Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


vendredi 21 décembre 2012


Où va la Sécurité Sociale ?
Introduction au débat par Madeleine Morice,
lors de l’assemblée citoyenne de Champagney du 14.12.2012


Rappel   sur l’histoire de notre Sécu   (pour connaitre ou rappeler et montrer ce qui est possible notamment pour les plus jeunes)

Créée par une ordonnance d’octobre 1945 la sécu fait partie intégrante du Programme du CNR (Conseil National de la résistance).  Ce programme indiquait  «  Nous, combattants de l’ombre, exigeons un plan complet de sécurité sociale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec la gestion par les intéressés et l’Etat… »

Et l’article 1° de l’ordonnance de 1945 précise : « Il est institué une organisation de Sécurité Sociale destinée à garantir tous les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de familles qu’ils supportent »
« L’ambition déclarait Ambroise Croizat à l’Assemblée Nationale, le 20 mars 1946, est d’assurer le bien être de tous, de la naissance à la  mort. De faire enfin de la vie autre chose qu’une charge ou un calvaire … »

Pour mémoire, avant 1945 existaient : les Assurances Sociales (loi de 1930) qui ne protégeaient qu’une faible partie des salariés (1/3 de la population environ)  et avec une diversité de caisses : professionnelles, patronales, confessionnelles, syndicales, mutuelles ….Pour les retraites (loi de 1910) la couverture est dérisoire ou inexistante, et elle est basée sur la capitalisation   

 L’un des membres du CNR, toujours vivant, Stéphane Hessel (l’auteur de « Indignez-vous ») dit à  propos du Conseil National de la Résistance : « Les hommes qui ont élaboré le programme du CNR n’avaient ni responsabilités ni pouvoir dans la gestion du pays, ils s’appuyaient juste sur leur grande liberté face au gouvernement de Vichy. Sans contrainte, mais avec ambition, sans se demander si les choses étaient réalisable sou non, ils ont simplement couché sur le papier ce qui serait fort et utile à la Nation au lendemain de la victoire sur l’ennemi. 

 Témoignage à méditer par rapport à la situation d’aujourd’hui. C’est en partant des besoins sans s’embarrasser des « contraintes » que l’on peut faire émerger les vraies innovations sociales.
§  4 principes ont été retenus pour la mise en place de cette institution

 L’unicité : une institution unique, obligatoire (une seule caisse : maladie, famille, retraite)

L’universalité : la couverture est étendue à tous les citoyens Dans les faits le Régime général restera celui des seuls salariés de l’industrie et du commerce non couverts par les régimes spéciaux,

La démocratie : la gestion est assurée par les intéressés

La solidarité : c’est la pierre angulaire du système. Solidarité inter-générations, solidarités actifs-retraités, malades-bien-portants.
             Une fois l’ambition posée venait la question du financement. Le pays avait l’expérience négative de ce qui était en place le système d’épargne individuelle (la  capitalisation)  dont le résultat était catastrophique on payait beaucoup pour recevoir peu
Il fut décidé de rompre avec ce principe et la cotisation sociale fut inventée. Bernard Friot, sociologue qui travaille beaucoup sur la question de la protection sociale dit à propose de la cotisation sociale : « c’est l’institution la plus subversive née du combat syndical du XX° siècle » 
En quoi consiste-t-elle ?

 La cotisation sociale  est prélevée sur la richesse produite par le travail dans l’entreprise, c’est une part du salaire, mais à la différence du salaire net versé à la fin du mois à chaque salarié, elle est perçue par les caisses de sécurité sociales qui financent les soins et les salaires des soignants, les pensions des retraités, les indemnités journalières…..

C’est le système par répartition, l’argent n’est pas placé, il est directement réutilisé pour les besoins des ayants droits selon le principe : Chacun cotise selon ses moyens, les prestations sont fournies en fonction des besoins. Le principe s’oppose donc fondamentalement au principe des assurances pour lesquelles on est indemnisé en fonction de ce que l’on a payé.
C’est la cotisation qui ouvre les droits

De plus ce système de prélèvement fait à la source est la meilleure façon de diminuer la part de profit que s’octroient les actionnaires.  Plus les cotisations  et salaires augmentent  plus leurs parts de profit diminuent    

Voilà rapidement brossés les fondements de notre sécu pour reprendre une expression de Frédéric Pierru sociologue « la sécurité sociale, c’est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas »(France inter Nov. 2012 émission Mermet)

Inutile de vous dire que ce système a toujours déplu au patronat qui n’a eu de cesse de le casser. Lors de la création en 45, le rapport de force n’était pas favorable au  capitalisme français qui avait préféré Hitler au Front populaire, il n’a donc pas pu s’y opposer.
 Mais la casse de la sécu est pour lui une obsession depuis sa création en conséquence  la conserver et l’améliorer est donc toujours objet de luttes et de rapport de force    

                        
Ø DE 45 AUX ANNEES 70 : AMELIORATION

 Au cours des années qui ont suivi la mise en place jusqu’à la fin des années 70, les réformes engagées ont permis une amélioration des prestations santé, vieillesse et famille pour une population toujours plus large (commerçants, agriculteurs…) financée  par une hausse du taux de cotisation*(1) (donc de fait  une augmentation du salaire), ce qui a permis de marginaliser les assurances privées, l’épargne et la capitalisation

Cependant dans cette période, avec les ordonnances de 1967, 2 principes fondateurs sont  remis en cause   :
   - l’unicité avec la création de 3 caisses (maladie, vieillesse, CAF, )
   - la démocratie avec l’institution  d’un  paritarisme strict entre employeurs et salariés qui auront désormais le même nombre de représentants dans les conseils d’administration et la suppression des élections des administrateurs salariés, qui seront désormais désignés
Il n’y aura plus d’élections des représentants des assurés avant…1983.
Du fait de la division syndicale, et par le jeu des alliances, le patronat va désormais mener la danse dans les conseils d’administration des caisses de Sécurité sociale.

Cette première moitié de l’histoire de la sécu nous montre les « possibles » et que les luttes contre les inégalités, et pour les solidarités ont  été porteuses de réformes progressistes


Ø DEPUIS LES ANNEES 80 : DES RECULS

    Le gel du taux des cotisations*(2) en 1984 met un coup d’arrêt aux améliorations et aboutit  au remplacement de la cotisation par  de la CSG en 1981.

Depuis une trentaine d’années les cotisations patronales n’ont pas évolué et se stabilisent à environ 26% du salaire brut. Et depuis une quinzaine d’années, les cotisations salariales stagnent à 15%.
Au total, aujourd’hui, les cotisations représentent 40% du salaire brut, dans les années 90, elles représentaient 66%.

Parallèlement se développe une politique d’exonération et de réduction des cotisations dont le montant est passé de 1,9 milliards d’€ en 1992 à 30,7 milliards en 2005 (source projet de loi de financement  de la sécu 2013, annexe 5)

Entre 1982 et 2010, la part des salaires (net et cotisations sociales) dans la richesse produite chaque année (valeur ajoutée) a reculé de 8 points

Avec cette diminution des cotisations  nous allons de reculs en reculs que ce soit pour la santé,  pour les retraites, pour les AF.*(3) alors que les besoins vont croissants

En plus, cette diminution de la part prélevée sur les richesses créées par le travail  a abouti au remplacement partiel de la cotisation par  de la CSG en 1990 et à une fiscalisation de fait du financement de la sécu


Comment s’est opéré ce glissement,
 et pourquoi n’avons-nous pas pu l’empêcher ?

Nous avons eu droit à une bataille idéologique intense de la part du patronat autour de la notion de compétitivité  à laquelle la gauche syndicale et politique n’a pas riposté à la hauteur nécessaire : soit parce qu’elle n’accorde pas   une attention suffisante à l’usage des mots employés (CGT, FSU, …les partis à la gauche du PS…), soit parce qu’elle partage ce point de vue (PS, CFDT)

De quoi s’agit-il ?

Dans les années 80, nous avons vu apparaitre les charges patronales au lieu de cotisations sociales (les feuilles de paie ont d’ailleurs étaient refaites avec ce vocable), nous avons vu apparaitre le coût du travail à la place de salaires ou rémunération du travail.
 Cette métamorphose n’est pas anodine. Transformer le travail en coût alors que c’est par lui que sont créées des richesses, faut l’imaginer !
Si c’est le coût du travail et les charges qui pèsent sur la compétitivité il faut les alléger  L’idée de  coût induit la nécessité d’une réduction, celle de   charge suggère l’allégement voir la suppression 

Ces associations verbales et mentales élevées par les médias au rang d’évidence ont permis au patronat, aidé  par les divers gouvernements  de réaliser son rêve : faire baisser les salaires, via les cotisations, donc augmenter ses profits, et cela  au nom de l’emploi (on sait aujourd’hui ce qu’il en est les   salaires brut  ont baissé, le chômage progresse)

A partir de ce débat biaisé autour des charges trop lourdes et du coût du travail trop important, la voie était ouverte pour remplacer une part de la cotisation sociale par un impôt et la CSG fut inventée par Rocard en 1990
A gauche, tout le monde ne partage pas la même appréciation sur la CSG : PS, CFDT, Solidaires, sont Pour, les partis à gauche du PS et  la CGT , FSU( ?) sont contre
Je ne connais mal les arguments de ceux qui sont pour, mais pour l’essentiel il argumente au nom de l’emploi *(4)  Mais je connais les arguments  de ceux qui sont contre que je partage


Ce qu’est la CSG

 La définition donnée sur le site officiel du gouvernement (service-public)
·        « La contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) sont des prélèvements fiscaux destinés à diversifier les sources de financement de la sécurité sociale » Il est donc clair que c’est la porte ouverte à la casse du système
·        Son paiement n'ouvre pas droit à affiliation aux régimes sociaux ni à prestations sociales

·        Seuls les revenus sont soumis à la CSG

les revenus d'activité : salaires, traitements, primes et indemnités diverses, sommes de la participation ou du plan épargne entreprise

les revenus de remplacement : pensions de retraite, d'invalidité, allocations chômage, allocations de préretraite, indemnités journalières maladie, maternité, accidents

les revenus du capital : capitaux mobiliers, revenus fonciers, revenus de l'épargne   

Après plus de 20 ans de CSG que constatons-nous ?


        Entre 1990, année précédant la création de la CSG, et 2002, la part de la protection sociale financée par les cotisations sociales est tombée de 85 % à 65 % quand, dans le même temps, la part des recettes fiscales passait de 3,1 % à 23,5 % de ce total.( Source : Compte de la protection sociale - DREES ; comptes nationaux INSEE )

       Selon un rapport de la cour des comptes de 2011, 90% des produits de la CSG proviennent du travail, 10% du capital


        En 2008, le produit de la CSG s'est élevé à 84,328 milliards d'euros[], ce qui en fait le premier impôt direct en France devant l'impôt sur le revenu. Elle représente environ 18 % des ressources de la sécurité sociale et  près des deux tiers des impôts et taxes affectés à la protection sociale.

C’est bien une fiscalisation de la sécu qui s’installe c’est-à-dire le passage d’un modèle reposant sur la cotisation sociale à un autre reposant sur l’impôt.
Fiscalisation renforcée par le fait que les exonérations sont payées aux caisses de Sécu par l’Etat donc par l’impôt

 Sur le plan comptable, ces 2 options ne différent pas vraiment si le volume de  recettes est identique.
 Le débat se situe sur l’origine des prélèvements Dans un cas (cotisation sociale) on prélève à la source, sur les richesses créées, au moment  de la répartition masse salariale /profit.
 Dans le cas de la CGS, il s’agit d’une redistribution de l’impôt collecté par l’état après la répartition salaire/ profit.
 La première solution conforte le salaire contre le profit, la seconde légitime le profit et affaiblit le salaire
 La cotisation sociale comme financement de la sécu est donc fondamental 


Pour répondre à l’augmentation légitime des dépenses de santé, et des retraites  il faut augmenter le taux des cotisations sociales et en 1° lieu la cotisation dite patronale. Ce qui participera à diminuer la part de profits et sera salutaire pour le bien être du plus grand nombre
 Mais bien évidemment cela ne pourra être obtenu que par une lutte déterminée


Pour terminer

Il n’est pas inutile pour la compréhension de l’enjeu de la sécurité sociale et pour le débat de se rappeler les projets du MEDEF concernant la couverture santé  

Dans un rapport rendu public en 2010*(5), il indiquait son souhait d’inverser la logique qui régit l’assurance maladie, à savoir la solidarité, et de recentrer l’assurance maladie sur des missions revues à la baisse, pour permettre aux systèmes de couvertures complémentaires, aux assureurs privés, de prendre le relais en de nombreux domaines

Ainsi  il préconisait 3 niveaux de couverture 

1-     Un socle de solidarité avec ce qu’il appelle l’Assurance Maladie Obligatoire(AMO) pour les risques les plus lourds  Assurance entièrement fiscalisée puisque financée par la CSG  ou une TVA sociale, afin que les retraités participent davantage au financement

2-     Une Assurance Maladie Complémentaire(AMC) à travers les mutuelles, institutions de prévoyance, et assurances privés  Le MEDEF propose que cette assurance (AMC) soit financée par les actuelles  cotisations patronales à l’assurance maladie

    3-Le troisième niveau facultatif : intitulé Assurance Maladie Supplémentaire

  Donc une proposition majeure : recentrer l’assurance maladie obligatoire sur les risques les plus lourds, et faire basculer les autres risques sur les systèmes complémentaires facultatifs.
Il n’est pas inutile de rappeler que les mutuelles et à plus forte raison les assurances privées fonctionnent avec des prestations différentes selon le niveau de cotisations et des cotisations  qui augmentent  avec l’âge. Elles  n’ont rien de solidaires. On est loin du : chacun contribue selon ses moyens, et reçoit selon ses besoins
En clair, ne disposeront d’une couverture sociale large que ceux qui auront les moyens de se l’offrir, par eux-mêmes ou par le truchement de leur entreprise. Et tous les autres profiteront d’une couverture sociale réduite, notamment pour les risques les moins importants.

Et le MEDF précisait en novembre 2010  « Il convient de conforter notre système de santé en y introduisant des réformes courageuses au plus tôt, sans doute après les élections présidentielles de 2012 »

Pour ce qui concerne la retraite, les propositions du MEDEF sont de même nature : un socle minimum financé par la sécu et des compléments par l’épargne privée



*1- le taux de cotisation était de 32% du salaire brut, en 1945 pour parvenir à ­­66% au milieu des années 1990. En matière de retraite, il est passé de 8% à 26% en 1998. Il devrait être de 75% pour répondre aux besoins .B.Friot interview VO 28/01/2011

    Amélioration des remboursements longue maladie, des indemnités maladie, tarifs plafonnés pour les médecins(1960), les mutuelles sont pratiquement inutiles

  Pour la retraite niveau de pension passe de  40% sur les 10 dernières années  à 50% sur les 10 meilleures années,  L’âge de la retraite en 1945 est 60 ans. La pension proportionnelle est
acquise avec 15 ans de cotisations (du 1.7.30 début des AS au 1.7.45 = 15 ans) soit 15/30ème de pension entière, à raison de 40 % d’un plafond, pour 1,9 d’espérance de vie. Puis en 1971, niveau de pension passe de  40% sur les 10 dernières années  à 50% sur les 10 meilleures années de 30 ans de cotisations à 37,5

*2- gel du taux de  cotisation : 1979 Cotisation patronale vieillesse, 1984, cotisation patronale santé, 1993, cotisation patronale chômage, 2001 cotisation patronale retraite complémentaire, milieu des années 90, cotisation salariale

*3- forfait hospitalier, franchises, déremboursement, ….

*4 « …le poids du financement de la protection sociale lié au salaire est inégalement réparti, que ce soit entre les entreprises, les entreprises, les salariés ou les ménages, et freine le développement des emplois à faible valorisation économique » Résolution Congrès CFDT 2002

*5 Projet de note du groupe de travail Santé du MEDEF 2 novembre 2010(consultable sur internet)

Madeleine Morice