La guerre qui vient.
Un débat à poursuivre.
L’article qui suit de
Claude Luchetta met l’accent sur les nouvelles technologies guerrières, leur
sophistication, y compris ludiques qui interrogent sur la nature des guerres actuelles et à venir. La
supériorité dans l’administration de la terreur de masse a permis aux
Etats-Unis, notamment, de développer le pseudo concept de guerre propre ou
d’opérations chirurgicales. Mais, au-delà des nouvelles notions employées, n’y
a-t-il pas l’actualisation d’une vision ancienne, celle de la guerre éclair, ou
de la guerre de mouvement susceptible d’écraser à peu de frais l’ennemi, voire
à décapiter l’état major (assassinats ciblés à l’aide de drones) ?
Cet article appelle
des réactions car il semble développer une conception unilatérale qui n’est
compensée que par son dernier paragraphe, affirmant que tout cet arsenal
moderne ne parvient pas à enrayer les révoltes de masse ou les aspirations
contradictoires des peuples et des populations soumises aux diktats des puissances
étrangères.
Quant à la
criminalisation des populations marginalisées des grandes mégapoles, si elle n’est
pas nouvelle (élimination des Black Panthers), elle soulève néanmoins un fait
incontestable : la mondialisation financière a pour le moins accéléré sous
diverses formes la concentration urbaine, la constitution d’énormes bidonvilles
et le développement de maffias[1]
plus ou moins incontrôlables, plus ou moins liées à des fractions des
oligarchies dominantes. En fait, ce qui semble s’installer, à l’heure du déclin
de l’hégémonie US[2] et de la
montée des pays dits émergents, c’est le chaos. Les situations en Irak, en
Afghanistan sont autant de défaites réelles sur le plan de la volonté
d’instauration de régimes subordonnés aux Etats-Unis. On pourrait citer
également l’exemple de la Libye, voire de la Syrie. Quant à une possibilité de
guerre «propre» en Iran, elle semble inconcevable voire contreproductive car
elle ressouderait une grande partie des masses autour des mollahs[3].
En revanche, ce qui est de moins en moins maîtrisable, c’est l’aspiration des
peuples à la liberté et à la justice sociale, malgré les murs, la
ghettoïsation, le quadrillage et la vidéosurveillance. Il y aurait lieu de
s’interroger, non seulement sur les nouvelles techniques de guerre, mais
également et surtout sur la réalité des contradictions et des conflits
susceptibles d’entraîner des guerres civiles ou entre blocs de nations[4].
Ainsi, peut-on penser que sans la révolte populaire contre le dictateur libyen
une intervention étrangère était inenvisageable et ce, sans évoquer le cas
syrien beaucoup plus problématique ?
Quant au recours
aux armées de métier et aux mercenaires, n’est-il pas une preuve de faiblesse,
ne signe-t-il pas l’incapacité des Etats occidentaux à mobiliser leurs propres
peuples et ce, malgré l’utilisation intempestive du conditionnement guerrier[5] ?
Au-delà de la peur répandue et de la prétention à protéger la population
«utile», il y a l’idée irréaliste, vu l’arsenal dont on dispose, d’affirmer aux
populations civiles : vous n’êtes pas impliquées, pour nous c’est un jeu,
on s’occupe de tout pour assurer votre tranquillité. Reste que si la guerre est
bien la continuité de la politique par d’autres moyens, encore faut-il en
analyser les ressorts économiques, sociaux et politiques. C’est sous ces
aspects que le débat devrait se poursuivre sans tomber dans un unilatéralisme
technologique.
Gérard Deneux le 30.09.2012
[1] lire «le pire des
mondes possible» de Mike Davis – édition la découverte
[2] Lire à ce sujet «La
nouvelle impuissance US» d’Olivier Zajic éd. l’œuvre et «Or noir et Maison Blanche» de Robert
Baer – éd. Folio
[3] C’est ce qui s’est produit lors de la guerre Iran-Irak.
Ce fut une guerre de type 14/18, une guerre de position, de tranchées
extrêmement meurtrière. Lire à ce sujet le livre remarquable de Robert Fisk «La grande guerre pour la civilisation»
éd. la découverte
[4] La question iranienne et syrienne est susceptible de
former des blocs de nations opposées (USA-Israël-UE-Arabie
Saoudite/Chine-Russie…) tout comme la concurrence entre USA et Chine
[5] On voit mal les peuples se mobiliser derrière leurs
dirigeants “la fleur au fusil” comme en 1914 pour une intervention extérieure
prolongée. Quant à l’intervention de l’armée ou la possibilité d’une répression
massive du type coup d’Etat, elle ne semble guère envisageable ni en Espagne,
ni en Grèce dans la conjoncture actuelle même si certaines prémisses sont
alarmantes (émergence de l’Aube dorée)