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lundi 11 décembre 2017

Sus au logement social !

Suite à l’annonce de la baisse, pour les locataires, de 5€ par mois de l’Aide Personnalisée au Logement (APL), Macron a aussitôt décrété, pour prévenir la colère des 6,5 millions de ménages qui la perçoivent, l’obligation pour les bailleurs sociaux de baisser leurs loyers de 60€/mois. Face à la fronde de ces derniers, il a concédé à étaler cette mesure sur 3 ans. Que révèle ces décisions ? Le début de la fin de la politique du logement social ? Une première mesure anti-pauvres qui en annonce d’autres ? Un moyen pour faire d’une pierre deux coups : « soulager » les dépenses sociales du budget de l’Etat et « privatiser » le logement social ?

Le « mieux loger social » n’est plus

Au sortir de la 2ème guerre mondiale, la France se trouve face à une pénurie de logements, dénoncée notamment par l’abbé Pierre et son appel en faveur des « couche-dehors » de l’hiver 1954. L’Etat décide, alors, d’engager une politique publique de construction de logements sociaux, par un interventionnisme keynésien fort, au moyen des aides à la pierre versées aux constructeurs. Dans le même temps, en 1950, le mouvement HLM (Habitation à loyer modéré) remplace la Société Française des HBM (Habitation Bon Marché) créée par le patronat en 1889 dans les cités ouvrières (notamment à Mulhouse, le Creusot, Roubaix). La politique de logement social s’adresse aux familles modestes qui accèdent à des logements confortables dans les grands ensembles à la périphérie des villes. Au rythme de plus de 550 000 par an, ce sont en 20 ans (jusqu’au début des années 1970) plusieurs millions de logements qui sont construits. On est passé de 12 millions de logements en 1946 à 21 millions en 1975.

Outre les financements de l’Etat et des collectivités territoriales, la Caisse des Dépôts et Consignations a  une place centrale dans le financement au moyen de prêts préférentiels aux promoteurs publics et privés s’abreuvant aux livrets d’épargne populaire et notamment le livret A (cf encart 0). Rien qu’en 2016, La Caisse des Dépôts a prêté 14 milliards d’euros aux bailleurs sociaux, ce qui a permis de construire 109 000 logements et d’en réhabiliter 311 000, soit en moyenne 1 logement sur 3 construit. Quand l‘Etat ne donne plus priorité à l’épargne populaire en la rémunérant moins (baisse du taux du livret A), c’est autant de moyens qu’il retire au financement potentiel du logement social.

Autre source de financement du logement social : le 1% logement. En 1953, l’Etat interventionniste oblige les employeurs (d’au moins 10 salariés) à participer à l’effort de construction sur la base de 1% de leur masse salariale, en investissement direct ou en cotisations versées aux comités interprofessionnels du logement (CIL). Ces cotisations permettent l’investissement pour la réservation de logements ou le financement de prêts. Depuis 1998, les gouvernements successifs ont pioché allègrement dans cette importante ressource (pour donner un ordre de grandeur : en 2016, cela a représenté  3.4 milliards d’euros).

A partir du milieu des années 70, l’Etat, considérant que les retards quantitatifs en logements ont été rattrapés, opère un basculement politique visant à favoriser l’investissement privé et multipliant les prêts à bas taux et autres mesures fiscales. Il met en place un système d’intervention de l’Etat plus libéral :
-        les politiques de logement favorisent l’aide à la personne (création de l’Aide Personnalisée au Logement APL en 1977 – R. Barre)
-        en 2005, le 1% logement devient le 0.45% logement, le seuil d’assujettissement des employeurs passe de 10 à 20 salariés. L’Etat décide de reprendre en main la gestion de ce fonds qui se nomme désormais Action Logement.
-        L’aide à la pierre devient marginale et depuis la fin des années 90 se décline principalement en aides fiscales pour inciter les investisseurs privés, via l’Agence nationale pour l’habitat, le prêt à taux zéro et des dispositifs de défiscalisation (Robien 2003, Scellier 2008, Duflot 2014, Pinel 2015) qui sont autant de « manques à gagner » dans le budget national.

Ce faisant, l’Etat diminue d’autant les moyens de la politique publique de logement social et donne priorité à l’accession à la propriété et à la construction d’habitat pavillonnaire. Les grands ensembles, devenus « quartiers défavorisés » ou « quartiers sensibles » font l’objet de rénovation (inachevée), dans le cadre des politiques de la ville dont les crédits d’Etat sont, aujourd’hui, exsangues.

L’Etat ne pourrait plus financer le logement social, affirment les gouvernements successifs, alors qu’au budget, cela représente environ 50 millions par an, soit 2% du PIB ! Macron, pour ne pas démentir les promesses qu’il a  faites, à savoir, augmenter les crédits liés au logement social, va plonger dans la tirelire d’Action Logement, sans débourser un sou de l’Etat. Un accord a été conclu le 21 novembre dernier, entre le président d’Action Logement et le ministre Mezard : jusqu’en 2023, Action Logement versera 3 milliards d’euros par an pour la politique de l’Etat. Un record en montant et une première : ces fonds seront utilisés pour aider le parc privé ! A partir de 2018, 100 millions iront chaque année aux bailleurs privés pour rénover leurs logements mal isolés ! Action Logement alimentera à hauteur de 50 millions par an le FNAP, fonds national des aides à la pierre, pour construire des logements très sociaux et financera 40 000 logements pour les jeunes. Enfin, pour doubler les crédits de la politique de la Ville, Action Logement apportera outre les 5 milliards d’euros déjà promis, 2 milliards de plus sur le nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU) jusqu’en 2031.

Le tournant libéral, en matière de politique du logement social, se produit au moment où la croissance économique est de 2.9% par an ; les gouvernants, tous convertis en « évangélistes du marché », sont convaincus que la hausse continue du pouvoir d’achat des ménages permettra que l’APL ne soit plus nécessaire, sinon aux familles les plus pauvres. Mais, cette espérance dans la croissance continue s’écroule et les « éligibles » à l’APL ne cessent de croître. La Cour des Comptes note qu’entre 1980 et 1993, les aides à la pierre ont baissé d’un tiers alors que les aides à la personne ont été multipliées par 3,6. En 2017, plus de 6,5 millions de ménages touchent l’APL pour un montant mensuel moyen de 300 euros. 

Macron, « digne » héritier des croyants en Dieu Croissance, sonne alors le temps des mesures antisociales.    

 En marche, à reculons !

Faire baisser les dépenses publiques de l’Etat, tel est l’objectif de la Loi de Finances pour 2018. Son article 52 stipule la baisse de l’APL de 5€/mois et l’obligation faite aux bailleurs sociaux de baisser leurs loyers de 60€/mois.
5€/mois d’APL en moins, c’est 400 millions € d’économie sur 18 à 20  milliards, coût global des APL.
400 millions d’euros pour 6.5 millions de locataires = le montant de la ristourne accordée aux 1 000 plus gros contributeurs de l’ISF ! (1)

Cette première mesure anti pauvres de baisse de l’APL satisfait tous les libéraux, des ultra-libéraux aux socio-libéraux, ceux qui dénoncent le caractère inflationniste de l’APL. Selon eux, l’APL est cause de l’augmentation des loyers et ils font porter la responsabilité sur les seuls locataires. Cette affirmation antisociale doit être combattue. En effet, si les loyers augmentent c’est parce qu’il n’y a pas assez d’offres (et des propriétaires peu scrupuleux ont vu dans l’APL, une aubaine), les chiffres relatant le mal-logement sont, d’ailleurs, éloquents (cf encart 1). Et si l’APL augmente c’est que les revenus des ménages n’ont pas augmenté.

Alors, pour éviter la levée de boucliers des ménages percevant l’APL, Macron compense avec l’argent des autres, celui des bailleurs sociaux, ceux qui sont soumis à l’encadrement des loyers : ils devront baisser de 60€ par mois leurs loyers. Cela représente environ 1.7 milliard d’euros.

Cette politique du « je prends à l’un pour donner à l’autre » semble non seulement inutile mais dangereuse. Elle ouvre la porte au démembrement de cette aide sociale permettant d’exercer un droit fondamental, le droit au logement. C’est un pas de plus en marche arrière effaçant l’Etat social chargé de répondre aux besoins en logements sociaux par l’intermédiaire des bailleurs sociaux, constructeurs et gestionnaires publics et privés (sans but lucratif). Leur disparition se profilerait-elle ? En tout cas, plus de 200 organismes ont déjà déclaré qu’ils ne pourraient survivre financièrement. En touchant à leurs recettes, on réduit leurs possibilités d’emprunt, donc d’investissement, ont-ils dénoncé. A quoi le gouvernement répond : vendez votre patrimoine ou fusionnez, estimant que 750 organismes c’est trop ! 2 ou 3 grands groupes, ce serait suffisant ! D’ailleurs, tout est déjà prévu dans l’accord du 21 novembre avec Action Logement : ce dernier va créer une filiale pour acheter des immeubles aux bailleurs sociaux et les revendre aux locataires, soit 40 000 logements contre à peine 8 000 actuellement, pour dégager des fonds et en construire de nouveaux… 2 ou 3 grands groupes pour récupérer un énorme patrimoine et ensuite ? « Ouvrir le capital », c’est-à-dire privatiser le logement social ?

Une autre objection a été avancée : cette incitation à vendre les logements contredit la loi SRU (relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbain) de janvier 2013 ; celle-ci a imposé un quota de 25% de logements sociaux aux communes de plus de 1 500 habitants en Ile-de-France et de plus de 3 500 habitants pour les autres communes (situées dans une agglomération de plus de 50 000 h. comprenant au moins 1 commune de 15 000 h.) La parade est prévue, Macron annonce que la loi SRU sera modifiée pour permettre que, dans les 10 ans à venir, ces appartements vendus soient toujours comptabilisés dans le parc social. Ce qui est certain, c’est que les 233 communes en infraction avec la loi (sur 1 152 assujetties à la loi SRU) n’ont guère de souci à se faire puisque le gouvernement envisage de l’assouplir ; sans doute est-ce la raison pour laquelle « les préfets n’ont pas eu, cette année, la main lourde pour appliquer les pénalités prévues (152€/logement non construit) et encore moins pour utiliser la possibilité de multiplier par 5 le montant des amendes aux villes faisant preuve de mauvaise volonté en matière de logements sociaux».  C’est clair, le logement social n’est pas la priorité de Macron. 

Les conséquences de cette politique sont lourdes en matière d’égalité et de cohésion sociale. En effet, les organismes qui vendront, pour en tirer un bon prix, soit cèderont leurs meilleurs logements, aboutissant à la gentrification des derniers quartiers mixtes de centre-ville, les personnes plus aisées s’appropriant un espace occupé préalablement par des usagers moins favorisés. Soit ils se débarrasseront des moins bons à prix cassé, générant des propriétés dégradées ! Resteront aux pauvres, les pauvres logements qui ne pourront être rénovés, faute de moyens des organismes gestionnaires qui ont déjà prévenu : ils ne pourront plus réaliser les travaux d’entretien, encore moins les travaux de réhabilitation thermique. Au diable les objectifs de la COP 21 !

Signalons, aussi, que sont soumis à la baisse obligatoire des loyers les bailleurs sociaux publics et privés (gestionnaires à but non lucratif), ceux dont les loyers sont encadrés, mais pas les bailleurs privés même s’ils louent à des familles bénéficiaires de l’APL !  Inutile de vous dire que Macron n’a prévu aucune mesure pour geler les loyers privés !

Accélérateur d’inégalités, l’antisocial Macron pénalise en même temps les organismes sociaux qui logent les plus pauvres. Par souci d’équilibre financier, ceux-ci seront tentés de « trier » leurs locataires, ce qui va défavoriser les plus modestes car, avec cette mesure, plus les locataires touchant l’APL seront nombreux, plus le bailleur social perdra de l’argent.

L’Union Sociale de l’Habitat (encart 2) s’est mise en colère. Pour la calmer, Macron a avancé, le 3 novembre, quelques mesures : étalement du la baisse des loyers sur 3 ans,  accords avec la Caisse des Dépôts pour alléger la dette des organismes HLM en allongeant la durée des prêts et en stabilisant le taux du livret A. Mesures incertaines et à terme non assurées et non immédiates. A l’inverse, il a annoncé un taux de TVA de 10% au lieu de 5.5% (taux de TVA réduit depuis le 1/1/2014), mesure de compensation du renchérissement de la construction lié à l’augmentation de TVA.

Seuls survivront ceux qui sont forts et qui s’uniront, tant pis pour des organismes constructeurs et gestionnaires répartis par territoire, mettant en œuvre des politiques locales de logements concertées, en fonction des besoins. Avec Macron : mort aux pauvres !

Que faire ?

Informer sur la mise en péril du logement social : cet article 52 n’est pas une mesure d’ordre technique ou comptable, elle est hautement politique. Il s’agit bien d’une attaque idéologique contre le logement social. Dans l’immédiat, Le Collectif Vive l’APL, représentant 70 organisations, a exigé le retrait de l’article 52 de la Loi de Finances. Il organise une manifestation le 9 décembre prochain et appelle à  taxer les riches, pas les locataires et à augmenter le pouvoir d’achat.

Les mouvements politiques et sociaux, militant pour une transformation sociale radicale, ont à défendre et à promouvoir une politique de logement répondant aux besoins, en écho à la fondation Abbé Pierre qui avance le projet « d’une sécurité sociale du logement » impliquant fortement les pouvoirs publics. Cela passe notamment par la construction de 150 000 logements « vraiment » sociaux par an en respectant les règles d’attributions prioritaires ; les personnes les plus mal logées, privées de domicile personnel, obligées de recourir aux différentes solutions d’urgence doivent pouvoir en bénéficier. Le deuxième axe est la régulation des marchés de l’immobilier à l’achat comme à la location, avec encadrement des loyers (il faut signaler qu’en France, le marché immobilier est le plus élevé des pays occidentaux). Il s’agit enfin de construire des logements confortables, à régulation thermique, évitant les gouffres financiers en énergie pour les familles y habitant.

Dans l’immédiat, la mesure urgente serait la décision de réquisition des logements vacants pour loger les sans-abri, qu’ils soient français ou étrangers. Utopie ? Non ! Volonté politique. Réponse sociale à besoins humains urgents.

Le président du Samusocial de Paris alertait, le 19 octobre dernier : chaque nuit à Paris, 500 enfants dorment dans la rue, trouvent refuge dans les services d’urgences d’hôpitaux ou, pour les plus chanceux, chez des tiers. Que les familles soient françaises ou migrantes, l’exigence est la même : les familles doivent pouvoir vivre dignement. 5 enfants naissent chaque jour dans une famille hébergée par le Samu social de Paris et 12 000 enfants vivent reclus avec leurs parents dans une chambre d’hôtel. Notre devoir est d’agir pour leur construire un avenir ». 

Odile Mangeot, le 4 décembre 2017  

(1)   Politis du 26.10.2017 
Autres sources :
Le Monde Diplomatique novembre 2017,  Une torpille contre l’habitat social 
L’état du mal-logement en France - Rapport 2017 – Fondation Abbé Pierre



Encart 0
La Caisse des Dépôts et Consignations (CDC)
(institution financière publique, créée en 1816)

Le modèle de transformation de l’épargne du grand public vers des besoins d’intérêt général est très réglementé et « centralisé » : les banques ont obligation de remonter, en moyenne, 59% des sommes déposées sur ces livrets (livret A, livret de développement durable et solidaire, livret d’épargne populaire) à la Caisse des Dépôts. Elles peuvent conserver le solde ou choisir de le transférer également. Fin 2016, l’encours de l’épargne réglementée était de 406 milliards €. La CDC en a centralisé 237 milliards. Sur ce montant, 156 milliards ont été investis dans la politique de la Ville et le logement social.


Encart 1
Le mal logement
Selon le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre, en France, la politique publique de logement ne répond pas à la demande :
-        4 millions de mal logés
-        2 millions en attente d’un logement social
-        12 millions de fragilisés par les difficultés liées à l’habitat
-        571 bidonvilles où les gens passent en moyenne 7 ans avant d’avoir un toit !
-        16 000 personnes dont 36% de mineurs sont à la rue
 Le taux d’effort des ménages pour leur logement :
-        30% dans le parc privé
-        24% dans les logements sociaux.


Encart 2
Bailleurs sociaux. Qui sont-ils ?

En France, on compte 755 organismes HLM, répartis en trois grandes familles :
-        275 offices publics de l’habitat
-        278 entreprises sociales pour l’habitat, de droit privé mais à but non lucratif
-        168 coopératives spécialisées dans l’accession sociale et l’accompagnement des acquéreurs.

Rassemblés dans  l’USH – Union Sociale de l’Habitat – ils représentent :
-        4.3 millions de logements sociaux
-        11 millions de locataires
-        Environ 20 milliards collectés en loyers par an

Macron l’a dit. Collomb le fait


« Eloignements », « transferts », « rétentions » des étrangers : c’est la politique migratoire de l’Etat. Collomb, ministre de l’Intérieur, dans sa circulaire du 20 novembre, exige du résultat. Garde-à-vous ! Préfets et préfètes sont chaque mardi en visioconférences avec son cabinet - ça encourage ! Peu importe s’ils renvoient ces déboutés, sans-papiers, « dublinés » (pour ces derniers, avant même d’avoir pu demander l’asile !) dans un camp de rétention, en prison ou à la mort dans leur pays ! Préfets et fonctionnaires de tous poils obéissent, assignent à résidence, privent de liberté, expulsent… Triste époque qui nous en rappelle une autre… La résistance s’organise. Des collectifs naissent partout en France et, petite lueur d’espoir, un « Collectif article 15 », des élèves des dernières promotions de l’ENA, a publié une lettre au ministre et aux préfets les interpelant sur les « atteintes à l’Etat de droit ou les traitements inhumains et dégradants » dont sont victimes les migrants. Ils posent la question : « Quelles sont les mesures que vous envisagez de prendre afin d’y mettre fin et de nous rendre la dignité attachée à l’exercice de nos fonctions ? ». Ne restons pas silencieux ! Réagissons ! (voir la rubrique Ils, elles luttent et la dernière page).