Faire
diversion face à la fragmentation du monde
(Edito du
PES n° 65 paru fin août)
Deux
mois, ou presque et pas tout à fait, au cours desquels, sur fond d’angoisse
Covid-19, le retour à la normale allait prévaloir « quoi qu’il en coûte » ! Les ondes, en ritournelles,
invoquaient à qui mieux mieux, les mesures de protection puis le foot et
certainement, demain, le tour de France. Rien d’autre ne devait nous intéresser
que ces visions à la fois inquiétantes et jubilatoires, franchouillardes, beaufs
et apathiques. L’apparente sagacité des autorités, à coups de milliards
déversés, s’occupait du retour à la normale. A terme, malgré le dégoût
abstentionniste, tout devait se régler par des élections. Ailleurs, il ne se passait rien susceptible de retenir notre
attention… Certes, le réchauffement climatique nous affectait mais Macron et
les Verts étaient là pour nous rassurer : on s’occupe de vous !
Croissance verte ou technophilie dépensière ! Peu convaincus, nombreux
préfèrent l’épargne de précaution et considèrent la pandémie comme une grève
générale sans grévistes, ayant des effets délétères : accroissement des
inégalités, effondrement potentiel des classes moyennes,
précarisation-paupérisation à venir. Les remèdes du système capitaliste sont
connus : restructuration-concentration, répression-domestication des
populations à l’aide des médias dominants et des technologies numériques, voire
extension du domaine de la guerre pour un nouveau partage du monde.
A
travers la lucarne déformante de la TV, on a pu entrevoir les vagues de
révoltes reprenant leurs assauts contre les murs étatiques. Leurs cibles, les
autocrates, les tyrans, les kleptocrates, oligarques, potentats, tricheurs,
affairistes, spéculateurs et autres vautours dont il faudrait se débarrasser
pour être mieux gouvernés… à défaut de se gouverner. La longue patience des peuples bout
de sa propre impuissance. Mouvements spontanés de colère, indignations sans
structuration et sans projets alternatifs, toujours dévoyés par
l’obscurantisme, par des illusions démocratistes et surtout, surdéterminés par
le jeu des puissances impérialistes, à coups d’ingérences, de nationalisme
chauvin et raciste, accentuant la fragmentation du monde.
Un cycle se clôt : celui du néolibéralisme sans hégémonie US. L’affrontement
des puissances sur fond de crises sanitaire, climatique, économique et sociale,
trace l’horizon d’un capitalisme plus
effrayant : famines, déplacements des populations, guerres. Toutefois,
la messe n’est pas dite. La rage qui couve, la soif de liberté et de dignité
sont le cocktail d’une longue maturation pouvant faire éclore des projets
réellement émancipateurs. A contrario, trop sont encore scotchés devant leur TV
et les fausses nouvelles complotistes ; trop sont obnubilés par leur
nombril, leurs intérêts immédiats quand d’autres sont engoncés dans des
idéologies rétrogrades et archaïques et donc, manipulables à souhait. Les
classes ouvrières divisées, sur la défensive, ne sont pour l’heure, ni une
classe en soi, ni pour soi et encore moins porteuses d’universalité. En
revanche, classes moyennes en voie de déclassement, toutes les victimes de la
répression sociale, raciale et policière, occupent le devant de la scène… puis
la quittent…
Faire croire qu’il ne s’est rien passé au cours de ces mois de juillet-août, que tout va
rentrer dans l’ordre : les divertissements reprennent, Macron prépare sa
réélection ; dialogues participatifs et fictifs assurent la paix sociale,
à coups de distanciation. Les autorités veillent sur nous. Rien, il ne se passera
rien ! Les articles qui suivent, suggèrent que cette inversion apaisante
de la réalité ne peut tenir très longtemps, face à la fragmentation du monde.
GD
le 23.08.2020