Catalogne. Rappel de la situation et
résultats
Après le référendum du 1er octobre
2017 et de la déclaration d’indépendance du 27 octobre, le gouvernement
espagnol a dissous le Parlement catalan, emprisonné les organisateurs, mis la
région sous tutelle et convoqué des élections en Catalogne le 21 décembre afin
d’élire un nouveau parlement. Madrid pensait qu’assez naturellement les Catalans
indécis se détourneraient des partis indépendantistes, les jugeant responsables
du désordre institutionnel régnant dans la région.
Le gouvernement central orchestra une
campagne de peurs et de désinformations en Catalogne : annonce de la fuite
des banques avec impossibilité de retrait d’argent, départs imminents de
nombreuses entreprises, campagne de boycott de produits catalans dans le reste
du pays...
L’Union Européenne participa
activement à ces pressions en annonçant que seul le gouvernement central était
son interlocuteur et que jamais il ne reconnaîtrait la Catalogne indépendante.
Dans l’esprit du 1er ministre, l’élection d’un nouveau parlement
unioniste allait remettre la Catalogne sur le droit chemin. Et…
CATASTROPHE
pour Rajoy ! Les Catalans réélisent le 21 décembre un
parlement à majorité indépendantiste
HUMILIATION pour
son parti !
Le Parti Populaire (PP) recueille seulement 4% des voix et 3 élus. La CUP a
obtenu 4 sièges, la coalition indépendantiste 66, assurant au camp de l’indépendance la
majorité absolue (soit 68 sièges) avec 47,6 % des suffrages exprimés.
Après ces résultats, j’ai contacté mes
amis catalans (indépendantistes) pour connaitre leurs impressions. Certains
m’ont dit « c’est un bon résultat,
nous gardons la majorité au parlement, le PP est laminé, la marche vers
l’Indépendance continue », d’autres m’ont dit « c’est un mauvais résultat car Ciudadanos, parti unioniste de
droite ultra libérale, devient le 1er parti de Catalogne (36 sièges)
et le mouvement indépendantiste n’obtient pas la majorité des voix » ;
d’autres encore m’ont dit « Ce
n’est ni une victoire ni une défaite : tout va dépendre de l’attitude du
gouvernement central ».
Ce
scrutin n’a donc pas beaucoup modifié les rapports de force entre les
partis. Cependant les grands perdants sont M. Rajoy et le PP, ainsi que la CUP
qui passe de 10 à 4 élus mais demeure cependant une force d’appoint nécessaire
aux indépendantistes. La branche catalane de Podemos (unioniste) obtient un
résultat très loin de leur attente (8 élus), eux qui pensaient que leurs
positions (référendum légal dans toute l’Espagne…) attireraient vers eux les
progressistes catalans modérés. L’attitude d’Ada Colau, leur leader, qui a condamné le référendum mais y a participé en
votant blanc, a pu dérouter certains électeurs.
Les
vainqueurs de ce scrutin sont Ciudadanos (36 élus) et le clan indépendantiste qui, malgré les menaces de Madrid,
l’emprisonnement de ses dirigeants,
l’exil de C.Puigedemont, a conservé la majorité absolue.
Ce scrutin a montré que la volonté
d’indépendance n’est pas une lubie passagère chez un certain nombre de Catalans
mais une volonté profondément ancrée chez la moitié d’entre eux. Ceux qui
pensent que tout va dépendre de l’attitude du gouvernement central ont déjà eu
quelques signaux : refus de la mise en liberté des élus emprisonnés, nouvelle
poursuite à l’encontre de 6 anciens membres du Parlement dont la porte-parole
de la CUP, Anna Gabriel.
Pour pleinement profiter du burlesque
de cette situation, il faut apporter quelques précisions concernant le PP et la
CUP. Concernant le PP, si vous regardez les documentaires d’Arte « l’Espagne au
bord de la crise de nerfs », vous pourrez entendre E. Silva, ancien juge
d’instruction espagnol a déclaré « le
parti populaire entretient la corruption, ce que le travail des juges montre
c’est que la corruption du PP n’est pas
occasionnelle, elle est systématique et touche pratiquement tous les
partis, à tel point qu’on peut le considérer comme une organisation criminelle.
C’est le parti le plus corrompu d’Europe avec 900 plaintes contre lui…900,
c’est terrible … ». On peut également comprendre que le parti populaire
s’est toujours refusé à condamner le coup d’Etat militaire de 1936 et n’a
jamais déclaré illégitime la dictature de Franco. En ce qui concerne la CUP, ils
ont des pratiques qui peuvent choquer beaucoup de membres du PP, par exemple
Anna Gabriel députée porte-parole au parlement catalan touche un salaire de
5800 euros mais n’en garde pour elle que 1400 euros car le code éthique de la
CUP limite le salaire de ses élus à ce chiffre (salaire médian en Espagne).
La
répression n’a pas fait éclater la coalition indépendantiste puisque
ceux-ci se sont accordés pour présenter à nouveau la candidature de C.
Puigdemont à la présidence de la Région. Le nouveau parlement catalan doit se
réunir le 18 janvier 2017 avec C.Puigdemont en Belgique, O. Jonquera son ancien
1° ministre en prison, Anna Gabriel, leader de la CUP mise en examen et la
région toujours sous tutelle. 1ère session qui se présente de façon
plutôt chaotique et dont l’issue parait imprévisible.
JL Lamboley, le 19.01.2018