La pornographie. Du viol tarifé…
Au même titre que le système prostitueur, le
système porno-criminel peut être considéré comme une arme d’asservissement,
utilisée par les capitalistes contre les plus faibles, tant ce système
légitime, encadre et perpétue des viols tarifés filmés et renforce le
patriarcat.
Viols tarifés filmés
Pornographie signifie représentation, graphê
signifiant écriture, de femmes en situation de prostitution, pornê. Des sculptures aux peintures, en
passant par la littérature et la chanson paillarde, elle a toujours réussi à
jouer son rôle : proposer des modes
opératoires aux agresseurs, donner des armes aux hommes et sidérer les femmes
et les enfants confronté.es à cette violence érotisée. L’érotisation des
violences masculines, commises par surprise, menace, contrainte et violence,
amplifiées et diffusées par les pornographes et les voyeurs-violeurs par
substitution, est un outil sûr et efficace pour maintenir le patriarcat.
L’association américaine Culture Reframed indique que 88%
des scènes contenues dans les films pornographiques les plus regardés et
téléchargés contiennent des violences masculines. L’ajout d’une caméra pour
capter des scènes de violences sexuelles ne doit pas représenter un argument validant la pornographie, mais
bien une circonstance aggravante aux viols subis. Selon le Code Pénal, tout acte de pénétration sexuelle, de
quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence,
contrainte, menace ou surprise est un viol.
La
surprise :
il suffit de rassembler des témoignages d’associations en contact avec des survivantes du système porno-criminel
pour réaliser que ce n’est pas parce qu’elles signent un contrat avec les pornographes,
contrat supposé réguler les violences
durant les séances de viols collectifs, que les femmes et filles ne se
voient pas imposer des actes non prévus
par avance. Ici, certains des actes de pénétration sexuelle sont commis par
surprise.
La
menace :
Intimidation, chantage, risque de subir
une violence pire que la précédente ou de voir sa paie réduite et par
conséquent subir une plus grande précarité, toutes ces stratégies d’agresseurs constituent des menaces qui peuvent obliger
les femmes sous emprise à subir toujours plus de violence. Ici, certains des
actes de pénétration sexuelle sont commis par menace.
La
contrainte :
Rappelons que la nécessité d’une caméra, d’un contrat et d’un scénario
constitue structurellement des
contraintes auxquelles les femmes ne peuvent se soustraire. Ensuite, être
une victime de la pornographie n’est pas un métier, n’est pas une position
souhaitable, désirable. Les femmes sont dans des contextes vulnérabilisants, lorsqu’elles sont en insécurité psychologique, physique ou financière, lorsqu’elles
souffrent des conséquences de psycho-traumatismes
antérieurs. Les raisons amenant à faire partie de ce système porno-criminel sont la précarité,
l’emprise, les mécanismes psycho-traumatiques. Ici, tous les actes de
pénétration sexuelle sont commis par contrainte.
La
violence :
La porno-criminalité constitue un système
d’impunité, de promotion et de déploiement des violences sexuelles, des
hommes contre les femmes. L’étude de Bridges
montre à quel point ces films contiennent et propagent des scènes de violences verbales et physiques contre les femmes (dans respectivement
48,7 et 88%). Ces violences sont aggravées par la présence d’une caméra sur les
lieux des viols collectifs, la
caméra étant extrêmement dissociante pour les femmes et les filles durant une
situation sexualisante. Ces violences sont décuplées puisque non seulement
commises par les violeurs-acteurs,
mais également par tous les agresseurs impliqués sur le plateau, porno-voyeurs, sans oublier les
violeurs par substitution derrière leurs
écrans d’ordinateurs, ceux-ci étant à
l’origine et responsables de la demande. Ici, tous les actes de pénétration
sexuelle sont commis par violence.
Summum du capitalisme
Il est urgent de se positionner pour défendre les droits humains des personnes
esclaves du système porno-criminel, et de s’interroger sur l’origine, la
racine, des viols tarifés filmés : pourquoi ces violences existent-elles
et à qui profitent-elles ?
L’érotisation
des violences sexuelles masculines contribue par essence à une mise sous emprise
globale des femmes et des filles, colonisées. Les porno-violeurs font la promotion des violences masculines, propagande donnant des armes à tous les
autres agresseurs, notamment en empêchant femmes et filles de différencier
excitation sexuelle issue d’un véritable
désir libre et éclairé, et excitation génitale traumatique. Il nous faut
aussi penser aux jeunes enfants exposé.es en moyenne dès 11 ans à la violence banalisée véhiculée par la
pornographie. D’autant que ce système s’impose dans chaque recoin de nos vies
quotidiennes (publicités, film, clip…), et représente près de 35% du contenu du web. Aux garçons
apprenant que c’est cette violence qu’ils doivent aimer et réclamer. Aux
filles, sidérées, forcées de considérer ces actes comme ceux d’une sexualité
désirée. Il est impératif de décoloniser
les imaginaires, de pouvoir s’écouter
soi-même et de s’incarner pleinement
en se libérant de tout regard extérieur rendu invasif. Et surtout, il faut
penser aux femmes et filles directement victimes de ce système esclavagisant où la
torture des femmes rapporte...
28 000, c’est le nombre de
personnes qui visitent un site à caractère pornographique toutes les secondes, un
des 25 millions de sites présents
sur la toile… En France, 8 utilisateurs d’Internet sur 10 visionnent ce genre
de contenu. Aux Etats-Unis, pays producteur
de 90% des contenus, les productions pornographiques rapportent 10 milliards de dollars annuellement.
La France n’est pas en reste avec 200
millions d’Euros de revenus annuels. Cependant bien que cette ‘industrie’ continue d’être en pleine
expansion, ces revenus ne bénéficient évidemment pas aux personnes contraintes
sexuellement par celle-ci. Si certaines sources parlent d’une fourchette
comprise entre 700 et 2500 euros par tournage (dont la durée varie de quelques
heures à plusieurs jours), la réalité
est drastiquement différente puisqu’une jeune femme témoigne d’un salaire mensuel d’à peine 500 euros
pour les tournages, alors que les crimino-producteurs vont continuer à utiliser
et tirer profit de son image 30 années
durant.
Porno ‘féministe’ ?
Le porno ‘féministe’ est-il une solution pour
lutter contre le système porno-criminel ? Le porno féministe serait une
alternative aux films dominants (les ‘tubes’)
et mettrait en avant le plaisir féminin et le ‘consentement’. Le but de ce format serait de briser les stéréotypes
et les schémas habituels des vidéos issues des tubes (comprenant toujours les
mêmes pratiques filmées dans le même ordre et centrées exclusivement sur le
plaisir féminin). Le porno féministe permettrait également de représenter une diversité
des corps et de la beauté, d’émanciper les femmes à travers la réappropriation
du système pornographique et la mise en scène sexuelle de soi qui viendraient
renverser la situation en se focalisant sur les femmes et le plaisir féminin.
Cette démarche peut sembler promouvoir l’égalité
et l’émancipation des femmes. Les pornographes ‘féministes’ bénéficient d’une
très large couverture médiatique. Tout est fait pour promouvoir un porno
branché, libérateur et dans l’air du temps. Pourtant, même ses plus farouches
partisanes se contredisent en mettant en évidence que le porno incite à la
performance, à une course à la popularité (ou plutôt au profit ?). Elles
reviennent sur le fait qu’il ne peut être vendeur que s’il est ‘mis en scène’ est
donc tout sauf naturel. Toutes insistent sur le caractère indélébile de son
image numérique qui, quoiqu’il arrive, laissera une trace sur le plan de la
diffusion de l’intimité de la personne que sur le plan psycho-affectif. Cette
ambivalence dans les discours pro-porno est révélatrice de l’arnaque que représente l’autonomisation des femmes par la
représentation sexuelle de soi : la
personne filmée répond de fait aux attentes des autres. De plus, son image
est appropriée par des personnes tierces et par quiconque utilisant internet.
La personne ‘consent’ à être
photographiée ou filmée (afin de lutter contre une précarité financière et
affective) mais elle n’est absolument pas dans une démarche de désir libre et
éclairé. En quoi le fait de s’exposer sur Internet, donc au monde entier,
est-il bon pour quoi que ce soit ? A qui profite alors le porno
‘féministe’ ? Aux proxénètes qui continuent de s’enrichir sur des actes
sexuels non désirés ; aux agresseurs en demande d’images violentes. Le
porno féministe étant vu essentiellement par des hommes. Même estampillé
féministe, le système pornographique
n’est qu’un des maillons de l’aliénation des femmes.
Imaginaires racistes
Sur la majorité des sites pornographiques, les porno-criminels
classent les femmes dans des catégories
profondément racistes et coloniales, et leurs attribuent des spécificités
en fonction de leur origine ethnique,
réelle ou supposée. Ils sexualisent les
femmes sud-américaines, animalisent
les femmes noires en les associant à la vie sauvage et considèrent les femmes
dites ‘asiatiques’ dociles et soumises par nature. Les
clichés sont ancrés dans le système pornographique, où les agresseurs réduisent
les femmes à des sous-catégories censées
satisfaire leur besoin, et réutilisent les codes du racisme pour les rabaisser encore plus. Les femmes maghrébines sont dénigrées,
traitées de ‘beurettes’ et réduites à
l’exotisme. On réalise à quel point les imaginaires racistes du quotidien sont
non seulement présents mais exacerbés dans ce système, incitant les hommes à
s’en servir et à les propager.
Croire qu’il n’y a aucune reproduction de ces
schémas dans la vie réelle est un leurre, et on assiste ici à une imbrication
de ces systèmes d’oppression, et donc à leur aggravation.
Mettre fin au système porno-criminel et prostitueur,
c’est en finir avec des agresseurs qui se nourrissent des oppressions
misogynes, racistes, classistes, et les perpétuent.
Stephanie Roussillon