Arabie Saoudite.
Wahhabisme,
violence et corruption
Difficile de rendre compte d’un livre aussi
riche qu’éclairant. Nul ne devrait pourtant ignorer cette puissance mondiale
devenue un acteur majeur, quoique fragile, dans l’évolution géopolitique entre
autres, au Moyen-Orient. L’assassinat récent du « dissident »
Khashoggi dans l’ambassade de Turquie par un commando de 15 personnes,
commandité par Mohamed Ben Salman (MBS), n’est que le dernier épisode des
« disparitions » extra-judiciaires. Torturé, tué, démembré, ces
restes demeurent introuvables. Ce régime tyrannique, tribal et familial, repose
sur la doctrine réactionnaire et sectaire du wahhabisme, lecture
particulièrement archaïque de l’islam qui s’appuie à la fois sur un contrôle
féroce de la société et sur les exécutions massives au sabre, en public.
L’auteur écrit toute l’histoire de cette dynastie depuis le 18ème
siècle qui a pu perdurer, se renforcer à partir de 1920 (découverte du pétrole)
grâce à l’appui intéressé des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne puis des autres
puissances. Ennemi juré des nationalismes arabes laïcs, l’Arabie Saoudite est
devenue plus agressive depuis la « révolution » khomeinyste en Iran.
Inspiratrice et manipulatrice de toutes les guerres récentes (Afghanistan,
Irak, Yémen aujourd’hui), elle est derrière tous les djihadistes terroristes même
si ces derniers ont dépassé leur maître (Al Qaïda, Etat Islamique). Adversaire
impitoyable de toutes les tendances d’un islam plus tempéré. La chasse aux
Frères musulmans, le soutien au coup d’Etat d’Al Sissi en Egypte, ses
ingérences en Syrie et en Lybie, la guerre au Yémen, révèlent la volonté
hégémonique sur la religiosité des musulmans. Les bêtes noires du régime sont
l’Iran chiite et la Turquie « ottomane » et, dernièrement, les
printemps arabes, y compris au Soudan. Sa force corruptrice, ce sont les pétrodollars
et l’achat d’armes sophistiquées, tout particulièrement aux USA, au
Royaume-Uni, à la France, mais aussi son prosélytisme tous azimuts par la
diffusion des imams et construction de mosquées. La guerre du pétrole suscitée
par la concurrence de l’or noir extrait des sables bitumineux (Canada) et de la
fracturation hydraulique, ne modifie qu’en surface la politique de cette
tyrannie désireuse de se donner un visage plus moderne. L’alliance avec Trump
permet tous les « dérapages » (bombardements des écoles, des hôpitaux,
au Yémen, plus de 100 000 morts dont 67 % de civils) et l’accord sur le
« plan de paix », négation des aspirations palestiniennes, pour
s’acheminer vers une alliance avec l’Etat d’Israël afin d’accélérer le
changement souhaité du régime en Iran. Pour l’heure, cette visée géopolitique
n’a rencontré que des échecs, mais…
Que cette rapide évocation incite à lire
cet essai remarquable. GD
Malise
Ruthven,
la Fabrique, 2019, 18€