2016. Que peut-il advenir ?
Tenter de discerner, à partir de
grandes lignes de forces caractérisant la période actuelle, ce qu’il peut
advenir est un exercice périlleux.
L’Histoire, en effet, dément le plus souvent les meilleures analyses, surprend
toujours les observateurs les plus avisés.
Ils étaient peu nombreux ceux qui,
lors de la séquence dite de la « mondialisation heureuse », avaient
pu imaginer la naissance d’un mouvement altermondialiste d’ampleur mondiale,
pour finalement s’échouer sur la croyance infondée d’une possible
transformation des institutions internationales (FMI, OMC)
Ils étaient encore moins nombreux ceux
qui prédisaient la crise de 2007-2008, le sauvetage des banques et de la
finance, les politiques d’austérité et de régression drastiques.
Rares étaient ceux susceptibles d’entrevoir que les
dictatures arabes allaient être ébranlées…
Reste que, dans la dernière période,
bien des certitudes largement admises se sont effritées et qu’il est toujours
utile de pointer les fissures du système-capitalisme.
1 – L’ébranlement de la domination du capitalisme
financiarisé va se poursuivre
La crise de 2007-2008 et les
pseudo-remèdes administrés pour tenter de relancer la « croissance »
par l’injection de liquidités n’ont rien réglé. « L’argent facile »,
la planche à billets sous forme de rachats de dettes par la BCE ou la FED
américaine, ont surtout profité aux banques et aux transnationales. Le capital
fictif (1) n’a guère servi à surmonter la baisse des commandes et du pouvoir
d’achat des ménages. En revanche, la spéculation et les inégalités ont
désormais atteint des niveaux inégalés(2). La crise de surproduction, qui a
pris la forme d’une crise financière de spéculation immobilière, est toujours
là. Les médias en parlent de manière euphémisée en invoquant des
« surcapacités » dont on ne nous dit pas d’où elles proviennent… La
crise qui vient pourrait faire bien plus de dégâts.
Entretemps, le paysage politique s’est transformé
dans de nombreux pays pour le pire
et parfois le meilleur. En Grèce, en Espagne, notamment, les vieux partis
traditionnels d’alternance ont reçu les coups de boutoirs des mouvements
populaires défensifs contre les politiques d’austérité. De nouvelles formations
politiques ont surgi, y compris des mouvements nationalistes, identitaires et
xénophobes. Les volontés de sauvegarder les « acquis » sociaux durant
des Trente Glorieuses, de préserver
l’environnement, tout comme les réflexes de repli face à la concurrence des
pays tiers, laissent penser que ce clair-obscur va persister. L’expérience
grecque s’est traduite par un échec face aux diktats de Bruxelles et à la
« trahison » de Syriza. En Espagne, le jeu reste ouvert mais Podemos
semble encore moins « radical » que Syriza…(3). Quant aux forces
xénophobes, elles ont le vent en poupe, notamment dans les pays de l’Est
(Pologne, Hongrie…).
Au
Moyen-Orient,
les soulèvements populaires, appelés improprement « printemps
arabes », ont ébranlé les dictatures. Les classes dominantes ont vite
repris le dessus dans ces sociétés marquées par la culture islamique. La
contre-révolution à l’œuvre a opposé, et oppose encore, les forces libérales
corrompues aux partis islamistes conservateurs, voire réactionnaires. En
Egypte, l’armée a pris le pouvoir pour consolider les premières, alors qu’en
Tunisie une coalition improbable de ces deux forces tente de se maintenir au
pouvoir. L’Arabie Saoudite, cette pétromonarchie féodale et théocratique, a
tout fait pour maintenir les forces dominantes au pouvoir (aide aux militaires
en Egypte), lutter contre les Frères Musulmans concurrents, et remettre au pas le
Qatar. Elle n’a pu, en revanche, contrer l’influence grandissante de Daech et la
persistance d’Al Qaïda qui contestent la légitimité des pétro-monarques.
Au demeurant, la contre-révolution n’a
provoqué que l’extension de la guerre sous la forme d’une opposition
irréductible entre les tenants de l’islamisme rétrograde, des pétromonarchies,
de l’Iran chiite et du régime turc dont les visées hégémoniques sur cette
partie du territoire persiste, malgré les revers subis par les Frères Musulmans.
En outre, la misère sociale, les taux de chômage ahurissants, les inégalités pharaoniques,
se sont accrus, laissant persister la possibilité de la reprise de mouvements
populaires d’ampleur (Tunisie, Egypte…).
Autrement dit, les impérialismes,
parrains des régimes, qu’ils soient occidentaux ou russes, ont de moins en moins
de prise sur eux. Aucun d’entre eux n’a réussi, pour l’heure, à restaurer son
hégémonie.
En
Europe,
les diktats de Bruxelles et de la Troïka auront désormais de plus en plus de mal à s’imposer. On imagine mal la
reconduction de cette même coalition au sein de l’Euro-groupe pour imposer,
comme elle l’a fait en Grèce et à Chypre, des mesures draconiennes d’austérité
à l’Espagne, à l’Italie… En effet, l’Europe, telle qu’elle s’est construite,
entre dans un processus de déconstruction. Outre la fin de Schengen avec
l’afflux des réfugiés fuyant la guerre et la misère, une sourde guerre
souterraine pour s’accaparer des parts de marchés ou les protéger de la
mainmise des grands groupes capitalistes, font surgir autant de réflexes
nationalistes, heurtant les puissances dominantes. Le mythe de l’Europe
harmonieuse et de la paix s’étendant à l’Est, semble avoir vécu : les
concurrences sociales, fiscales, les tentatives de leadership allemand l’ont
fragilisé à un point tel qu’elles menacent l’unité même des Etats (Ecosse ou
Royaume Uni, Catalogne en Espagne, Belgique et même la Corse en France).
Toutes les castes politiciennes au
pouvoir, en alternance, se raidissent, se hérissent de ne plus pouvoir
maîtriser les situations qu’elles ont elles-mêmes peu ou prou provoquées à coups
d’austérité, d’inégalités sociales et territoriales. La commission européenne
et le FMI en viennent timidement à proposer aux Etats de promouvoir une
politique de la demande contre celle de l’offre qu’ils ont préconisée
jusqu’ici. En d’autres termes moins obscurs, il s’agirait de relancer des
grands travaux, d’augmenter la masse salariale globale… tout en continuant à
réduire l’endettement, donc à supprimer les dépenses sociales jugées trop
onéreuses. C’est la quadrature du cercle ! Car quoiqu’on laisse penser,
les créanciers, les banques, les assurances, les fonds spéculatifs ne veulent
pas en démordre (y compris les Etats prêteurs et les institutions financières) :
remboursez, y compris les intérêts !
La renégociation de la dette promise à Tsipras, le grec, pourrait bien se
révéler un mirage. D’ailleurs, les Grecs semblent l’avoir compris, les
protestations populaires face à la contre-réforme du régime des retraite et
contre les privatisations-spoliations, reprennent.
Qui plus est, confrontée aux
conséquences imprévues (pour l’UE) des guerres successives d’Afghanistan,
d’Irak, de Syrie et l’afflux des réfugiés qu’elles engendrent, la
« solidarité » européenne n’est plus de mise. Elles confortent ainsi
les mouvements xénophobes, y compris en Allemagne. En Grande-Bretagne, le
Brexit, suite au référendum prévu cette année, pourrait inaugurer la
déconstruction de l’UE. Pour l’heure, les classes ouvrières et populaires ne
semblent guère se doter « d’outils » collectifs à la mesure des
contraintes qu’elles sont amenées à subir.
Aux
USA.
Le faible frémissement de l’économie US ne repose que sur le sauvetage des
banques, l’injection massive de liquidités par la banque fédérale (la FED) sans
que l’on n’assiste, pour autant, à une croissance fiable. Celle-ci ne s’appuie
que sur la reprise fragile de l’endettement des ménages, ce recours au crédit
qui, précisément, a provoqué la crise de 2007-2008. La production intensive de
pétrole et de gaz de schiste a certes joué un rôle de stabilisateur mais, pour
combien de temps et au prix de quels dégâts environnementaux ? La société
états-unienne reste marquée par de profondes inégalités, le racisme et les
peurs de la majorité blanche déclinante (4). Les humeurs néoconservatrices et
impériales sont de retour sous les formes les plus caricaturales dans le parti
dit Républicain (Donald Trump). Elles laissent augurer un remake de l’ère
bushienne. Certes, les jeux ne sont pas faits. Les traités de libre-échange
transpacifique et le TAFTA avec l’Europe sont susceptibles de redonner du
lustre à l’impérialisme US. Il n’empêche, l’aggravation brutale de la situation
économique mondiale peut tout bouleverser… et conférer à l’élection
présidentielle prochaine un tour abracadabrantesque sur fond de mobilisation
politicienne à coups dantesques en milliards. La ploutocratie états-unienne est
en effet caractérisée par des luttes de clans où le carnet de chèques est décisif !
Au demeurant, ces guerres picrocholines ne doivent pas masquer
l’essentiel : le recul de la superpuissance US. Obama, empêtré dans les
guerres au Moyen-Orient, n’a guère réussi son « pivot » vers l’Asie
afin de contrer l’influence de la Chine dans cette partie du monde. La montée
des nationalismes en Asie (Chine, Japon…), la forte présence de populations
musulmanes travaillées par l’idéologie wahhabite (Indonésie, Malaisie) et
l’irréductibilité de la Corée du Nord ne lui facilitent pas la tâche et ce,
malgré le nombre de bases militaires installées dans la région. Bien des
« dérapages » sont possibles.
En
Amérique latine.
Les gouvernements « progressistes », issus des mouvements de
contestation du « libre-échange » imposé par les Etats-Unis (ALENA)
et de la volonté de se soustraire à l’endettement, sont soit renversés
(Argentine) soit en grande difficulté. Les droites libérales reviennent au
pouvoir dans une situation de marasme économique et de protestation des classes
moyennes. Les équipes « progressistes » (d’autres diraient
populistes), bien qu’affirmant leur volonté de se soustraire à la tutelle
états-unienne, de promouvoir des mesures sociales y compris en faveur des
peuples autochtones, ont révélé leur propre incapacité à construire une économie
diversifiée répondant aux besoins des populations. Elles ont tout misé sur la
rente (pétrole, matières premières) et ne se sont pas attaquées aux classes
dominantes compradores, corrompues, voire maffieuses. Le très mal nommé Parti
des Travailleurs au Brésil a sombré dans le marigot des affairistes, tout comme
les péronistes argentins. D’autres résistent encore sur des bases fragiles
nationalistes, développementistes (Equateur, Bolivie…), coincés qu’ils sont par
la domination du capitalisme financiarisé, voire par leur propre endettement.
Le ralentissement économique de la Chine (voir plus loin) provoque déjà
l’affaiblissement de l’exportation des matières premières et la fuite des
capitaux. Dans ce continent, marqué par de puissants mouvements de luttes d’ouvriers
et de sans-terre, le « socialisme bolivarien » pourrait bien
connaître des rebondissements inattendus.
La mondialisation du capitalisme
financiarisé ébranlé possède toutefois un ennemi qui le conforte. La guerre
contre le terrorisme inauguré par Bush n’a pas fini de produire ses effets.
2 – Vers l’extension du domaine de la guerre et
ses conséquences
En période de crise, « le
capitalisme porte la guerre comme la nuée porte l’orage » disait à peu
près en ces termes, Jean Jaurès. Dans l’état de rivalité entre puissances
impériales, rien ne laisse supposer que les guerres en Syrie, en Irak et
désormais en Libye et au Yémen pourraient se clore en 2016. Avec les interventions
russes et iraniennes d’une part, et, d’autre part, les soutiens occidentaux et
des régimes du golfe persique aux différents protagonistes, le régime du
boucher Assad risque de perdurer et l’EI se perpétuer. La contre-révolution
dans ces pays qui se déchirent entre ailes rétrogrades obscurantistes et
dictatoriales, qui, en termes d’influence régionale, va l’emporter, de l’Iran
ou de l’Arabie Saoudite ? Qui des Russes et des Etats-uniens, flanqués de
leur sergent- chef Hollande comme force supplétive, tirera son épingle du
jeu meurtrier pour assurer la « reconstruction-construction » de ces
sociétés délabrées et disloquées ? On voit mal l’Irak conserver son unité
alors même que les Kurdes possèdent leur autonomie au nord, que les Chiites ont
leur gouvernement à Bagdad et que les Sunnites sont sous la coupe de Daech.
Quant aux Kurdes syriens, les seuls
jusqu’à présent à avoir fait reculer l’Etat Islamique, ils ne sont pas en
mesure de s’allier avec la plupart des groupes anti-Assad dont nombre d’entre
eux sont sous la coupe des pays du Golfe. Enfin les
« révolutionnaires-démocrates » syriens, qui avaient animé les
manifestations pacifistes avant leur transformation en guerre civile, sont soit
noyés dans la masse des groupes rebelles islamistes, soit exilés dans des camps
ou « parqués » en Europe. Les haines recuites dans ce bourbier ne
sont pas prêtes de s’éteindre et les frappes aériennes (tout comme l’armement
des parties opposées) ne font que les attiser. Qu’il est loin le rêve bushien
du grand Moyen-Orient libéralisé sous la coupe des Etats-Unis !
La Turquie elle-même, malgré la
prégnance du régime despotique d’Erdogan est en voie de déstabilisation :
le flot des réfugiés sur son sol, la reprise de la guérilla kurde et sa
répression, le muselage de la presse, l’incarcération de journalistes et
d’opposants, sont autant de divisions internes attisées, tout comme les
attentats terroristes de Daech qui n’admet pas le revirement du gouvernement
turc. En effet, « l’autoroute des djihadistes » permettant le recrutement
d’Occidentaux et de Caucasiens, si elle se ferme, va inciter Daech à multiplier
des attentats meurtriers. Nombre de cellules dormantes terroristes sont présentes
sur le sol turc. Daech, dont on voit mal « l’éradication » survenir
en 2016, va continuer à produire et à étendre ses nuisances mortifères sur fond
de misère sociale, de désarroi et de repli à caractère tribaliste.
Dans les couloirs des palais des
grandes puissances occidentales, on parle désormais de la nécessité de frappes
aériennes dans la Libye divisée en deux gouvernements hostiles et dans laquelle
prospère l’influence territoriale de ceux qui se revendiquent de Daech. Et l’on
pourrait continuer cette énumération dans les pays africains du Sahel (Mali,
Mauritanie, Centre Afrique…).
La seule éclaircie possible résulterait
de la conjonction, improbable pour l’heure, de nouveaux soulèvements populaires
en Tunisie, en Egypte… avec un mouvement antiguerre dans les pays occidentaux.
3 - Vers une accélération du chaos ?
La mondialisation financière s’est
construite sur l’exportation des capitaux, la délocalisation d’entreprises dans
les régions à bas coût de main-d’œuvre. Ce fut le moyen de surmonter la crise
des années 70 et la baisse des taux de profit. « L’ouverture » de la Chine en a été le pivot essentiel. Cet
« atelier du monde » connaît désormais les affres du capitalisme. La
crise de 2007-2008 a provoqué dans les pays occidentaux, stagnation, déflation,
et la récession menace. Le renflouement des banques, l’injection de capital
fictif ne permettent pas de relancer la croissance d’autant que les politiques
d’austérité sont des facteurs asphyxiants. La Chine ne parvient plus, comme avant,
à exporter ses marchandises dans des économies plombées par l’endettement et
toujours tentées par la spéculation, que la préservation des paradis fiscaux
favorise.
La prospérité relative de la Chine
reposait sur ses énormes capacités d’exportation de marchandises qui se
heurtent désormais à l’affaiblissement de la demande occidentale. La
surproduction renforcée par le volontarisme industriel et immobilier se traduit
par la surabondance d’infrastructures et une pollution insoutenable. La
construction de tours et d’immeubles, favorisée par la spéculation immobilière,
ne rencontrant plus les acheteurs nécessaires, tout comme la fin de l’exode
rural intensif, laissent présager la fin d’un cycle et la possibilité d’une
crise économique et financière de grande ampleur. Déjà, la déroute boursière
que ne parvient pas à contenir le PCC (que nous appelons Parti du Capitalisme
Chinois, dirigiste) en est le signe le plus apparent. L’injection de liquidités
démesurées, 512 milliards de dollars en 2015, pour la contenir ne suffit pas.
Le pouvoir semble tenté par la dévaluation compétitive du yuan qui relancerait
les exportations à bas coût et freinerait les délocalisations d’entreprises
(Vietnam…) et de capitaux. Il compte surtout, suite à l’entrée de la Chine à
l’OMC, sur la suppression des barrières douanières à l’horizon 2017 pour
inonder les marchés, détruisant par là-même les tissus industriels persistants
dans les pays occidentaux.
Si la Chine, comme nombre de facteurs
le laissent supposer, devait « dévisser » (ralentissement de son taux
de croissance, éclatement des bulles boursières et bancaires), l’ensemble des
pays en serait affecté. C’est déjà le cas. Les pays exportateurs de matières
premières, dont l’empire du Milieu était friand, sont déjà touchés. Ainsi en
est-il du Brésil comme de nombreux pays dont l’économie repose sur cette rente.
Autre facteur qui risque d’accroître
le chaos à venir, la baisse du prix des hydrocarbures, suite à la politique
menée par l’Arabie Saoudite. Pour contrer le pétrole de schiste US, affaiblir
l’Iran, et, par voie de conséquence, la Russie, la théocratie saoudienne a
inondé le marché de pétrole faisant drastiquement baisser le coût du baril. Il
est passé sous la barre des 30 dollars ! Ce régime ploutocratique, malgré
ses énormes réserves, se déstabilise lui-même ; en 2015 son budget a été
voté en déficit ( !). Les dépenses d’armement, la guerre menée contre le Yémen,
la lutte des clans tribaux et familiaux au sein du pouvoir, portent à penser
que ce régime réactionnaire pourrait bien, à terme, rejoindre les poubelles de
l’Histoire. Mais bien avant cette fin souhaitée, d’autres régimes sont sur la sellette :
l’Algérie, le Venezuela… et surtout la Russie. La puissance poutinienne, face à
la récession qui l’étreint, pourrait bien devenir encore plus agressive pour se
maintenir, et le conflit ukrainien reprendre pour contenir l’expansion de l’Union
Européenne et de l’OTAN…
Autre impensé, en termes de conséquences
dramatiques, malgré la grand’messe médiatique de la COP 21 : l’impossible
mutation du capitalisme productiviste, extractiviste, drogué à la finance, à la
recherche erratique du maintien d’un taux de profit à 2 chiffres. Outre les
déplacements brutaux de capitaux vers des actions rentables, le dérèglement-réchauffement
climatique va se poursuivre malgré les promesses invoquées(5). Les catastrophes
humaines engendrées, famines et destructions, susciteront un flot incontrôlable
de réfugiés climatiques. Certes, le pire n’est jamais certain mais les
« maîtres du monde » réunis à Davos semblent s’en soucier comme d‘une
guigne. Verra-t-on, comme souhaité, la convergence nécessaire des luttes
écologiques et sociales pour mettre, pour le moins, un coup d’arrêt aux
processus destructeurs et, pour le plus, l’apparition de mouvements politiques
prônant un éco-socialisme démocratique tourné vers la satisfaction des besoins
des peuples ? Pour 2016, rien n’est moins certain.
Et la France. Que faire ?
L’état d’urgence prolongé, c’est un
état d’exception permanent(6). Outre la lutte contre le terrorisme, dont on a
pu mesurer l’inefficacité patente, les mesures liberticides inscrites dans la
Constitution serviront à mater les mouvements sociaux. C’est déjà d’ailleurs le
cas (7) et la classe dominante et ses représentants de « gauche » et
de droite s’y préparent. Ils savent : la désindustrialisation, suscitant
un cortège de licenciements et de luttes défensives, va se poursuivre. La
fragilité d’une agriculture productiviste tournée vers l’exportation provoque
déjà des mouvements de colère. La caste politicienne, dans ses différentes
composantes, va poursuivre ses surenchères à l’approche des
présidentielles : toujours plus de
libéralisations-privatisations-régressions promettant ainsi de reconquérir le
marché sur ses voisins européens. Il s’agit là d’un jeu à somme nulle sur fond
de stagnation économique. Faute de mouvements sociaux d’ampleur, reconfigurant
le paysage politique, le coup de Jarnac à la Chirac pourrait bien se
reproduire : un candidat de la caste, quel qu’il soit, contre
l’épouvantail Le Pen au 2ème tour des présidentielles. Sauf que, cette
fois, la farce électorale risque de tourner à la tragi-comédie : un fort
taux d’abstention et une montée inégalée du FN. L’élite politicienne, largement
désavouée, ne pourrait alors se maintenir que par la répression.
Ce que l’on peut espérer de mieux, c’est
un bouillonnement social tel, qu’il fasse surgir une force de transformation
sociale et politique venue d’en bas comme en Espagne, et ce, sans se faire d‘illusions
sur les raccourcis car les chemins à parcourir restent semés d’embuches.
Reste pour l’heure, dans l’attente de
ce qui peut advenir, à diffuser, à contre-courant, les idées d’émancipation
sociale, d’éclairer autant que nous le pouvons, la réalité mouvante dans laquelle
nous sommes insérés. A nous souvenir également que la puissance médiatique n’a
pu contrer les mouvements de 1995 ou les mobilisations contre le CPE ou contre
le Traité Constitutionnel Européen. Quand le « peuple » veut, tout
est possible.
Gérard Deneux, le 23.01.2016
(1) Cf article
« Capital fictif, évasion fiscale et
spéculation » dans PES n° 13 (avril 2015)
(2) « 62 personnes possèdent autant que la moitié
de la population mondiale » article Oxfam National sur https://www.oxfam.org/fr
(3) Cf article
dans ce numéro « Que pasa en
Espana ?»
(4) Lire à ce
sujet Un nouveau rêve américain de
Sylvain Cypel (éditions Autrement), qui montre, entre autres, que les minorités
« afro-américaines, latino, asiatiques) sont en passe de devenir
majoritaires, ce qui provoque la « rage blanche » et laisse présager,
selon l’auteur, une démocratisation des USA( ?). Pour l’heure, c’est
un rêve.
(5) Cf article
dans ce numéro « COP 21. L’accord de
Paris ignore l’état d’urgence climatique »
(6) Cf article
dans ce numéro sur l’état d’urgence
(7) Cf article
dans ce numéro «Goodyear et meilleurs
vœux »