Sœur, camarade,
Nous vous envoyons le salut des femmes
zapatistes qui se battent. Nous n’allons pas pouvoir organiser la 2ème
rencontre internationale des Femmes qui Combattent, ici dans nos terres
zapatistes en mars 2019 (la 1ère rencontre internationale des femmes
de 40 pays a été organisée au Chiapas en mars 2018).
Il s’avère que les nouveaux mauvais
gouvernements ont déjà clairement indiqué qu’ils allaient mettre en œuvre leurs
mégaprojets de grands capitalistes. De leur Train Maya (à Palenque, Chiapas),
de leur plan pour l’isthme de Tehuantepec (dans l’Etat de Oaxaca, développement
du port, des voies ferrées, des routes…), de la plantation d’arbres pour la marchandisation
du bois et des fruits. AMLO (Andrés Manuel Lopez Obrador, le nouveau président)(1)
a dit que les sociétés minières et les grandes sociétés d’agro-business
viendraient nous visiter. Il dispose d’un plan agraire qui pousse à l’extrême
l’idée de nous détruire en tant que peuples indigènes (natifs, autochtones) de manière
à convertir nos terres en marchandises. Ils veulent compléter ce que Carlos
Salinas de Gortari (président 1988/1994)
a dû laisser en attente parce que nous l’avons arrêté avec notre insurrection.
Ces projets sont destructeurs. Peu importe
combien de fois ils « multiplient » leurs 30 millions de supporters
(mouvement Morena). La vérité est que ces nouveaux pouvoirs font tout contre les
peuples natifs, leurs communautés, leurs terres, leurs montagnes, leurs rivières,
leurs animaux, leurs plantes et même leurs pierres. Non seulement, ils
s’opposent à nous, zapatistes, mais ils sont contre toutes les femmes qu’ils
disent indigènes (et aussi les hommes). Ils veulent que nos terres soient pour
les touristes qui auront leurs grands hôtels et leurs grands restaurants. Ils
veulent que nos terres deviennent des fermes produisant des bois précieux, des
fruits et de l’eau ; des mines pour extraire l’or, l’argent, l’uranium et
tous les minéraux que les capitalistes convoitent. Ils veulent que nous
devenions leurs petits pois, leurs serviteurs, que nous vendions notre dignité
pour quelques pièces par mois. Parce que ces capitalistes, et ceux qui leur
obéissent dans les nouveaux mauvais gouvernements, pensent que ce que nous voulons, c’est de l’argent. Ils ne
comprennent pas que nous voulons la liberté, que le peu que nous avons fait,
c’est de nous battre sans que personne nous demande des comptes. Ils ne
comprennent pas que ce qu’ils appellent « progrès » est un mensonge,
qu’ils ne peuvent même pas s’occuper de la sécurité des femmes, qui continuent
à être battues, violées et assassinées dans leur monde progressiste ou
réactionnaire.
En territoire zapatiste, pas une seule
femme n’a été assassinée depuis de nombreuses années. Ils disent que nous
sommes les arriéré-e-s, les ignorant-e-s… Peut-être ne savons-nous pas ce
qu’est le meilleur féminisme, peut-être ne savons-nous pas comment dire
« corps » ou ce qu’est l’équité entre les sexes ou ces choses qui
comportent tant de lettres qu’elles ne peuvent même pas être dites… Ce que nous
savons, c’est que nous luttons pour notre liberté et que nous devons maintenant
nous battre pour la défendre afin que nos filles et nos petites-filles ne
souffrent pas de l’histoire douloureuse de nos grand-mères.
C’est à nous de lutter pour que l’histoire
ne se répète pas, celle qui implique que nous retournions dans le monde de la
stricte préparation de la nourriture et de la mise au monde des bébés, pour les
voir grandir dans l’humiliation, le mépris et la mort.
Nous ne prenons pas les armes pour revenir
à ce passé. Nous n’avons pas mené durant 25 ans une résistance pour servir les
touristes, les patrons et leurs contremaîtres.
Nous n’allons pas cesser d’être des promotrices
de l’éducation, de la santé, de la culture, de nos coutumes, de notre système
de pouvoir propre, de l’élection de nos mandants, pour devenir maintenant des
employées d’hôtels et de restaurants servant des étrangers pour quelques pesos.
Peu importe que cela nous rapporte beaucoup ou peu de pesos, ce qui compte, c’est
que notre dignité n’a pas de prix.
Nous allons nous battre avec toutes nos
forces contres ces mégaprojets. S’ils conquièrent ces terres ce sera sur le
sang des zapatistes. Ce que nous voulons c’est la liberté que personne ne nous
a donnée mais que nous avons conquise en combattant.
Camarade, sœur,
N’arrêtez pas de vous battre. Même si ces
maudits capitalistes et leurs nouveaux mauvais gouvernements s’en sortent et
nous anéantissent, vous devez continuer à lutter dans votre monde. Nous allons
nous battre pour qu’aucune femme au monde n’ait peur d’être une femme.
Extraits de Femmes zapatistes des montagnes du sud-est mexicain, février 2019,
traduction A l’Encontre. OM.
paru sur https://alencontre.org/
(1) AMLO – Mouvement de
régénération nationale Morena – dit « de gauche » a emporté les
élections présidentielles en juillet 2018 et a pris ses fonctions le 1er
décembre. Il promet de réaliser la 4ème
transformation du Mexique (redistribution des richesses, lutte contre le crime
organisé…). Il doit tenir compte de la vulnérabilité de l’Etat, de la puissance
et des liens du narcotrafic… Il a reconnu la légitimité de Maduro tout en
affirmant ne pas vouloir se fâcher avec les USA. A suivre…