Le PES n° 35 - juin -
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L’éphémère
Macromania
Que restera-t-il, d’ici
quelques mois, de ce pouvoir disposant d’une « majorité parlementaire boursoufflée », couplée à une défiance
abstentionniste ? La surprise fut, en effet, ce score record des
abstentions, des votes blancs et nuls : 67.22% au total, et dans ladite
Outre-Mer, 71%. Encore faut-il y ajouter les non et mal inscrits (1). Certes,
les classes dominantes se réjouissent : Macron, c’est le dynamisme
renouvelé du néolibéralisme, débarrassé pour l’heure des coteries politiciennes
usées dont les plus finauds ont su être saisis à temps par le « girouettisme » intéressé. Les
« constructivistes » et
autres macronpatibles se recyclent
aisément, laissant à leurs déchirements ceux qui veulent garder les « vieilles maisons » en voie
d’effondrement. Même l’épouvantail Le Pen, qui a tant servi à maintenir
l’alternance libérale PS/droite, semble dévalué après la percée des Insoumis dans ses « bastions »
populaires.
Sur fond de Hollandie déliquescente, d’un Fillon
fripon, du ralliement d’un Bayrou subjugué, il a suffi d’un énarque roublard et
ambitieux pour que les édifices partidaires fracturés se pulvérisent. Sur ce
champ de ruines, le proclamé, par soi-même, Jupiter, a mis en scène sa majesté
élyséenne, affirmant la nécessité de la verticale du pouvoir qu’il est censé
incarner. Las, à peine avait-il investi un gouvernement à sa main que déjà il
dut, dans l’ombre, descendre de son Olympe : régler l’exfiltration de
Ferrand, Bayrou, Goulard, De Sarnez, écorner dès à présent l’image vertueuse
qu’il voulait donner de lui-même : taches indélébiles, celles consistant,
en effet, à faire confiance à ce Ferrand d’argent accumulé sur le dos d’une
mutuelle, à donner la responsabilité au ministre de la justice pour découvrir
ensuite qu’il n’était qu’un faquin détournant les deniers de l’UE pour son
parti désargenté.
Malgré ces avatars, la Macromania
médiatiquement diffusée peut faire illusion ; le masque
« progressiste » affublé de con-certations avant l’imposition
d’ordonnances d’agressions sociales et de lois liberticides peut troubler
l’opinion. Reste que le marketing d’enfumage et les belles images diffusées ne
résisteront pas longtemps à la grisaille des vies quotidiennes amputées. Sa douteuse
légitimité, assise sur une assemblée croupion peuplée de novices godillots,
encadrés de quelques vieux chevaux de retour, ne peut anesthésier bien
longtemps les classes populaires. Le miel saumâtre de propos rassurants ou la
mise en scène de sa Brigitte sur papier glacé ne convaincront que ceux qui ne
sont pas (encore) affectés par les affres du
néolibéralisme.
Toutefois, à la foudre de
Jupiter pourrait répondre une bourrasque sociale, le faisant chuter de son
Olympe, l’amenant à gérer la conflictualité sociale en s’acharnant à la
réprimer, voire à lui céder. Et si tel est le cas, à n’en pas douter, ces
luttes pourraient vivifier le débat démocratique par en bas, ainsi que les
organisations se réclamant de l’insoumission et de la transformation sociale.
Mais ne nous leurrons pas. Les « aquoibonistes »
et tous ceux qui réprouvent une rupture franche avec le capitalisme
financiarisé sont encore nombreux. La proclamation de la révolution sans
révolutionnaires enracinés, sans « Rousseau
des ruisseaux », sans la transformation des classes populaires en
classes pour soi, n’est que nostalgique incantation.
L’heure est plutôt à
délégitimer cette macronie éphémère afin de faire venir le temps de sa
destitution. A évoquer Podemos en Espagne, Corbyn au Royaume (dés)Uni, Sanders
aux Etats-Unis ainsi que toutes ces déflagrations sociales et politiques en
germe de par le monde, il se pourrait bien que la « roue de l’Histoire » se remette à tourner dans le bons sens.
Le 25.06.2017
(1) soulignés
par les sociologues Braconnier et Dormagen dans La démocratie de l’abstention, folio actuel, 2007