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Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


dimanche 30 août 2020

 Pétitionnaires de tous les pays...

Pour tenter de convaincre qu’il faut conjuguer réflexion et action collective, nous publions ci-après des extraits de l’article de Benoît Bréville « Pétitionnaires de tous les pays… » (Le Monde Diplomatique août 2020). Sans quitter notre canapé, rien ne changera. Gramsci écrivait que seule la vérité est révolutionnaire, encore faut-il préciser qu’elle est enfouie dans la gangue de l’idéologie dominante qui la rend méconnaissable. C’est dire que les dominés doivent « se lancer dans des lectures impossibles » (dans La nuit des prolétaires de Jacques Rancière), échanger, agir en toute autonomie. Que les médias dominants façonnent l’opinion est une évidence de plus en plus partagée mais celle-ci ne suffit pas à faire émerger des forces organisées délivrées de toute illusion. Pétitionner encore pour que rien ne change, attendre les prochaines élections, ou plus radical en apparence, manifester pour nous faire entendre du pouvoir qui restera sourd aux doléances. Or, le monde tel qu’il va voit surgir des révoltes à répétition qui, quand elles ne sont pas brisées par la répression, sont manipulées afin que le cours normal de l’ordre mondial reste, pour l’essentiel, inchangé, faute de perspectives radicales. Et les élites après les remous et vagues successives se remettent en selle. Les extraits ci-après sont une invitation à lire le Monde diplomatique. Certes, ce n’est pas une publication révolutionnaire mais elle contribue à comprendre le monde tel qu’il va. Dans le numéro d’août, Pierre Rimbert « sévit » contre cette bourgeoisie intellectuelle héréditaire, David Garcia contre France Inter qui ne s’adresse qu’à l’opinion la plus conformiste et bien d’autres encore, l’édito de Serge Halimi... Bref, à la résignation, il faut opposer la force de l’intelligence éclairée afin qu’elle ait un impact réel sur les rapports de forces sociales. Il y a urgence, face aux dérèglements qui s’annoncent : crises sanitaire, économique, écologique, sociale, famines et même la guerre, qui, potentiellement se laissent entrevoir… GD

 

Pétitionnaires de tous les pays

de Benoît Bréville (extraits)

 

« Les vedettes s’ennuyaient pendant le confinement. Elles ont donc fait des concerts de salon, des entretiens sur webcam, des photos sur Instagram et même des performances engagées sur YouTube, tels ces 25 artistes américains qui entonnèrent en chœur, depuis de luxueuses résidences, Imagine, de John Lennon : « Imagine la fin de la propriété. Imagine tous les gens se partageant le monde » (…) 200 artistes et scientifiques ont signé le manifeste « Non à un retour à la normale » lancé par la comédienne Juliette Binoche et l’astrophysicien Aurélien Barrau, avec le soutien de Madonna, Robert De Niro et Emmanuelle Béart (...) « La transformation radicale qui s’impose – à tous les niveaux – exige audace et courage. Elle n’aura pas lieu sans un engagement massif et déterminé » (...) Et avec la pétition mise en ligne par Nicolas Hulot le 5 mai qui décline cent fois la phrase « Le temps est venu » ... d’en finir avec les manifestes de bons sentiments ?

 

Ce n’est à l’évidence pas l’avis des « 150 personnalités de gauche » (le communiste Ian Brossat, l’écologiste Yannick Jadot, le socialiste Olivier Faure, M. Raphaël Glucksmann de Place Publique…) qui ont publié, quelques jours après M. Hulot, la pétition « Construisons l’avenir » (...). N’était-ce pas déjà l’idée de M. Glucksmann quand il a créé, en novembre 2018, le mouvement Place publique autour de l’appel « Agir avant qu’il ne soit trop tard » ?

 

(…) On retrouve dans tous ces textes les mêmes grands principes flous et consensuels (réinventer l’Europe, imaginer une planète solidaire, lancer une dynamique citoyenne…), la même volonté d’éviter les sujets épineux (la monnaie unique, le protectionnisme, les alliances avec le Parti socialiste) (…) En fait, n’importe quel sujet peut donner lieu à un manifeste, qui trouvera toujours un journal ou un site d’actualité pour l’accueillir (…). Rien qu’en février dernier, 160 personnalités se sont mobilisées dans le Journal du dimanche pour dire « Stop aux écrans vidéo publicitaires », 278 personnalités ont préconisé dans Politis la création d’un comité de soutien aux mobilisations sociales, 140 autres (ou souvent les mêmes) ont demandé dans L’Humanité l’organisation d’un référendum sur la réforme des retraites. Sans parler des 27 maires pour les cantines sans nitrite, des 1 000 scientifiques contre le réchauffement climatique, de sportifs de haut niveau contre les violences sexuelles, des patrons de l’aéronautique pour la transition écologique (…). Ces textes s’adressent également aux anonymes, incités à ajouter leur paraphe tantôt via un site ad hoc, tantôt sur Change.org, la multinationale américaine de la pétition en ligne (…) Il ne faut que deux minutes pour défendre une cause sur internet (…), n’entraînant pas de retenue de salaire ; tout risque de recevoir un coup de matraque, d’inhaler du gaz lacrymogène, de terminer en garde à vue est exclu (…) pour ces militants paresseux qui voudraient changer le monde sans quitter leur canapé (...)

 

Les signataires professionnels s’abritent souvent derrière une histoire glorieuse des pétitions quand il en coûtait d’associer son nom à une cause. Les auteurs du « Manifeste des 121 » sur le droit à l’insoumission pendant la guerre d’Algérie risquaient ainsi de se retrouver en prison, d’être la cible d’un attentat de l’OAS). En, déclarant « Je me suis fait avorter », les signataires du « Manifeste des 343 » s’exposaient elles aussi à des poursuites pénales ; et si Catherine Deneuve et Simone de Beauvoir savaient qu’elles seraient épargnées, de nombreuses anonymes furent poursuivies. A présent, la pire peine qu’encourt une personnalité dénonçant la dérive autoritaire de M. Emmanuel Macron est d’être invitée à en débattre sur France Culture ».

 

 

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