Editorial – PES n° 39
UE fracturée, son
pilier allemand fissuré
Au-delà du bruit médiatique agitant le
landernau français autour des figures de d’Ormesson et de Johny, illustrations,
certes différentes, d’une génération qui s’éteint, celle de l’après-guerre et
du baby-boom desdites 30 Glorieuses, le monde d’aujourd’hui craque, tout
particulièrement en Europe. L’improbable consensus autour de l’Europe
néolibérale austéritaire connaît, dans ses fondations, des fractures que l’on
peut penser irréparables : son pilier allemand désormais se fissure.
Les élections d’octobre ont permis
l’entrée inattendue de l’extrême droite au Bundestag (94 députés sur 709) et
l’effondrement relatif de la grande coalition SPD/conservateurs. Le SPD avait
fait le choix de s’opposer à Merkel pour tenter de reconquérir un électorat
populaire désabusé. Mal lui en prit. Quant à Mutty Merkel, affaiblie, elle qui
croyait encore se maintenir dans une nouvelle coalition avec les Verts et les
Libéraux eurosceptiques, a depuis, déchanté. Alors, gouvernement minoritaire ou
de nouveau avec le SPD en perdition ? Toutes les tractations en cours
révèlent les divisions des castes régnantes, leur désarroi idéologique, leur
incapacité à rétablir un nouveau consensus : la CSU bavaroise entonne les
propos xénophobes de l’AFD, les Verts, effondrés, sont effarés par le choix du
charbon d’abord et Schulz se renierait (prêt à se rallier ?), tout en
entonnant le chant fédéraliste macronien. Rien ne va plus ! Le score belge
d’un pays sans gouvernement sera-t-il battu ? De nouvelles élections, au
risque d’une possible aggravation de la crise politique avec la montée des
extrêmes libéraux et des xénophobes ?
Cette fin de l’ère Merkel exprime,
dans la confusion idéologique, le rejet des politiques d’austérité, de
paupérisation, de déshérence des services publics sur fond de montée de
xénophobie. Mais il y a peut-être pire, la possible absorption des banques
allemandes (Commerz Bank et Deutsche Bank), ces 2 éclopées de la crise de
2007-2008. Quant à la BCE, désolée, face à l’impuissance de sa politique de
stimulation par le crédit, sans effet sur l’économie réelle, elle s’inquiète.
L’abondance du capital fictif (les fameuses « liquidités ») pourrait
bien provoquer une nouvelle crise financière.
Faute de leadership, l’UE est aux abois,
enferrée qu’elle est dans le Brexit, la fragilité du gouvernement anglais
confronté aux velléités de l’Ecosse, voire de la City de Londres, de rester
dans le marché européen. Et c’est sans compter avec les rebondissements en
Catalogne, en Autriche où le nouveau chancelier s’apprête à gouverner avec
l’extrême-droite raciste.
A l’Est, que ce soit avec la Hongrie
nationaliste et anti-immigrés, la Pologne réactionnaire et liberticide… les
contradictions s’accumulent. Et comme si de rien n’était, l’Euro-groupe, cette caste des ministres des
finances, s’apprête à désigner son nouveau président. Lui qui a étranglé la
Grèce dans la plus grande opacité, lui qui n’a de comptes à rendre à personne, lui
qui prône avec la Commission la poursuite de la fuite en avant (accords de
libre-échange tous azimuts, Canada, Mercosur, Vietnam…) et les coupes sombres
dans le budget étriqué de l’UE : 10 à 20% de moins pour le fonds de
cohésion et pour la Politique Agricole Commune.
Bref, la maison européenne, tant
vantée, est mal en point. Et ce n’est pas l’énergumène Trump, le durcissement
possible des conflits en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique qui vont la
consolider. Pour le malheur des peuples, inconscients ou sidérés, les
politiques guerrières semblent avoir de l’avenir.
GD le 6.12.2017