsolescence du multilatéralisme au profit de
l’unilatéralisme. Le repli de l’impérialisme US, déjà entamé sous Obama, a pris
la forme tonitruante et grandguinolesque avec Trump. Derrière la farce
burlesque des tweets, c’est la montée en puissance du capitalisme d’Etat
chinois qui inquiète les autres « empires », y compris l’Europe. On
assiste, de fait, au retour des Etats-nations. Certes, ils n’ont jamais disparu
mais les divergences d’intérêts n’ont fait que croître. Ils prennent la forme
aliénante du retour au nationalisme xénophobe. En réalité, derrière ce masque manipulateur des classes
populaires, se cache l’apparition de
bourgeoisies agressives dans les pays de l’Est de l’Europe, qui refusent la
domination du césarisme allemand et des eurocrates. Si le Brexit, tout comme la
situation en Autriche et en Italie, sont différentes, elles dissimulent toutes
le fait qu’il est de plus en plus difficile, pour les classes dominantes, de
faire admettre à « leurs » peuples les politiques d’austérité et les
effets de la désindustrialisation, de la robotisation, du recours aux nouvelles
technologies. Au sud, le pillage reprend de plus belle, les dictateurs sont
assurés de la complaisance intéressée des prédateurs, dont ils font partie.
Mais,
partout, l’air sent le soufre. Les
révoltes potentielles grondent ou explosent, comme au Soudan, voire en
Tunisie. Des dissidences
apparaissent sous les figures de Sanders aux USA, de Corbin en Grande-Bretagne,
de Mélenchon en France. Des manifestations s’insurgent au sein même des pays de
l’Est de l’Europe, en Russie également, contre les reculs des droits sociaux et
des libertés publiques, et surtout, contre le conservatisme rétrograde et la
corruption des élites.
L’occupation
des places, les Nuits debout, les défilés contre les régressions du droit du
travail n’ont rien changé. Les directions syndicales, même les plus
contestataires, dans l’incapacité d’appréhender le caractère nouveau de la
période, font d’autant preuve d’inertie qu’elles font face à l’atomisation des
classes ouvrières et que leur propre vision désuète se heurte aux classes
dominantes qui, de moins en moins, se prêtent à jouer le jeu de lâcher du lest
dans des négociations à froid. Elles n’en ont cure.
Or,
la plèbe se lève contre tous les
carcans qui l’entravent. C’est le cas des Gilets Jaunes en France. Son moteur
c’est l’injustice sociale, fiscale dont elle est victime et le sentiment diffus
qu’il faut en finir avec les tenants du système. Les soulèvements populaires,
dans la période qui s’ouvre, vont se répéter. Le rapport des forces sociales
peut se modifier. Toutefois, face au tournant historique qui s’amorce, tous les
dérapages sont possibles, faute de
perspectives et de stratégie. Renverser le capitalisme n’est pas une mince
affaire. Il faudrait pouvoir faire renaître une association internationale des
travailleurs pour tisser une grande alliance contre les oligarchies régnantes,
contre les risques de guerre, contre « l’effondrement » climatique…
On en est encore loin. Quoique ! Une accélération de l’Histoire est toujours
possible.
GD
le 24.01.2019
Editorial de PES - Pour l'Emancipation Sociale - n° 50, paru le 26 janvier 2019
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