Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mardi 27 juin 2017


Bon été à toutes et tous !

Quelques lectures pour les vacances


La siliconisation du monde.
L’irrésistible expansion du libéralisme numérique.
L’auteur affirme que les nouvelles technologies numériques inculquent une vision du monde et une néfaste industrialisation de la vie. Né au sein de l’appareil militaire et de l’informatique, développé dans les start-up de la Silicon Valley, le techno-libéralisme prétend maintenir la domination du capitalisme financiarisé en accélérant la circulation du capital et des marchandises. Les grands rapaces d’internet, en collectant toutes données, entendent marchandiser tous les instants du quotidien. Cette «race de nouveaux seigneurs et de faux prophètes prétendument visionnaires, produisent un système néo-féodal de castes distinctes» qui accélèrent la prépondérance des 1%. La rhétorique de valorisation de l’individu, isolé mais connecté, induit l’addiction numérique, bafouant l’intégrité et la dignité humaines. Surveillance généralisée, organisation algorithmique de la société, intelligence artificielle, pulsions de connexion, autant de facteurs qui dessaisissent notre pouvoir de décision. Nous serions donc à l’orée d’une civilisation névrotique, de marchandisation inconsciente de tous les instants du quotidien, d’une société transhumaniste. Cette uberisation du monde en germe, sous une «apparence juvénile et dynamique» occulte la précarisation structurelle en œuvre et l’affaissement de l’esprit critique. «La mise sur le marché de nouveaux produits stimulant sans relâche la demande par l’introduction de nouvelles versions d’un même produit», «la furie transhumaniste», les personnalités disloquées saisies de crises d’angoisse, scotchées à leurs écrans, le burn-out, n’en sont que les manifestations les plus visibles. GD
Eric Sadin, éd. L’échappée, 2016, 17€ 


France Côte d’Ivoire : une histoire tronquée
Cette journaliste de terrain fait le récit argumenté de l’histoire récente des relations entre la France et la Côte d’Ivoire, celle d’un nouveau cycle d’interventions militaires en Françafrique, inaugurée par Sarkozy que poursuivra Hollande (Mali, Centrafrique…). La domination coloniale qui s’effrite dès 1993, après la mort d’Houphouët-Boigny, la lutte des clans et la misère sociale débouchant sur des affrontements incontrôlables et la victoire contestée de Gbagbo décidé à ébranler la tutelle française, tout va être mis en œuvre pour le déstabiliser, le délégitimer («parano, sournois… ce nègre»). Les médias occidentaux, l’intervention au nord de seigneurs de guerre armés par le Burkina Faso du dictateur Compaoré, l’instrumentalisation «bienveillante» de l’ONU avec l’assentiment des grandes puissances, la mise en branle de l’armée française pour soi-disant séparer les deux forces en présence, le choix fait par la communauté internationale d’Ouattara, issu du rang du FMI… L’utilisation nationaliste de la notion d’ivoirité par les prédécesseurs de Gbagbo et par lui-même, exacerberont les exactions dans les deux camps. De même, la présence et l’ingérence des militaires français et de la cohorte des «conseillers» politiques et administratifs auront des effets destructeurs. Face à Gbagbo et à ses velléités d’autonomie vis-à-vis de la tutelle de l’impérialisme français, ses complaisances vis-à-vis de la Chine, il s’agit de défendre les intérêts des Bolloré, Bouygues, Véolia, GDF Suez, tout en maintenant avec plus ou moins de succès, les seigneurs de guerre. Le 11 avril 2011, face à la ténacité de Gbagbo, il fallut l’attaque massive de l’armée française pour arrêter celui qui avait «tort de ne pas baisser les yeux devant le maître» et le déférer auprès du tribunal pénal international  afin de justifier «les mensonges débités» par la version officielle. Autrefois, il s’agissait de «civiliser les Africains», aujourd’hui il faut «les protéger contre eux-mêmes», pour maintenir la paix civile. L’ONU est devenue, tout comme ladite justice internationale, un outil politique des grandes puissances. Reste que la Côte d’Ivoire est toujours plus en voie d’éruption avec son économie maffieuse sous dépendance de son parrain, où règne un sentiment d’injustice sociale et politique et dans lequel des dizaines de milliers d’armes sont en libre circulation. A lire pour se défaire des représentations dominantes qui nous sont inculquées. GD
Fanny Pigeaud, éd. Vent d’ailleurs, 2015, 24€


George Orwell, écrivain journaliste anglais (1903-1950), passera sa vie à voyager auprès des faibles, des opprimés, des marginaux et en tirera le sujet de ses romans. Sergent dans la police impériale birmane, il la quittera et écrira Une histoire birmane qu’il résume ainsi : «le fonctionnaire maintient les Birmans à terre pendant que l’homme d’affaires lui fait les poches». Il partagera la vie des mendiants et écrira  Dans la dèche à Paris et à Londres. En 1937, il s’engage dans les milices anarchistes en Catalogne et écrira Hommage à la Catalogne. A la fin de sa vie, il publiera des oeuvres plus générales : La ferme des animaux, le célèbre 1984... JLL et LL

Hommage à la Catalogne
C’est le récit de son engagement dans les milices du POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste) et auprès des anarchistes antistaliniens sur le front de l’Aragon pendant la guerre d’Espagne. Il vivra les journées de mai 1937 à Barcelone (mise au pas du mouvement anarchiste par les communistes staliniens). Quelques extraits pour vous mettre l’eau à la bouche : Orwell arrive à Barcelone en décembre 1936 : «… C’était bien la première fois de ma vie que je me trouvais dans une ville où la classe ouvrière avait pris le dessus… Tout magasin, tout café portait une inscription nous informant de sa collectivisation. Les garçons de café, les vendeurs nous regardaient bien en face et se comportaient en égaux. Les tournures de phrases serviles ou même simplement cérémonieuses avaient pour le moment disparu… et le plus étrange de tout, c’était l’aspect de la foule. A en croire les apparences, dans cette ville, les classes riches n’existaient plus. Presque tout le monde portait des vêtements de prolétaires ou une salopette bleue ou quelque variante des vêtements de la milice. Il y avait là un état de choses qui m’apparut sur le champ comme valant la peine qu’on se battit pour lui. Et surtout il y avait la foi dans la révolution et dans l’avenir, l’impression d’avoir soudain débouché dans une aire d’égalité et de liberté. Des êtres humains cherchaient à se comporter en êtres humains et non plus en simple rouage de la machine capitaliste ». 1938, éd. 10-18, 7.50€

La ferme des animaux
Fable animalière qui décrit la vie d’animaux dans une ferme. Après s’être révoltés contre le propriétaire et l’avoir chassé, ils prennent le pouvoir et s’organisent en autogestion. Après une période idyllique, les animaux vont tomber dans le même travers que les hommes : les cochons vont prendre le pouvoir, asservissant les autres, modifiant le passé pour les manipuler. Un dictateur va émerger, instituer un culte de la personnalité et entraîner la communauté à sa perte. Récit court et amusant visant tous les totalitarismes, surtout le régime soviétique et le stalinisme. 1945, éd. Folio, 6.60€

Le précariat. Les dangers d’une nouvelle classe.
Ce livre essentiel, chaudement recommandé par Noam Chomsky, analyse la montée, partout dans le monde, de l’insécurité économique et de la sourde colère sociale. Le précariat qui touche les classes populaires et moyennes résulte, selon l’auteur, d’au moins trois facteurs. La mondialisation financière du capital, l’essor des pays émergents et tout particulièrement de la Chine, enfin, la marchandisation des entreprises, selon la rapacité des actionnaires. Il s’ensuit un démantèlement du système salarial issu de la période keynésienne-fordiste ainsi que des pans entiers du secteur public pouvant être rentabilisés et donc privatisés. Tout est marchandisable y compris l’éducation. On se dirigerait vers des «sociétés infernales», la mort lente des pensions de retraite. Quant à la jeunesse employable, flexible, elle serait vouée au nomadisme urbain. Intensification du travail d’un côté, précarisation pour le plus grand nombre de l’autre, ces «surnuméraires» pour reprendre une expression de Jacques Rancière. Ce sont les femmes et les migrants qui sont les plus touchés. En outre, ce processus pour se maintenir se doit d’assurer une surveillance panoptique généralisée et enfermer les déviants dans des prisons surpeuplées. Dans ce système, le déclin démocratique s’accompagne de la montée d’un «néofascisme». Pour contrecarrer ces maux délétères, l’essayiste nullement révolutionnaire préconise, pour le moins, l’associationisme par en bas et la reconquête de l’espace public. Tous ceux qui ne sont pas convaincus de la nécessité de leur engagement devraient s’astreindre à la lecture de ce livre, traduit en 19 langues. GD
Guy Standing, éd. L’opportun, 2017, 22€