Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


vendredi 26 février 2016

Rouges de colère !
Toujours plus en moins !

Moins d’Etat, moins de protection sociale, moins de droits syndicaux, moins de règles pour les entreprises, moins de contrôle public… Avec Hollande et ses sbires, c’est Toujours plus en moins pour « ceux d’en bas ». Si ! C’est la « Gauche » qui est au pouvoir. D’ailleurs Le Foll, tel M. Coué, le confirme(1) : « Nous sommes la Gauche », « Dans la Gauche, il faut porter des valeurs », «  Est-ce qu’on a remis en cause le modèle social ? Est-ce qu’on a pris des mesures d’austérité ?». Hollande a un programme « Il y a ceux qui n’attendent plus rien… je fais en sorte de leur apporter ce qu’ils attendent »(2).Jusqu’à quand allons-nous tout avaler ?

Macron - acte 1 - le « chéri » des patrons, des banquiers, « connaît l’entreprise, l’économie, la mondialisation et il est pragmatique. Cela donne de l’espoir pour la France » (Gattaz). « Sa » loi est adoptée en août 2015 « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » = libéralisation du transport de passagers par autocar, travail du dimanche pour les commerces, déréglementation des professions réglementées… Il trépigne, le temps presse, il faut s’attaquer aux 35h, aux heures supplémentaires « trop payées », aux procédures de licenciement trop compliquées. A l’université du Medef, il déclare « la Gauche a pu croire, il y a longtemps, que la France pouvait aller mieux en travaillant moins. Tout cela est désormais derrière nous » et à Davos : il y a « nécessité d’accélérer et d’amplifier les réformes en France ». Hollande tempère la fougue dangereuse (pour lui) de ce jeune ministre et fait appel au vieux Badinter, l’abolisseur de la peine de mort qui prépare l’abolition des droits du travail. Les « principes essentiels » développés dans son rapport renvoient presque tout à la loi pour «protéger les salariés tout en permettant aux entreprises d’affronter la révolution numérique et l’irrésistible mondialisation des échanges ». Gattaz, ravi (tu m’étonnes !) approuve ce rapport « pour remettre le code du travail au service de l’emploi ». Parce que, vous les 6 millions de chômeurs, si vous ne trouvez pas de boulot, c’est parce qu’il « faut lever la peur d’embaucher des patrons » !

Acte 2 – Mme El Khomry (toute fraîche dans son poste), à peine l’encre du rapport Badinter est-elle sèche, nous pond un avant-projet de loi « visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs », à soumettre au Conseil des ministres le 9 mars, puis aux assemblées parlementaires en avril. C’est t’y pas efficace, ça ? Sitôt fuité, cet avant-projet a donné les premiers frissons aux frondeurs et autres élus « socialistes ». C’est qu’elle a du « charisme » la dame : si ça  risque de ne pas passer, elle menace, déjà, d’un  passage en force avec le 49.3 par lequel le 1er ministre peut engager la responsabilité du gouvernement ! Serait-ce le nouveau modèle de démocratie à la « socialiste » ?  

De l’avis du NPA (3), « le premier inventaire est terrifiant ». Voyons donc.

En matière de temps de travail : la durée hebdomadaire maxi pourrait aller jusqu’à 60h (au lieu de 48h) sur 16 semaines (au lieu de 12), le temps de repos minimum descendre sous les 11h, le temps de travail maxi journalier passer à 12h (10h actuellement) et les astreintes prises sur le temps de repos ; les apprentis pourraient travailler jusqu’à 10h/ jour ( au lieu de 8h) et 40h/ semaine (au lieu de 35h), le forfait-jour serait applicable dans les entreprises de moins de 50 salariés sans accord d‘entreprise. Il serait possible de diminuer la rémunération des HS jusqu’à 10% (au lieu de 25%) et pour en neutraliser le déclenchement, l’annualisation ça ne suffit pas, le temps de travail pourrait être tri-annualisé (calculé sur 3 ans) ! Adieu les 35 H !

Les accords d’entreprise. Pour faciliter la dilapidation les droits du travail et écarter les syndicats combatifs, le projet prévoit des accords par entreprise, la modification des règles de la négociation collective et d’accord majoritaire : 50 % des suffrages exprimés des organisations représentatives (au lieu de 30%), excluant les suffrages des autres syndicats, et la  suppression du droit d’opposition. En cas de blocage, le référendum  auprès des salariés est institué : des consultations posant l’alternative entre fermeture d’un site ou acceptation d’un certain nombre de reculs sont des faux-semblants de démocratie.  Ainsi, un accord d’entreprise pourrait être validé même si les syndicats représentant 70% des salariés s’y opposaient.  Les « accords de développement de l’emploi » pourraient permettre  l’augmentation du temps de travail des salariés sans contrepartie (même en l’absence totale de difficultés économiques de l’entreprise), des licenciements et une baisse des rémunérations en cas de reconnaissance des difficultés économiques temporaires de l’entreprise : une baisse de commandes sur plusieurs trimestres deviendrait suffisante pour motiver des licenciements économiques. En conséquence, un salarié refusant la modification de son contrat de travail serait licencié pour motif personnel, sans possibilité d’en contester la cause réelle.

Conseils des Prud’hommes. Pour l’heure, ils ne sont pas supprimés mais, ils semblent être dans le collimateur ; ils dysfonctionnent, dit-on, les délais des jugements sont « irraisonnables » : cette réalité est due aux décisions de l’Etat ayant consisté à diminuer leurs nombres et leurs moyens(4). On voudrait les faire disparaître que l’on ne s’y prendrait pas autrement. D’ailleurs, ces juridictions spécifiques, paritaires, composées d’employeurs et de salariés élus, n’existent pas dans le rapport Badinter, l’art. 59 évoque : « les litiges en matière de travail sont portés devant une juridiction composée de juges qualifiés dans le domaine du droit du travail ». Et le projet El Khomri  leur retire déjà leurs prérogatives d’appréciation de la réalité du préjudice subi, puisqu’il plafonnerait les indemnités dues à  des salariés licenciés abusivement, en fonction de l’ancienneté dans l’entreprise, allant de  3 mois de salaire si le salarié était employé depuis moins de 2 ans jusqu’à  15 mois de salaire pour une ancienneté de plus de 20 ans. Ces montants seraient nettement inférieurs à la moyenne obtenue dans les tribunaux actuellement.  


Il ne peut être question de laisser passer un tel projet de régression des droits du travail. Cette fois, c’est une attaque globale entreprise par Hollande/Valls. Le dernier exemple de régression en la matière (Sarkozy, 2008) concerne la rupture conventionnelle pour soi-disant « fluidifier les relations sociales », « gérer la situation de manière adulte »(5). Loi régressive fut saluée par la CFDT, son n° 2, Mme  Descaq : « Avant, il fallait procéder à des transactions sources de contentieux ou alors les patrons exerçaient des pressions sur les salariés, parfois même du harcèlement moral ! ». Aujourd’hui, c’est plus simple et efficace(6) et ça permet aux patrons de « dédramatiser la rupture du contrat de travail » (5) 

Une seule riposte unitaire, rapide, regroupant partis, syndicats, associations, citoyens, celle du monde du travail doit être à la hauteur : dans la rue et par la grève (3). Du côté des syndicats, si FO s’indigne et parle de « tsunami libéral » qu’il faut combattre, si la CGT dénonce un retour au « 19ème siècle » inacceptable, et si Solidaires s’indigne de voir le code du travail passé à « la broyeuse », la CFDT, adepte des compromissions,  annonce « ne pas être d’accord » mais qu’il ne faut pas « crier au loup sur toutes les dispositions… ». C’est Berger qui le dit, espérons qu’il ne nous prenne pas pour des moutons ! Sur une action collective  « la CFDT n’est pour autant pas opposée à agir avec d’autres ». Difficile de voir là un appel franc et massif à descendre dans la rue immédiatement !

Alors, serons-nous des grenouilles ? A l’image de cette grenouille placée dans un bain d’eau froide sous lequel le feu couve, qui se laisse cuire insensiblement ou de celle jetée dans une bassine d’eau bouillante qui s’en extrait d’un bond ?

Odile Mangeot, le 19.02.2016


(1)   Grand rendez-vous Europe 1, le Monde, I-Télé du 31.01.2016
(2)   Grand prix 2015 du Presse Club, Humour et Politique, attribué à Hollande pour ses « hollanderies »
(3)   communiqué du NPA du 18.02.2016
(4)   Créés le 18 mars 1806 (Napoléon 1er), remaniés sous la 2ème République (27 mai 1848) avec l’institution du paritarisme (employeurs et salariés rendant ensemble des décisions juridiques), généralisés par la loi Boulin en 1979, on en comptait 271 en 2008, 61 ont été supprimés suite à la mise en œuvre de la réforme de la carte judiciaire (Sarko/Dati en 2008). 
(5)   Propos des patrons et du Medef
(6)   Cf article l’urgence sociale à agir dans ce numéro, précisant qu’au 3ème trimestre 2014, les ruptures conventionnelles ont représenté 17.9% des fins de CDI pour licenciement, rupture conventionnelle ou démission (sur un total annuel de 920 000) (chiffres de la Dares)