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mardi 27 août 2013

Les Mau-Mau tirés de l’oubli mais qui s’en soucie ?


Kenya, paradis pour touristes fortunés (943 000 en 2003), amateurs de safaris, ce pays de plus de 35 millions d’habitants, qu’ils ignorent pour ne visiter que les paysages à couper le souffle ou les réserves d’animaux sauvages. Dedan Kimathi, le nom du dernier Chef des Mau-Mau, capturé et pendu ne leur dit rien. Bien évidemment, les médias ont à peine parlé de ces cinq anciens rescapés qui, dès 2002, ont lancé une procédure judiciaire contre les britanniques colonisateurs et viennent d’obtenir l’accès et la publication des archives britanniques relatant les massacres, la torture dont furent l’objet leurs frères anticolonialistes.


Retour en arrière pour comprendre.

1880. Première installation des Anglais sur une frange de ce pays au moyen de la British Cie de l’Est africain. La colonisation est en marche. 1894, le sultanat d’Oman concède les territoires qu’il occupait sur les côtes africaines. 1920, le Kenya est une colonie britannique qui exploite les 250 tribus et les 11 groupes ethniques qui composent ce vaste territoire dont ils accaparent les meilleures terres et font prospérer la misère et les inégalités dans les vastes propriétés de monocultures de thé, de café, de noix de cajou… Le travail forcé est imposé aux populations.

1953. L’exaspération est à son comble, un poste de police est «attaqué» à Naivasha, la répression et la violence sont terribles : 13 000 morts dont 32 civils européens, les forces dites loyalistes, les «harkis» des Britanniques sont la cible des Kenyans révoltés, plus de 500 morts auxquels il faut ajouter 63 officiers blancs.

1956.  Les Kinkuyus,  l’une des ethnies de ce pays, s’organisent clandestinement et créent les Mau-Mau dont l’objectif est de se débarrasser des colons britanniques. Pour les dominants étrangers, ce n’est qu’une secte de sauvages à exterminer. La répression est barbare : tous les Kenyans qui ne les combattent pas avec les troupes d’occupation britanniques sont suspects : des villages sont rasés, des dizaines de milliers de personnes sont déplacées, entassées dans des camps, torturées, violées, empoisonnées avec de l’eau mélangée à du kérosène. Combien de morts ? On ne sait : 80 000, 300 000… On ne dénombre pas les «sauvages», on dirait aujourd’hui les terroristes. Huit ans durant, révoltes et répressions vont se succéder pour mater les Mau-Mau jusqu’à la pendaison de leur dernier chef. Mais qui s’en soucie ? Même pas Obama dont le grand père a eu les testicules écrasés à coups de barres de fer et les ongles percés par des épingles pour le faire parler. Il est passé dans l’autre camp !

1961. La rébellion matée, le colonisateur face à la montée des luttes anticoloniales dans le Tiers Monde  consent, après avoir fabriqué une élite locale à sa dévotion, à reconnaître «l’autonomie» de sa colonie dans le cadre du Commonwealth néocolonial.

2002. Après onze ans de procédures et de luttes contre la volonté des gouvernements britanniques d’étouffer, de détourner cet éclairage sur leur douloureuse histoire, les cinq Mau-Mau assistés de leurs avocats ont gagné. La crainte des autorités anglaises, c’est qu’il vienne à l’idée de quelques despérados du droit au Yémen, au Swaziland ou en Guyane ex-britannique, de suivre ce même chemin pour accéder à la vérité.

Cet exemplaire histoire n’est pas prête d’être inscrite dans les livres d’histoire, tout comme est ignorée la complicité génocidaire au Rwanda du gouvernement français (Mitterrand-Balladur) ainsi que celle des massacres au Cameroun (1), à Madagascar, voire en Algérie…    

A l’heure du retour la barbarie (Syrie, Egypte), il y a lieu de s’interroger sur la mémoire des peuples face à la couardise des médias et ce, malgré (ou à cause de) internet et le courage d’autres despérados (le soldat Bradley Manning condamné à 35 ans de prison ou Edward Snowden «exilé» au pays de Poutine (!).


Gérard Deneux, le 26.08.2013



(1)    Lire l’excellent livre de Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsitsa, intitulé «Kamerun. La guerre cachée aux origines de la Françafrique (1948-1971)». éditions la découverte