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Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


lundi 27 février 2017

Espagne. Podemos
Le mouvement social et les élections

Dans le numéro précédent, l’illustration a été faite sur les difficultés rencontrées par la « fabrique du consentement », pour faire admettre les politiques d’austérité. Le mouvement d’occupation des places a grippé la « machine » diffusant la pensée résignée « il n’y a pas d’autre alternative », celle de la purge imposée par les institutions européennes, relayées par les partis dominants : le PSOE et le Parti conservateur de droite (PP).

L’émergence d’un mouvement social inédit (le 15 mai 2011), suivi de nombreuses manifestations (les marées), de grèves, d’oppositions aux expulsions de logements posent, sans la résoudre, la question de la nature du capitalisme financiarisé. La rupture avec ce système doit se concevoir comme un processus emmagasinant, au-delà des échecs, des avancées soulageant pour partie la paupérisation et la précarité subies par les classes ouvrières et populaires, voire les couches moyennes appauvries. Bref, une véritable guerre de tranchées où tout recul est une défaite pour le mouvement populaire. Or, force est de constater que rien de significatif ne s’est produit en ce sens en Espagne. Toutefois, les mobilisations massives puis les scores électoraux de Podemos et des plateformes citoyennes (aux municipales) ont entamé la légitimité des partis dominants, ceux de l’alternance sans alternative. Peut-il se poursuivre et à quelles conditions ?

Pour répondre à cette question, s’interroger sur la nature de Podemos peut pointer, pour partie, des éléments de réponses. Il convient de souligner d’abord comment le mouvement populaire a pu être fragilisé et ce, avant de rendre compte des conditions qui ont permis le lancement de Podemos. Son essor s’est ensuite heurté à la contre-offensive des classes dominantes et du PP de Aznar. Le programme « électoral » de Podemos mis à part, la diffusion des mesures d’urgence sociale qu’il faudrait mettre en œuvre ne peut se concrétiser par la voie électorale, du moins dans la conjoncture présente. Certes, comme le souligne ce qui suit, il a abouti à une crise de gouvernementalité susceptible de rebondir en crise politique pour autant que reprenne le mouvement « d’insurrection citoyenne ». Reste une autre voie cul-de-sac, celle de l’institutionnalisation de Podemos et son engluement dans de nouvelles séquences électorales avec de possibles alliances avec le PSOE. Podemos, un nouveau Syriza ?

Les séquences électorales percutent le mouvement « d’indignation »

Rappel : le mouvement d’occupation des places a démarré le 15 mai 2011. Il a duré un mois pour se transformer en opposition aux expulsions et en une grève générale le 14 novembre 2012 (9 millions de grévistes) ainsi qu’en marées successives de manifestations.

La période qui suit va détourner le mouvement de protestation vers plusieurs séquences électorales, accaparant l’attention par l’émergence d’une nouvelle force politique. Mai 2014 : élections européennes, Podemos, parti de rien, obtient 8% des voix. Mai 2015 : élections municipales et régionales, il bondit à 14%. Décembre 2015 : aux élections législatives, il obtient 20.7% et 71 députés. Juin 2016 : nouvelles élections législatives, il régresse à 20% mais conserve le nombre de députés. Son ascension a fait croire que le changement par la seule voie électorale était possible, d’autant que le mouvement de protestation ne parvenait pas à faire fléchir le gouvernement, ne serait-ce que sur des questions de survie (logement, minimum de ressources pour les plus démunis).

En novembre 2010, naît un nouveau média, la Tuerka et ce, à l’initiative d’intellectuels : Juan Carlos Monedero, Pablo Iglesias et Inigo Errejon ainsi que deux membres d’Izquierda Unida anticapitaliste, Miguel Urban et Teresa Rodriguez. Face au poids de la presse et de la TV, le mot d’ordre est « Si tu ne peux atteindre les médias, transforme-toi en média ! ». Cette petite équipe qui entend effriter l’hégémonie dominante va impulser des débats sur des sujets tabous (l’Eglise, la monarchie, les origines de la crise de 2008…) et agiter de nombreux thèmes culturels et historiques. Plus fondamentalement, elle devient la caisse de résonnance du mouvement du 15 mai. Diffusée d’abord sur Youtube, elle dispose ensuite de son média TV, Sexta Noche. 900 000 spectateurs puis 2 millions suivent ces émissions de débats au cours desquels Pablo Iglesias apparaît de fait comme le porte-parole symbolique du mouvement d’indignation.

Le 14 janvier 2014, face au relatif épuisement de la « lutte de rues » et à l’approche des élections européennes, un collectif d’intellectuels et d’activistes se réunit dans un théâtre alternatif. Le manifeste présenté par Juan Carlos Monedero est approuvé. Il s’agit de participer au scrutin électoral, de « convertir l’indignation en changement politique », « L’Europe juste », Nous Pouvons, Podemos, est né. Le projet se veut participatif : une pétition est lancée, elle recueille 50 000 signatures en 24 heures. Des candidats sont désignés par les citoyens inscrits sur internet, ce que refuse Izquierda Unida, attachée à la nomination de ses propres prétendants à la candidature. Cette défection n’affecte pas ce processus de mobilisation électorale. Après 4 mois d’existence, Podemos recueille 1 250 000 voix et 5 eurodéputés sont élus.

Ce nouveau parti « attrape-tout » se définit comme « ni droite, ni gauche » car il prétend dépasser ce clivage et se démarquer du parti social-libéral austéritaire, voire rénover le langage marxiste. Les classes sociales disparaissent au profit d’un « nous » le peuple, s’opposant à la caste politicienne, cette « bande de voyous ». En surfant sur les scandales et les « maffieux qui nous gouvernent », les politiques, les banquiers véreux et les patrons des grandes entreprises, Podemos vise à se doter d’une large majorité d’adhérents. La lutte à mener serait celle de « ceux d’en bas » contre « ceux d’en haut ». Malgré les apparences ce « nous » est difficile à construire particulièrement en Espagne, nation de nations (Catalogne, Pays basque, Galicie…) et sous-estime la longue durée pour construire une nouvelle hégémonie (poids de l’Eglise par exemple). Il n’empêche, la déconstruction idéologique à l’œuvre a tendance à souder une fraction des classes populaires et moyennes qui rejettent le système bipartisan. Ainsi, à l’accusation d’avoir importé une théorie latino-américaine populiste, donc de n’être pas des patriotes, Pablo Iglesias rétorquera : la patrie, c’est un pays fait de gens attachés à la sécurité sociale, à l’école publique… rien de commun avec la « caste corrompue », à cette «élite de traitres », à cette « monarchie répugnante » soumise à la finance internationale. Reste nombre d’ambiguïtés comme celle de « transformer une Europe injuste en Europe juste ».

Après les élections européennes, ce parti en gestation va se doter de structures qui se veulent démocratiques. 

Podemos, entre l’ancien et le nouveau

Suite aux élections européennes, le parti embryonnaire se structure. Le 5 juin 2014, une discussion sur ses statuts est lancée. 55 882 personnes y participent. Pablo Iglesias l’emporte à 86% des voix. 400 cercles de base font vivre le débat sur l’organisation de Podemos ainsi que les échanges via internet. Ce document éthique approuvé tranche avec les pratiques douteuses des partis dominants : interdiction de faire partie de conseils d’administration d’entreprises, la mise en examen vaut renoncement à tout mandat, les indemnités de mandat sont limitées à 3 fois le Smic… Mais, derrière les apparences de démocratisme du parti « propre », la structure organisationnelle en débat laisse entrevoir une verticalité présentée comme nécessaire pour conquérir le pouvoir par les législatives prévues à l’automne 2015. C’est cette « priorité à l’efficacité électorale » qui va l’emporter lors de l’assemblée de Vistalegre, les 18 et 19 octobre 2014. 7 000 personnes y participent. Cette agora est suivie sur internet par 2 000 personnes : le débat oppose les partisans d’un parti mouvement (Teresa Rodriguez) et ceux largement majoritaires qui visent l’irruption sur la scène électorale. De fait, l’initiative va être  retirée aux militants des cercles. Le succès de la percée médiatique de l’évènement Vistalegre se traduit immédiatement dans le nombre d’inscriptions. En une semaine, il passe de 136 000 à 206 000 puis atteint 307 000. La culture d’activisme numérique l’a emporté sur l’articulation prolongée avec les mouvements sociaux.

L’essor électoral de Podemos et sa volonté d’occuper « la centralité de l’échiquier électoral » paraissent assurés lors des élections municipales et régionales. Sa dénonciation des scandales, son opposition de la caste aux gens ordinaires, la corruption qui atteint la monarchie, en particulier la fille du roi Juan Carlos, sa démission suite à la révélation de son accident de chasse à l’éléphant au Botswana…. sont autant d’éléments qui favorisent la captation de l’énergie populaire tout en mobilisant les classes moyennes. La présentation médiatique de Podemos, parti contre les abus du système, « caméléon » dans sa volonté de n’être ni de droite ni de gauche lui assure un essor fulgurant dans les intentions de vote (20% en septembre 2014). Si dans un premier temps, le PP et la classe dominante ne s’en offusquent guère (le parti de droite tablant sur un effritement du PSOE), leurs inquiétudes face à un bouleversement possible du bipartisme vont les amener à réagir.

La contre-offensive des forces dominantes

Elle va se dérouler en 4 phases successives : une guerre d’usure puis de diffamation, se transformant ensuite en stratégie diffusant la peur du chaos, pour aboutir à la création d’un nouveau parti « propre » censé récupérer au profit de la droite les classes moyennes.

La guerre d’usure consiste, dans un premier temps, à présenter l’équipe dirigeante de Podemos comme une caste irresponsable ( !). Ce retour à l’envoyeur des élites s’accompagne de pressions intimant aux médias, en particulier les grandes chaînes de TV, de leur en interdire l’accès (menaces sur la publicité, éjection d’un directeur de chaîne récalcitrant).

La diffamation prit la forme d’une campagne contre certains des leaders afin de faire douter de l’honnêteté des cadres de Podemos : Monedero qui avait été conseiller économique pour la mise en place de la Banque Alba afin de faire contrepoids en Amérique latine à la domination des USA, fut l’objet d’un acharnement, d’un cynisme éprouvé. Alors qu’il n’avait mené qu’une étude d’impact sur une monnaie concurrente au dollar réunissant l’Equateur, la Bolivie, Cuba, le Nicaragua et le Venezuela, il fut présenté comme un « suppôt de Chavez ». Un temps considérable fut donc consacré à répondre à ces accusations.

La stratégie de la peur qui s’ensuivit eut plus d’impact : Podemos fut présenté comme un parti antidémocratique de radicaux et d’extrémistes aux ordres de Chavez, qui allait provoquer le chaos. Le 1er Ministre Aznar et l’euro-groupe dont il fait partie ont parié sur l’identification avec Syriza et sur son échec, ce qui conforte l’idée auprès d’une partie de la population espagnole que, décidément, rien ne pouvait changer. Podemos commença à perdre de l’influence d’autant que la revendication légitime consistant à permettre aux prisonniers de l’ETA d’être rapprochés dans un lieu de détention proche de leurs familles fut l’occasion d’identifier ce parti aux « terroristes » de l’ETA. Pour répondre à cette campagne de « diabolisation » Podemos modéra son discours, affirmant entre autres qu’il visait à transformer l’Union européenne de l’intérieur tout en montrant qu’il était loin d’être isolé. Le 31 janvier 2015, des marches de soutien furent organisées, elles convergèrent vers Madrid ; des centaines de milliers de personnes y participèrent. Bref, pour les forces d’alternance, Podemos, à l’approche des élections, restait un danger qu’il fallait contenir.

Le dernier moyen mis en œuvre pour y parvenir fut la création de toutes pièces d’un nouveau parti « propre » susceptible de drainer une partie de l’électorat indigné par les scandales de corruption. L’idée fut émise par le directeur de l’une des plus grandes banques espagnoles : « Il faut faire un Podemos de droite ». Dans les médias, à partir de février 2015, un bourrage de crânes publicitaire renforça l’image d’un parti catalan Cuitadans pour lui conférer une audience nationale. Peu de temps après, Ciudadanos, le parti de la citoyenneté s’affichant centriste, fut présenté comme le recours aux maux de l’Espagne. Ses accointances avec des groupuscules d’extrême droite furent passées sous silence, on ne devait retenir que son apparente volonté de lutter contre la corruption. Il fallait en effet contrer la déroute probable du PP conservateur, englué dans les « affaires ». Albert Rivera, figure nouvelle, devint la coqueluche des télévisions ; ouvert sur les questions sociétales et de mœurs, il gomma autant que possible son programme libéral très proche du PP.

Coup d’arrêt à la progression de Podemos

Plusieurs facteurs concourent à enrayer la progression de Podemos. La stratégie d’abord, celle qui consiste à mener « une guerre électorale » en s’imaginant rallier un électorat du centre à l’extrême gauche, sans modification préalable et en profondeur de la « pensée unique » qui continue de peser sur le corps électoral. Pèse également l’absence de prévision de l’ampleur des campagnes d’intoxication dont est victime Podemos, tout comme la signification du repli des luttes de masse. Face à cette situation où Ciudadanos récupère en intentions de vote une partie de l’électorat modéré favorable au changement, la réaction de Podemos va consister à se battre sur le terrain de l’adversaire : en modérant d’une part ses propositions et en réfutant le caractère « nouveau » de Ciudadanos. Ainsi disparaissent le non-paiement de la dette, l’abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans… et indépendamment du clivage de classes est mis en avant le caractère inédit, neuf, de Podemos dans sa concurrence marketing avec Ciudadanos. Face à l’offensive dont il est l’objet, Podemos se présente donc comme un parti acceptable. Il s’ensuit un refus d’alliance avec Izquierda Unida, un certain désenchantement envers une stratégie essentiellement discursive et électoraliste, et ce, au détriment de l’échange avec les cercles de base qui se dépeuplent… puisqu’il suffit de voter. Le rituel des votes par internet appelé « boutons placebos » n’y change rien, au contraire.

Les dirigeants de Podemos réussissent, toutefois, à maintenir ensemble deux lignes contradictoires qui se matérialisent dans le programme « d’urgence sociale » à caractère électoral (1). Reste, au vu des résultats des élections législatives que Podemos réussit à casser le système bipartisan et que la tentative de faire émerger un nouveau parti « propre », « jeune » de centre droit est un échec. Podemos, 3ème parti du point de vue de son impact électoral, n’a pu néanmoins réduire suffisamment l’influence de PSOE et les illusions sur son improbable transformation à « gauche ».

La crise de gouvernementalité et le débat au sein de Podemos

Les élections législatives de décembre 2015 paralysent le système gouvernemental. Le parti conservateur de droite n’obtient pas de majorité pour gouverner. Ciudadanos qui n’a pas un nombre suffisant de députés pour parvenir à une alliance majoritaire avec  le PP renonce, après bien des atermoiements, à trouver un compromis avec cette formation minée par les scandales. Cette option ternirait l’image (virtuelle !) qu’il s’est construite. Dans le même esprit, le PSOE refuse l’idée d’une union sacrée pro-austéritaire : sa perte d’influence entamée s’accélèrerait... Impossible de trouver un terrain d’entente avec Podemos. Pablo Iglesias, en proposant un référendum interne, s’est prémuni contre cette tentation. Par internet (180 000 inscrits) 88% des votants rejettent tout soutien au PSOE + Ciudadanos qui permettrait d’obtenir un gouvernement minoritaire de « cette gauche » acquise au libéralisme austéritaire. Joutes parlementaires et tractations vont durer jusqu’en juin 2016. En effet, de nouvelles élections sont programmées l’été, pour tenter de sortir de l’impasse gouvernementale. Podemos, après consultation, fait cette fois le choix d’une alliance avec Izquierda Unida. Après le dépouillement des votes du 26 juin, le rapport de forces parlementaires reste inchangé malgré la perte d’un million de voix de Podemos et une forte abstention : la « guerre électorale » transversale a atteint ses limites, le débat resurgit dans Podemos, les uns reprochant l’alliance avec « l’extrême gauche », les autres quoique déçus critiquant la désidéologisation du discours tenu et son manque de radicalité. En tout état de cause, la paralysie du système gouvernemental n’est surmontée que par l’ingouvernementalité qui lui succède. En effet, le gouvernement PP et Ciudadanos est minoritaire face à des formations qui ne manqueront pas (plus ou moins) de contester ses choix austéritaires. Les conservateurs de droite espèrent en une embellie économique qui les conforterait ; le PSOE dans l’attente de nouvelles élections, pense pouvoir prospérer sur le désastre du PP. Quant à Podemos, il est à la croisée des chemins.

Son programme ne pouvait, à lui seul, permettre de devenir un parti majoritaire pour le mettre en œuvre. Il n’empêche, il a popularisé un certain nombre de mesures qui prouvent son articulation avec les aspirations largement partagées : arrêt des expulsions sans alternative de relogement, minimum vital de subsistance/gaz/électricité... Toutefois, on est loin d’une posture révolutionnaire appelant les masses à occuper les logements vides, ou encore pour ne prendre que ce deuxième exemple, occuper les sièges patronaux de ces industries de biens communs. En tout état de cause, demeure l’illusion que Podemos, en s’alliant avec le PSOE, aurait pu déloger le PP et forcer l’Union européenne à « démocratiser ses institutions », et à « convoquer une conférence européenne sur la dette ». Cette voie d’institutionnalisation et néo-sociale demeure.

Le Congrès de Vistalegre, le 11 février dernier, va trancher le débat entre deux lignes contradictoires. Ce qui a été présenté par les médias comme une querelle entre deux leaders, Pablo Iglesias et Inigo Errejon, est fondamental. Pour le premier, l’unité avec Izquierda Unida consiste à constituer un bloc historique concurrent à celui, fracturé, des partis dominants perpétuant le système capitaliste. Il suppose un travail de politisation et d’enracinement populaire et une démocratie effective laissant initiatives et propositions aux cercles de base, ce qui n’est pas acquis. Le second parie sur la transversalité de Podemos, son institutionnalisation. Il s’agirait de faire naître un nouveau parti social-démocrate, « décentralisé » et « pluraliste », ralliant les classes moyennes. Cette voie serait la seule à pouvoir, en alliance avec le PSOE et d’autres formations autonomistes, permettre la prise du pouvoir. Le Congrès a tranché à 67% en faveur de la première voie, celle que représente Pablo Iglesias.

Il sera désormais difficile de faire coexister les deux tendances contradictoires. Dans la décomposition/recomposition du paysage politique, une nouvelle épreuve attend Podemos, celle d’une démocratie moins éthérée (les votes par internet) qui permette une cohésion idéologique plus perméable à l’articulation avec les luttes sociales, y compris dans leur dimension européenne. Tout est encore possible, pour autant que cette formation face preuve d’une « longue impatience ». En effet, sans certitude aucune, il se pourrait bien que le processus de délitement de l’Union européenne et de politisation des grèves, manifestations, occupations, recrée un contexte favorable. Si les freins autonomistes, voire indépendantistes notamment en Catalogne, peuvent compliquer l’unité populaire destituante, celle-ci n’est pas, en Espagne, contrecarrée par la prégnance des forces xénophobes et fascisantes. Le souvenir du franquisme demeure dans les esprits comme un retour infréquentable. Le thermomètre électoral a néanmoins montré que la lutte pour l’hégémonie d’une vision de transformation sociale est loin d’être gagnée.

Gérard Deneux, le 19.02.2017    

(1)   Le programme de Podemos est exposé dans l’essai  Podemos, la politique en mouvement (p. 191 à 196) d’Alberto Amo et Alberto Minguez, éditions la Dispute