Les temps changent ? Après Aulnay-sous-Bois…
Le 2 février, lorsque 4 flics tentent
d’interpeller un groupe de jeunes, Théo et Siron ne s’enfuient pas. Une baffe à
pleine volée pour Siron et l’interposition de Théo qui lui vaut la bastonnade
et la pénétration anale. Ce viol barbare aurait été étouffé s’il n’avait pas
été filmé, si des certificats médicaux n’avaient pas prouvé l’intolérable
agression, si la situation vécue par les jeunes des quartiers n’avaient pas été
à ce point explosive.
Paupérisés, ghettoïsés, quadrillés, la
plupart sans avenir, ils sont en danger permanent : contrôles d’identité
répétés, tutoyés, fouillés au corps, rabaissés, insultés, racisés et,
lorsqu’ils sont interpelés, l’outrage à agent recherché, ils sont tabassés, leur
intégrité niée, voire incarcérés. Leur prétendue arrogance n’est que résistance
et tentative de réaffirmation de leur dignité. La recherche de petits fumeurs
et dealers de cannabis occulte la volonté des gouvernants. Il s’agit d’étouffer
toute contestation d’un système inique à l’égard des quartiers populaires ;
la politique du chiffre d’interpellations sert à mobiliser une police largement
gangrenée par le racisme, le Pen se vantant de recueillir 60% de leurs voix.
Récemment, la preuve en a encore été administrée : d’abord ignorée, la
vérité exprimée par Assa Traoré, la sœur d’Adama celui qui est mort étouffé, a
été bâillonnée par des plaintes en diffamation, la révolte de ses deux frères
les a conduits en détention.
Mais, les temps changent. Depuis la mort de
Zyed et Bouna, en 2005, comme l’a exprimé le rappeur Fianso : face à la
machine alimentant le ressentiment et la rage « on a appris à s’unir ».
Ce qu’il faudra peut-être retenir
d’Aulnay-sous-Bois, c’est d’abord
cette « marche des mamans ». « Si on ne les avait pas écoutées, la cité se serait enflammée ».
Les « daronnes », tout en « calmant
les petits » se sont dirigées en masse vers le commissariat. Les 4
déléguées reçues ont exigé que les « voyous
de la police soient identifiés » et réclamé qu’il soit mis fin au
dispositif policier envahissant le quartier. Sur le dernier point, elles ont
été entendues, les CRS se sont déplacés à l’extérieur de la cité.
Ensuite, c’est à l’initiative
des jeunes Issa et Yannis, lançant un appel au rassemblement sur les réseaux sociaux,
que, devant le tribunal le 11 février, plus de 2 000 personnes ont assisté
à de nombreuses prises de paroles, réclamant justice malgré l’énorme dispositif
policier. Les médias n’ont retenu que les échauffourées provoquées par une
petite minorité en fin d’après-midi.
Et
encore,
les manifestations de colère et de soutien dans les quartiers de Bondy, Epinay,
Goussainville, dans une trentaine de villes dont Villeurbanne, Chambéry, Rodez.
Elles furent largement occultées par les tentatives d’apaisement démagogique,
dont Hollande au chevet de Théo ou encore les manipulations ourdies par la
préfecture, présentant les flics comme des sauveurs contre les casseurs, avec
l’exemple de cette petite fille extraite d’une voiture (non pas en flamme comme
annoncé par les médias) par Emmanuel (et non par les policiers).
Et
puis,
ces douilles de 9 mm sur le bitume, photographiées et diffusées sur les réseaux
sociaux, ces tirs à balles réelles dans une zone d’habitation, la justification
éhontée de la préfecture des tirs en l’air au motif que la police était
encerclée !
Enfin, le 23
février, les 16 lycées bloqués, la manif (réprimée) de plus de 1000 jeunes par
solidarité avec Théo. Et ils étaient nombreux ces lycéens à se rassembler parce
qu’ils avaient subi les violences policières à l’occasion des protestations
contre la loi El Khomri. Cette extension du domaine de la lutte, les
condamnations qui se succèdent depuis le 8 février, nourrissent les mouvements
de solidarité qui se poursuivent. Dans cette Ripoublique marquée par les
mascarades présidentielles, force et de constater qu’aucun des candidats ne
demande l’amnistie des condamnés, la suppression de la comparution immédiate,
la qualification d’outrage à agent…