(Im)postures
macroniennes
(éditorial
du PES n° 64)
La
séquence calamiteuse que vient de vivre le pouvoir macronien où se sont succédé
les mobilisations des Gilets jaunes, des Blouses blanches, contre la
destruction du code du travail, des retraites, de la santé publique, puis celles
des jeunes des quartiers et au-delà, contre les violences policières et le
racisme institutionnel, ou encore le mouvement pour la préservation de la
planète, ont brisé la verticale du pouvoir. Quant à la casse sanitaire, marquée
par l’ineptie et les mensonges d’Etat, elle fut illustrée par l’adoption de
postures présidentielles télévisuelles, sans effet sur l’état de l’opinion.
Chef
de guerre contre le virus, puis mea culpa tardif et héroïsation des soignants,
ces postures n’ont pas recrédibilisé le petit homme. La martingale brandie pour
faire accroire que le jupitérien d’hier allait se convertir à la démocratie
sociale et participative n’est qu’un coup de poker menteur qui risque de se retourner contre son auteur. Du
Ségur à la Convention Citoyenne sur le Climat, tous ces cahiers de doléances
sont autant d’attentes en passe d’être déçues. Le petit roi est-il nu ?
Pas tout à fait. Le chômage partiel pendant la pandémie, les milliards injectés
dans l’économie, donnent quelque crédit à la prétendue volonté de Macron de se
« réinventer », tout de suite
contredite par « je ne changerai pas
de cap » et de remettre sur le tapis le projet de loi sur les
retraites et la baisse des indemnités chômage.
Et
pointe au coin du bois, le revenant
Fillon. A qui profite le « crime » de son élimination, pour
détournement de biens publics et recel, ouvrant l’avenue présidentielle au
petit Brutus ? Ça risque de faire des remous dans le landernau jusqu’au
sommet de l’Etat et de réactiver la revanche de la droite.
Se
relégitimer, mais comment ? Quelles impostures pour s’imposer à
nouveau ? Réunissant ses généreux donateurs, Macron a laissé percer ses
inquiétudes : « Je peux démissionner maintenant et me
représenter aux présidentielles, c’est le moment je n’ai pas d’adversaire crédible, et rejouer
le jeu de l’épouvantail Le Pen ». Se ravisant, le deal étant trop
dangereux, il en appelle aux Présidents des assemblées parlementaires pour lui
faire des propositions, jure qu’il tiendra compte des corps intermédiaires, des
territoires délaissés, en appelle à la déontologie policière avant d’absoudre
ce corps répressif dont il a un impératif besoin. Puis, il lance des ballons
d’essai (la remise en cause des 35 H,
des RTT et même des congés) qui crèvent les uns après les autres dans les sondages.
Vite, il faut passer le cap des municipales, cette claque annoncée aux
macroniens, en finir avec ces remous dans son parti qui ressemble de plus en
plus à une marche en crabe.
Reste
le remaniement ministériel,
l’abandon du juppéiste Philippe qui lui fait de l’ombre. Ravaler la façade de
la monarchie dite républicaine avec de nouveaux visages, serait-ce la
solution ? Dans l’escarcelle de ses
cogitations mûrit également l’idée d’un recours au référendum. Pas si simple ! C’est casse-gueule. Alors,
solitaire et mutique, il laisse les élucubrations des éditocrates aller bon
train. Mais le temps presse. La vague des licenciements menace, les maux du
chômage rongent le corps social, la désindustrialisation et les délocalisations
risquent de s’accélérer, la colère des Blouses blanches, des Gilets jaunes,
noirs, verts et rouges peut s’accumuler. Faudra-t-il dissoudre l’Assemblée pour que tout se termine par des élections
pour que rien ne change ? Ce qui est sûr, c’est que le macronisme
s’achemine vers un long crépuscule à
moins de croire à l’effet salvateur d’une relance de la croissance capitaliste.
Les
postures qui se succèderont, dans cette dernière séance du quinquennat, seront
autant d’impostures, comme celle de Valls prétendant que les luttes des races
succèderont en France à la lutte des classes… tout un programme de guerre
contre « les minorités agissantes »
qui tente Macron. N’a-t-il pas accusé les intellectuels d’avoir tenu des « discours
racisés », « ethnicisant » la question sociale, qui déboucheraient
sur la « sécession » de la jeunesse et qu’en définitive, l’antiracisme
serait « communautariste » et « séparatiste » ? Cette
posture de répression vise à prévenir qu’il fera tout pour empêcher la jonction
des luttes des discriminés avec l’ensemble des exploités et des écologistes
radicaux. GD, le 26.06.2020