Ça va
tanguer très fort !
Editorial du
PES n° 63
Jupiter
marche sur des œufs, déséquilibré qu’il est par les conséquences du Covid-19.
Si ce n’est pas la boule, il semble avoir perdu sa boussole. Dans le château
vermoulu de la 5ème République, s’instituant chef de guerre contre
le virus, il n’a pas ravitaillé à temps la première ligne de feu. Invoquer les
taxis de la Marne et l’union sacrée ne procurait pas les masques et les tests
tant attendus. La rhétorique guerrière s’avérait incapable de dissimuler de
piteux mensonges. La figure tutélaire dont Macron s’était affublée, disparaissait
au profit des premiers de corvée : les vaillants soldats hospitaliers tant
ignorés et toutes ces petites mains méprisées qui faisaient vivre le pays
confiné. Start-up et milliardaires n’étaient d’aucune utilité ! Alors le
petit théâtreux se fit dégoulinant de compassion, tout en se réfugiant derrière
un comité d’experts à sa main, puis derrière son premier sinistre : le
verbe du petit théâtreux était sans effet. Ça tanguait de tous les côtés, même
parmi sa majorité de zélotes. Elle s’effritait par petits bouts de droite et de
gauche.
Alors,
comme Sarko jurant qu’il avait changé, Macron proclama qu’il se réinventait,
déversa « un pognon de dingue » de chômage partiel et d’aides aux
entreprises. Il fallait résoudre la difficile équation à quatre
inconnues :
-
apaiser la colère
populaire qui montait
-
sauver le système
capitaliste quoiqu’il en coûte sans être sûr d’y parvenir avec toutes ces PME,
ces sous-traitants et boutiquiers
-
maintenir une
majorité présidentielle s’effilochant : le baron de Lyon, premier rallié,
s’accrochant à Wauquiez pour sauver sa carrière, faisait mauvais effet à la
veille du 2ème tour des municipales
-
contenir la Le
Pen, engrangeant les mécontents et tous ceux ayant accès à la vitrine
médiatique : le graveleux Bigard, le vicomte de Villiers et son Puy du
fou, le professeur Raoult, ce druide enchantant toute la droite marseillaise…
Et lui, sur les conseils de sa Brigitte, de saisir le téléphone pour leur dire
« Je vous ai compris » et affaiblir la voix des réseaux sociaux.
Et
puis va venir cette vague de faillites, de licenciements sur l’esquif
présidentiel. Ça va secouer très fort d’autant que les hospitaliers, malgré
tous les remerciements, veulent en découdre. Se renier, perdre la face ?
Supprimer la tarification à l’activité de l’hôpital-entreprise, les ARS ? Accorder
des augmentations de salaires, restaurer l’ISF… ? Impensable ! Les
primes, les médailles, le défilé du 14 juillet en leur honneur, ils n’en
veulent pas. Vite un comité Théodule avec à sa tête la Notat qui rempile pour
calmer le tendre Berger… Faut passer l’été.
Le
Macron navigue à vue pour retrouver le cap et maintenir le gouvernail de
« l’aristocratie » stato-financière, lovée dans l’Etat de la 5ème
République. La verticale du pouvoir présidentiel doit être maintenue et tout
doit finir par des élections bien formatées.
A
moins qu’un vent de révoltes, de manifestations, ne vienne chahuter ce navire
qui prend l’eau. Restent pour contenir ces frappes, la diffusion de la peur, de
la répression et la surveillance généralisée pour gérer ces populations en émoi.
Avec
la récession-stagnation qui s’annonce, nous entrons dans l’ère de l’incertitude.
L’espérance de transformation sociale et écologique radicale repose sur un changement
culturel et comportemental qui refuse de s’en remettre aux puissants comme aux bateleurs
fallacieux du style Beppe Grillo. C’est une longue marche à entreprendre, celle
du débat par en bas, excluant tous les dignitaires du régime et ceux qui aspirent
à les remplacer. La reconversion de l’économie, la définition d’un nouveau
pouvoir à instituer, se doivent d’être l’affaire des travailleurs dans les
usines comme dans les bureaux. Pas simple. Ça va tanguer très fort et ce, dans
un contexte international tout perturbé. L’esprit des communards peut-Il
infuser dans les têtes marquées par des décennies d’individualisme ? Sans
organisations émergeant des profondeurs de la société, rien de réellement
possible.
GD
le 29.05.2020