Espagne. Podemos
Le mouvement social et les élections
Dans le numéro précédent,
l’illustration a été faite sur les difficultés rencontrées par la « fabrique du consentement », pour
faire admettre les politiques d’austérité. Le mouvement d’occupation des places
a grippé la « machine » diffusant la pensée résignée « il n’y a pas d’autre alternative »,
celle de la purge imposée par les institutions européennes, relayées par les
partis dominants : le PSOE et le Parti conservateur de droite (PP).
L’émergence d’un mouvement social
inédit (le 15 mai 2011), suivi de nombreuses manifestations (les marées), de
grèves, d’oppositions aux expulsions de logements posent, sans la résoudre, la
question de la nature du capitalisme financiarisé. La rupture avec ce système doit
se concevoir comme un processus emmagasinant, au-delà des échecs, des avancées soulageant pour partie la
paupérisation et la précarité subies par les classes ouvrières et populaires,
voire les couches moyennes appauvries. Bref, une véritable guerre de tranchées
où tout recul est une défaite pour le mouvement populaire. Or, force est de
constater que rien de significatif ne s’est produit en ce sens en Espagne.
Toutefois, les mobilisations massives puis les scores électoraux de Podemos et
des plateformes citoyennes (aux municipales) ont entamé la légitimité des partis
dominants, ceux de l’alternance sans alternative. Peut-il se poursuivre et à
quelles conditions ?
Pour répondre à cette question,
s’interroger sur la nature de Podemos peut pointer, pour partie, des éléments
de réponses. Il convient de souligner d’abord comment le mouvement populaire a pu être
fragilisé et ce, avant de rendre compte des conditions qui ont permis le lancement de Podemos. Son essor s’est
ensuite heurté à la contre-offensive
des classes dominantes et du PP de Aznar. Le programme « électoral »
de Podemos mis à part, la diffusion des mesures d’urgence sociale qu’il
faudrait mettre en œuvre ne peut se concrétiser par la voie électorale, du
moins dans la conjoncture présente. Certes, comme le souligne ce qui suit, il a
abouti à une crise de gouvernementalité susceptible
de rebondir en crise politique pour autant que reprenne le mouvement
« d’insurrection citoyenne ». Reste une autre voie cul-de-sac, celle
de l’institutionnalisation de Podemos et son engluement dans de nouvelles
séquences électorales avec de possibles alliances avec le PSOE. Podemos, un
nouveau Syriza ?
Les séquences électorales percutent le mouvement
« d’indignation »
Rappel : le mouvement
d’occupation des places a démarré le 15 mai 2011. Il a duré un mois pour se
transformer en opposition aux expulsions et en une grève générale le 14
novembre 2012 (9 millions de grévistes) ainsi qu’en marées successives de
manifestations.
La période qui suit va détourner le
mouvement de protestation vers plusieurs séquences électorales, accaparant l’attention
par l’émergence d’une nouvelle force politique. Mai 2014 : élections
européennes, Podemos, parti de rien, obtient 8% des voix. Mai 2015 :
élections municipales et régionales, il bondit à 14%. Décembre 2015 : aux
élections législatives, il obtient 20.7% et 71 députés. Juin 2016 :
nouvelles élections législatives, il régresse à 20% mais conserve le nombre de
députés. Son ascension a fait croire que le changement par la seule voie électorale
était possible, d’autant que le mouvement de protestation ne parvenait pas à
faire fléchir le gouvernement, ne serait-ce que sur des questions de survie
(logement, minimum de ressources pour les plus démunis).
En novembre 2010, naît un nouveau média,
la Tuerka et ce, à l’initiative d’intellectuels : Juan Carlos Monedero, Pablo
Iglesias et Inigo Errejon ainsi que deux membres d’Izquierda Unida anticapitaliste,
Miguel Urban et Teresa Rodriguez. Face au poids de la presse et de la TV, le
mot d’ordre est « Si tu ne peux
atteindre les médias, transforme-toi en média ! ». Cette petite
équipe qui entend effriter l’hégémonie dominante va impulser des débats sur des
sujets tabous (l’Eglise, la monarchie, les origines de la crise de 2008…) et
agiter de nombreux thèmes culturels et historiques. Plus fondamentalement, elle
devient la caisse de résonnance du mouvement
du 15 mai. Diffusée d’abord sur Youtube, elle dispose ensuite de son média TV, Sexta
Noche. 900 000 spectateurs puis 2 millions suivent ces émissions
de débats au cours desquels Pablo Iglesias apparaît de fait comme le
porte-parole symbolique du mouvement d’indignation.
Le 14 janvier 2014, face au relatif
épuisement de la « lutte de rues » et à l’approche des élections
européennes, un collectif d’intellectuels et d’activistes se réunit dans un
théâtre alternatif. Le manifeste présenté par Juan Carlos Monedero est
approuvé. Il s’agit de participer au scrutin électoral, de « convertir l’indignation en changement
politique », « L’Europe
juste », Nous Pouvons,
Podemos, est né. Le projet se veut participatif : une pétition est lancée,
elle recueille 50 000 signatures en 24 heures. Des candidats sont désignés
par les citoyens inscrits sur internet, ce que refuse Izquierda Unida, attachée
à la nomination de ses propres prétendants à la candidature. Cette défection n’affecte
pas ce processus de mobilisation électorale. Après 4 mois d’existence, Podemos
recueille 1 250 000 voix et 5 eurodéputés sont élus.
Ce nouveau parti
« attrape-tout » se définit comme « ni droite, ni gauche » car il prétend dépasser ce clivage et
se démarquer du parti social-libéral austéritaire, voire rénover le langage marxiste.
Les classes sociales disparaissent au profit d’un « nous » le peuple,
s’opposant à la caste politicienne, cette « bande de voyous ». En surfant sur les scandales et les « maffieux qui nous gouvernent », les
politiques, les banquiers véreux et les patrons des grandes entreprises,
Podemos vise à se doter d’une large majorité d’adhérents. La lutte à mener
serait celle de « ceux d’en bas » contre « ceux d’en
haut ». Malgré les apparences ce « nous » est difficile à
construire particulièrement en Espagne, nation de nations (Catalogne, Pays
basque, Galicie…) et sous-estime la longue durée pour construire une nouvelle
hégémonie (poids de l’Eglise par exemple). Il n’empêche, la déconstruction
idéologique à l’œuvre a tendance à souder une fraction des classes populaires
et moyennes qui rejettent le système bipartisan. Ainsi, à l’accusation d’avoir
importé une théorie latino-américaine populiste, donc de n’être pas des
patriotes, Pablo Iglesias rétorquera : la patrie, c’est un pays fait de
gens attachés à la sécurité sociale, à l’école publique… rien de commun avec la
« caste corrompue », à
cette «élite de traitres », à cette
« monarchie répugnante »
soumise à la finance internationale. Reste nombre d’ambiguïtés comme celle de « transformer
une Europe injuste en Europe juste ».
Après les élections européennes, ce
parti en gestation va se doter de structures qui se veulent démocratiques.
Podemos, entre l’ancien et le nouveau
Suite aux élections européennes, le
parti embryonnaire se structure. Le 5 juin 2014, une discussion sur ses statuts
est lancée. 55 882 personnes y participent. Pablo Iglesias l’emporte à 86%
des voix. 400 cercles de base font vivre le débat sur l’organisation de Podemos
ainsi que les échanges via internet. Ce document éthique approuvé tranche avec
les pratiques douteuses des partis dominants : interdiction de faire partie
de conseils d’administration d’entreprises, la mise en examen vaut renoncement
à tout mandat, les indemnités de mandat sont limitées à 3 fois le Smic… Mais,
derrière les apparences de démocratisme du parti « propre », la
structure organisationnelle en débat laisse entrevoir une verticalité présentée comme nécessaire pour conquérir le pouvoir
par les législatives prévues à l’automne 2015. C’est cette « priorité à l’efficacité électorale »
qui va l’emporter lors de l’assemblée de Vistalegre, les 18 et 19 octobre 2014.
7 000 personnes y participent. Cette agora est suivie sur internet par
2 000 personnes : le débat oppose les partisans d’un parti mouvement (Teresa
Rodriguez) et ceux largement majoritaires qui visent l’irruption sur la scène
électorale. De fait, l’initiative va être retirée aux militants des cercles. Le succès
de la percée médiatique de l’évènement Vistalegre se traduit immédiatement dans
le nombre d’inscriptions. En une semaine, il passe de 136 000 à
206 000 puis atteint 307 000. La culture d’activisme numérique l’a
emporté sur l’articulation prolongée avec les mouvements sociaux.
L’essor
électoral de Podemos
et sa volonté d’occuper « la
centralité de l’échiquier électoral » paraissent assurés lors des
élections municipales et régionales. Sa dénonciation des scandales, son
opposition de la caste aux gens ordinaires, la corruption qui atteint la
monarchie, en particulier la fille du roi Juan Carlos, sa démission suite à la
révélation de son accident de chasse à l’éléphant au Botswana…. sont autant
d’éléments qui favorisent la captation de l’énergie populaire tout en
mobilisant les classes moyennes. La présentation médiatique de Podemos, parti
contre les abus du système, « caméléon » dans sa volonté de n’être ni
de droite ni de gauche lui assure un essor fulgurant dans les intentions de
vote (20% en septembre 2014). Si dans un premier temps, le PP et la classe
dominante ne s’en offusquent guère (le parti de droite tablant sur un
effritement du PSOE), leurs inquiétudes face à un bouleversement possible du
bipartisme vont les amener à réagir.
La contre-offensive des forces dominantes
Elle va se dérouler en 4 phases
successives : une guerre d’usure puis de diffamation, se transformant
ensuite en stratégie diffusant la peur du chaos, pour aboutir à la création
d’un nouveau parti « propre » censé
récupérer au profit de la droite les classes moyennes.
La guerre d’usure consiste, dans un premier temps, à présenter
l’équipe dirigeante de Podemos comme une caste irresponsable ( !). Ce
retour à l’envoyeur des élites s’accompagne de pressions intimant aux médias,
en particulier les grandes chaînes de TV, de leur en interdire l’accès (menaces
sur la publicité, éjection d’un directeur de chaîne récalcitrant).
La diffamation prit la forme d’une campagne contre certains des
leaders afin de faire douter de l’honnêteté des cadres de Podemos :
Monedero qui avait été conseiller économique pour la mise en place de la Banque
Alba afin de faire contrepoids en Amérique latine à la domination des USA, fut
l’objet d’un acharnement, d’un cynisme éprouvé. Alors qu’il n’avait mené qu’une
étude d’impact sur une monnaie concurrente au dollar réunissant l’Equateur, la
Bolivie, Cuba, le Nicaragua et le Venezuela, il fut présenté comme un « suppôt
de Chavez ». Un temps considérable fut donc consacré à répondre à ces
accusations.
La stratégie de la peur qui s’ensuivit eut plus d’impact :
Podemos fut présenté comme un parti antidémocratique de radicaux et
d’extrémistes aux ordres de Chavez, qui allait provoquer le chaos. Le 1er
Ministre Aznar et l’euro-groupe dont il fait partie ont parié sur
l’identification avec Syriza et sur son échec, ce qui conforte l’idée auprès
d’une partie de la population espagnole que, décidément, rien ne pouvait
changer. Podemos commença à perdre de l’influence d’autant que la revendication
légitime consistant à permettre aux prisonniers de l’ETA d’être rapprochés dans
un lieu de détention proche de leurs familles fut l’occasion d’identifier ce
parti aux « terroristes » de l’ETA. Pour répondre à cette campagne de
« diabolisation » Podemos modéra son discours, affirmant entre autres
qu’il visait à transformer l’Union européenne de l’intérieur tout en montrant
qu’il était loin d’être isolé. Le 31 janvier 2015, des marches de soutien
furent organisées, elles convergèrent vers Madrid ; des centaines de
milliers de personnes y participèrent. Bref, pour les forces d’alternance,
Podemos, à l’approche des élections, restait un danger qu’il fallait contenir.
Le dernier moyen mis en œuvre pour y
parvenir fut la création de toutes
pièces d’un nouveau parti
« propre » susceptible de drainer une partie de l’électorat
indigné par les scandales de corruption. L’idée fut émise par le directeur de
l’une des plus grandes banques espagnoles : « Il faut faire un Podemos de droite ». Dans les médias, à
partir de février 2015, un bourrage de crânes publicitaire renforça l’image
d’un parti catalan Cuitadans pour lui
conférer une audience nationale. Peu de temps après, Ciudadanos, le parti de
la citoyenneté s’affichant centriste, fut présenté comme le recours aux maux de
l’Espagne. Ses accointances avec des groupuscules d’extrême droite furent
passées sous silence, on ne devait retenir que son apparente volonté de lutter
contre la corruption. Il fallait en effet contrer la déroute probable du PP
conservateur, englué dans les « affaires ». Albert Rivera, figure
nouvelle, devint la coqueluche des télévisions ; ouvert sur les questions
sociétales et de mœurs, il gomma autant que possible son programme libéral très
proche du PP.
Coup d’arrêt à la progression de Podemos
Plusieurs facteurs concourent à
enrayer la progression de Podemos. La stratégie d’abord, celle qui consiste à
mener « une guerre électorale »
en s’imaginant rallier un électorat du centre à l’extrême gauche, sans
modification préalable et en profondeur de la « pensée unique » qui
continue de peser sur le corps électoral. Pèse également l’absence de prévision
de l’ampleur des campagnes d’intoxication dont est victime Podemos, tout comme
la signification du repli des luttes de masse. Face à cette situation où Ciudadanos
récupère en intentions de vote une partie de l’électorat modéré favorable au
changement, la réaction de Podemos va consister à se battre sur le terrain de
l’adversaire : en modérant d’une part ses propositions et en réfutant le
caractère « nouveau » de Ciudadanos. Ainsi disparaissent le
non-paiement de la dette, l’abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans… et
indépendamment du clivage de classes est mis en avant le caractère inédit, neuf,
de Podemos dans sa concurrence marketing avec Ciudadanos. Face à l’offensive
dont il est l’objet, Podemos se présente donc comme un parti acceptable. Il
s’ensuit un refus d’alliance avec Izquierda Unida, un certain désenchantement envers
une stratégie essentiellement discursive et électoraliste, et ce, au détriment
de l’échange avec les cercles de base qui se dépeuplent… puisqu’il suffit de
voter. Le rituel des votes par internet appelé « boutons placebos »
n’y change rien, au contraire.
Les dirigeants de Podemos réussissent,
toutefois, à maintenir ensemble deux lignes contradictoires qui se
matérialisent dans le programme « d’urgence sociale » à caractère
électoral (1). Reste, au vu des résultats des élections législatives que
Podemos réussit à casser le système bipartisan et que la tentative de faire
émerger un nouveau parti « propre », « jeune » de centre
droit est un échec. Podemos, 3ème parti du point de vue de son
impact électoral, n’a pu néanmoins réduire suffisamment l’influence de PSOE et
les illusions sur son improbable transformation à « gauche ».
La crise de gouvernementalité et le débat au sein
de Podemos
Les élections législatives de décembre
2015 paralysent le système gouvernemental. Le parti conservateur de droite
n’obtient pas de majorité pour gouverner. Ciudadanos qui n’a pas un nombre suffisant
de députés pour parvenir à une alliance majoritaire avec le PP renonce, après bien des atermoiements,
à trouver un compromis avec cette formation minée par les scandales. Cette
option ternirait l’image (virtuelle !) qu’il s’est construite. Dans le même
esprit, le PSOE refuse l’idée d’une union sacrée pro-austéritaire : sa perte
d’influence entamée s’accélèrerait... Impossible de trouver un terrain
d’entente avec Podemos. Pablo Iglesias, en proposant un référendum interne,
s’est prémuni contre cette tentation. Par internet (180 000 inscrits) 88%
des votants rejettent tout soutien au PSOE + Ciudadanos qui permettrait
d’obtenir un gouvernement minoritaire de « cette gauche » acquise au
libéralisme austéritaire. Joutes parlementaires et tractations vont durer jusqu’en juin 2016. En effet, de
nouvelles élections sont programmées l’été, pour tenter de sortir de l’impasse
gouvernementale. Podemos, après consultation, fait cette fois le choix d’une
alliance avec Izquierda Unida. Après le dépouillement des votes du 26 juin, le
rapport de forces parlementaires reste inchangé malgré la perte d’un million de
voix de Podemos et une forte abstention : la « guerre
électorale » transversale a atteint ses limites, le débat resurgit dans Podemos,
les uns reprochant l’alliance avec « l’extrême gauche », les autres
quoique déçus critiquant la désidéologisation du discours tenu et son manque de
radicalité. En tout état de cause, la paralysie du système gouvernemental n’est
surmontée que par l’ingouvernementalité qui lui succède. En effet, le
gouvernement PP et Ciudadanos est minoritaire face à des formations qui ne
manqueront pas (plus ou moins) de contester ses choix austéritaires. Les
conservateurs de droite espèrent en une embellie économique qui les
conforterait ; le PSOE dans l’attente de nouvelles élections, pense
pouvoir prospérer sur le désastre du PP. Quant à Podemos, il est à la croisée
des chemins.
Son programme ne pouvait, à lui seul,
permettre de devenir un parti majoritaire pour le mettre en œuvre. Il n’empêche,
il a popularisé un certain nombre de mesures qui prouvent son articulation avec
les aspirations largement partagées : arrêt des expulsions sans
alternative de relogement, minimum vital de subsistance/gaz/électricité...
Toutefois, on est loin d’une posture révolutionnaire appelant les masses à
occuper les logements vides, ou encore pour ne prendre que ce deuxième exemple,
occuper les sièges patronaux de ces industries de biens communs. En tout état
de cause, demeure l’illusion que Podemos, en s’alliant avec le PSOE, aurait pu
déloger le PP et forcer l’Union européenne à « démocratiser ses institutions », et à « convoquer une conférence européenne sur la
dette ». Cette voie d’institutionnalisation et néo-sociale demeure.
Le Congrès de Vistalegre, le 11 février dernier, va trancher le
débat entre deux lignes contradictoires. Ce qui a été présenté par les médias
comme une querelle entre deux leaders, Pablo Iglesias et Inigo Errejon, est
fondamental. Pour le premier, l’unité avec Izquierda Unida consiste à constituer
un bloc historique concurrent à celui, fracturé, des partis dominants
perpétuant le système capitaliste. Il suppose un travail de politisation et
d’enracinement populaire et une démocratie effective laissant initiatives et
propositions aux cercles de base, ce qui n’est pas acquis. Le second parie sur
la transversalité de Podemos, son institutionnalisation. Il s’agirait de faire
naître un nouveau parti social-démocrate, « décentralisé » et « pluraliste »,
ralliant les classes moyennes. Cette voie serait la seule à pouvoir, en
alliance avec le PSOE et d’autres formations autonomistes, permettre la prise
du pouvoir. Le Congrès a tranché à 67% en faveur de la première voie, celle que
représente Pablo Iglesias.
Il sera désormais difficile de faire
coexister les deux tendances contradictoires. Dans la décomposition/recomposition
du paysage politique, une nouvelle épreuve attend Podemos, celle d’une
démocratie moins éthérée (les votes par internet) qui permette une cohésion
idéologique plus perméable à l’articulation avec les luttes sociales, y compris
dans leur dimension européenne. Tout est encore possible, pour autant que cette
formation face preuve d’une « longue
impatience ». En effet, sans certitude aucune, il se pourrait bien que
le processus de délitement de l’Union européenne et de politisation des grèves,
manifestations, occupations, recrée un contexte favorable. Si les freins
autonomistes, voire indépendantistes notamment en Catalogne, peuvent compliquer
l’unité populaire destituante, celle-ci n’est pas, en Espagne, contrecarrée par
la prégnance des forces xénophobes et fascisantes. Le souvenir du franquisme
demeure dans les esprits comme un retour infréquentable. Le thermomètre
électoral a néanmoins montré que la lutte pour l’hégémonie d’une vision de
transformation sociale est loin d’être gagnée.
Gérard Deneux, le 19.02.2017
(1) Le programme
de Podemos est exposé dans l’essai Podemos,
la politique en mouvement (p. 191 à 196) d’Alberto Amo et Alberto Minguez,
éditions la Dispute