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vendredi 31 août 2018


Que révèle la barbouzerie de l’Elysée ?

Il ne s’agit pas ci-après de revisiter tous les méandres de « l’affaire Benalla » mais plutôt d’éclairer les angles morts de cette guignolesque péripétie. On peut pour le moins en tirer 4 leçons.
Le pouvoir prétend ne tolérer aucune manifestation qui ne serait au préalable encadrée et se prépare à l’utilisation de rafles et de violences policières pouvant échapper à tout contrôle. Deuxièmement, le césarisme macronien, outre la com dégoulinante en faveur de son héros, tente d’instituer une police parallèle tout en se heurtant à d’autres corps de l’Etat. Troisièmement, l’élite au pouvoir, derrière son chef, a (avait ?) pour objectif de réduire à la portion congrue les partis parlementaristes et les déposséder du peu de pouvoir qui leur reste dans le cadre de la Constitution de la 5ème République. Enfin, le grand déballage benalliste, qui n’est pas terminé, complique la tâche de cette fraction dominante du Capital que représente Macron, vis-à-vis des ailes plus libérales (au sens états-unien) qui, pour la défense de leurs propres intérêts, y compris électoraux, souhaitent préserver une façade démocratique décente, à défaut d’être « exemplaire ».
Pour traiter du premier point, il faut revenir sur les circonstances de la répression du 1er mai, à la Contrescarpe et au jardin des Plantes.

Ampleur et dérives de la répression lors du 1er mai

En dehors de la manifestation autorisée, cadrée, du 1er mai, un appel lancé sur les réseaux sociaux invite à se rassembler à la Contrescarpe à Paris pour un « apéro géant ». Cette initiative est relayée par les Insoumis et des groupes dits d’extrême gauche. Cette volonté d’échapper au cadre corporatiste syndical, le pouvoir ne peut l’admettre, au risque de voir revenir sur la scène publique l’évènement Nuit debout.

Vers 20 H, plusieurs dizaines de personnes se rassemblent à la Contrescarpe, d’autres sont présentes au jardin des Plantes et, face à eux, une armada de CRS. Brusquement, ce rassemblement « bon enfant », selon les journalistes, est chargé par les pandores et les rafles commencent. C’est dans ce cadre que Benalla et son compère Crase, prêtent main forte, jouent de la castagne avec entrain… et interpellent un couple qui osait protester. Ces deux prétendus « hystériques », aux dires du barbouze en chef, jettent une bouteille et font un bras d’honneur. Cette péripétie, qu’au demeurant le procureur reconnaîtra, bien plus tard, qu’elle n’a « pas provoqué de violences contre les CRS », occulte la réalité suivante bien plus significative : 283 personnes arrêtées, 109 placées en garde à vue, 15 déférées en comparution immédiate et 44 interpelées, relâchées aussi vite… dont le couple agressé par Benalla et son compère ( !). Il s’agit là d’une véritable rafle, de fichage et d’intimidation en vue… d’utilisations ultérieures, dûment préparées.

Si l’on met ces faits en relation avec l’enquête de la CNIL (1) qui dénonce l’ampleur de la surveillance par « l’usage immodéré des caméras », on est fixé : à Paris, 2 739 caméras sur voie publique, 3 340 dans les centres commerciaux, gares, musées, métro. Cette intrusion massive dans la vie privée fait, qui plus est, l’objet d’un archivage clandestin. Les vidéos sont conservées illégalement au-delà de 30 jours et ce, en l’absence de réquisition judiciaire. Non seulement, la Préfecture de Police de Paris ignore la loi mais, comme pour s’en excuser, déclare qu’il s’agit d’une pratique qui concerne toutes les directions de la préfecture. Bref, tous les abus de droit doivent être couverts, comme doivent être étouffées les violences des sbires de la chefferie macronienne.

La chefferie élyséenne et ses barbouzes

L’ambitieux Macron, l’ex-banquier de chez Rothschild introduit par Attali, qui a surgi lors de l’effondrement du parti socialiste et de la décrépitude affairiste de la droite empêtrée dans l’affaire Fillon, ne dispose que d’une garde rapprochée. Son nouveau parti en marche n’a en effet ni assise territoriale, ni racine idéologique. Au « 1er de cordée », il fallait, par conséquent, une Task Force pour faire valoir la « verticalité » de son pouvoir.

Au sommet de l’Etat élyséen, un petit cercle d’inconditionnels, composé de technos dévoués, est sous la houlette de Kohler, secrétaire général de la présidence ; ce « 2ème cerveau de Macron » possède, à sa main, ses « mormons » (ils se désignent ainsi), mais également une cohorte de communicants et de gardes-chiourmes pour ses basses œuvres. Pas moins de 50  conseillers com d’une part, pour leurrer « en même temps » le populo sur l’austérité et sur l’apparence de social tronqué, et d’autre part, des gros bras recrutés pendant la campagne présidentielle.  

Benalla (et d’autres) intime du Président et de sa Brigitte, ce personnage trouble issu d’un sous-prolétariat (2), adepte de la baston, n’a cessé d’accompagner son chef qui, du Touquet au Louvre lors de l’intronisation de Zeus, puis après le 1er mai alors qu’il était soi-disant mis à pied, au Panthéon le 1er juillet, au défilé du 14 juillet, puis, lors du retour en fanfare des footeux pour leur intimer l’ordre reçu directement de Macron, d’aller parader médiatiquement devant le grand chef. Cette mascarade sur l’Olympe jupitérienne a tourné court. Après l’ivresse de l’altitude vint la profondeur des turpitudes macroniennes : révélations du Monde le 18 juillet, suite à la diffusion de la Benalla-baston, le 19 juillet ouverture d’une enquête « pour violences, usurpation de fonction et de signes réservés à l’autorité publique » puis placement en garde à vue avant mise en examen le 22 juillet. Sans cette intervention de la presse, « la grosse bêtise » serait restée étouffée, tout comme les armes dont il disposait.

En outre, la transmission au mis en cause, pour… mieux se défendre, de la vidéo dont disposait la préfecture de police, et la décision qu’il a bien fallu prendre, à savoir la suspension de 3 hauts fonctionnaires préfectoraux qui s’étaient prêtés à la manoeuvre, révèlent tout autre chose : leur servilité vis-à-vis du pouvoir en place, et, en même temps ( !) les rapports de pouvoir conflictuels au sein de l’appareil répressif de l’Etat. Qui donc doit avoir la prééminence, la police dépendante du ministère de l’Intérieur, la gendarmerie ou la milice en formation près du Président ? L’affaire n’est pas nouvelle (cf encart 1), encore moins le « copinage malsain », tout comme la guerre des polices au sommet de l’Etat et l’opacité des conflits de pouvoir. En effet, le Groupe de Sécurité de la Présidence de la République (GSPR) est composé de 80 policiers et gendarmes issus des ministères de l’Intérieur et des armées. Et, bien qu’ils soient en dehors de tout contrôle, les conflits de prééminence sont fréquents. Une réflexion était engagée à laquelle participait le gorille Benalla qui, nommé lieutenant-colonel, disposant d’un appartement de fonction et plus de 8 000€/mois, était pressenti pour prendre la tête de cette garde prétorienne « rationnalisée ». En fait, il s’agit, outre de réduire les pouvoirs de la préfecture de Paris, cet « Etat dans l’Etat », d’éviter les fuites organisées par le syndicat de police. L’éviction de ce corps d’Etat au profit de militaires habitués à la fermer, devait colmater en toute opacité ces brèches mal venues. FO Police ne s’y est pas trompé lors des révélations de l’affaire, en dénonçant la « milice privée » en formation, sur la voie publique.

Ce nid de barbouzes, découvert, a fait déraper Jupiter : « Benalla n’est pas mon amant » même si je lui adressais des « notes confidentielles », « le responsable, c’est moi », « qu’ils viennent me chercher » ces « journalistes qui racontent n’importe quoi ». Ce qui est sûr, c’est que ce montage de police parallèle est pour l’heure compromis, tout comme la tambouille constitutionnelle qui est en passe de provoquer des indigestions parlementaristes.

Le projet de verticalité du pouvoir mis à mal

Le chambard des révélations successives, les mensonges, omissions, contradictions des protagonistes de l’affaire Benalla, les protestations ampoulées des commissions d’enquête parlementaires, leurs relais médiatiques, ont revigoré les oppositions parlementaires et repoussé, voire compromis en partie… la réforme constitutionnelle de l’illuminé de l’Elysée (3). Certes, la tambouille des modifications à introduire dans le régime de la 5ème République, pas encore suffisamment bonapartiste au goût de Macron, portait sur des aspects qui avaient le goût du public. En même temps en effet, en s’appuyant sur l’antiparlementarisme ambiant, il s’agissait de s’assurer une popularité à bon compte. Trop d’élus qui coûtent trop cher et, tout à trac, de supprimer la Cour de Justice de la République qui les protège et, dans la même élan, d’introduire la spécificité de la Corse, de modifier le peu de pouvoir dont dispose le Conseil Economique et Social ainsi que le Conseil Supérieur de la Magistrature., le tout assorti d’une pincée de proportionnelle.

Pour réduire la minorité des voix discordantes, quoi de mieux que de supprimer le nombre de parlementaires, quitte à les affronter devant l’opinion publique ? Et l’on pouvait, entretemps, par la séduction pouvoir compter sur la veulerie d’un certain nombre de sénateurs, voire de députés d’opposition, prêts à changer de camp. Patatras ! Vint l’affaire Benalla démontrant les turpitudes autoritaristes peu reluisantes du « nouveau monde ». Face à la caste dominante derrière Macron, qui est persuadée que l’alternance ne fonctionne plus, les alliés et opposants  incrédules faisant fi de leurs divisions revêtirent l’habit de la défense intransigeante de la façade parlementariste du régime présidentialiste. Peut-on recourir à une loi organique sans passer par la réunion du Congrès qui nécessite l’impossible majorité des deux Chambres  et prendre le risque d’un désaveu constitutionnel ? Celui de bafouer l’article 61 de la Constitution qui donne pouvoir aux parlementaires (60 députés et 60 sénateurs) de déposer un recours devant le Conseil Constitutionnel ?

Le coup de force est-il possible à l’approche des Européennes ? Tel est le dilemme provoqué par la bronca Benalla. Bon ! S’asseoir à l’aise sur les lois est de pratique courante : l’article 40 du Code de Procédure Pénale qui enjoint tout fonctionnaire de dénoncer tout crime ou délit, sans délai, auprès du Procureur de la République, ne serait, pour les proches du Prince qu’une procédure superfétatoire, propre à la « rigidité (intolérable) du droit ». De même pour les casseroles délictueuses qui s’accumulent pour les Kohler, Nyssen, Pennicaud après les Ferrand et autres bien en cours. La démagogie sur l’exemplarité rencontre ses limites. Et Macron de s’en émouvoir, sa com ne suffit plus « la presse s’est substituée à la justice » (sic), « le pouvoir médiatique veut devenir un pouvoir judiciaire ? ». Diantre ! En Macronie, les belles images sur papier glacé sont froissées. Certes, l’histoire de l’effritement du pouvoir macronien reste à écrire mais les retombées grandguignolesques de l’affaire Benalla se poursuivent et ne sont pas du meilleur effet.

« C’est arrivé demain. Attendez-vous à savoir »  (4)

La perquisition et ses suites dans l’appartement de Benalla valent d’être contées : les flics n’ont, dans un premier temps, pu y procéder. Ils n’en possédaient pas les clés et Benalla non plus ( !). Ils sont revenus le lendemain pour constater… qu’entretemps, une armoire forte avait disparu, celle où le gorille avait déposé ses armes. Dissimulation de preuves ? Nenni, le scotch symbolisant les scellés n’avait pas été brisé. L’amateur de castagne d’affirmer qu’il avait confié les clés à un(e) ami(e), la poulaille omettant de lui en demander l’identité et l’adresse… L’affaire suit son cours : aux dernières nouvelles, le téléphone portable de Myriam, sa concubine disparue, aurait été logé dans le 16ème arrondissement. Dans les prétoires demain, peut-être on en saura plus…

Dans les sommets du pouvoir en revanche, c’est bouche cousue sur ce « dossier » et la fuite en avant pour ne pas se dédire. Le missionné du CAC 40 a fort à faire, lui qui se voyait déjà en futur chef de l’Europe libérale maintenue face à l’affaiblissement de Merkel, doit encore gagner en crédibilité austéritaire. Lui qui rêvait d’une grande coalition française où n’existeraient plus contre lui que les Insoumis et les néo-fascistes nationalistes et xénophobes doit déchanter. Les élections européennes, tout comme les municipales qui suivront, sont autant de taches sur sa zenitude. Qui plus est, ce chantre de l’Europe, malade du Brexit, fracturée par les gouvernements italiens, polonais, hongrois… et la guerre commerciale menée par son « ami » Trump, est bien à la peine. Et que dire de son propre camp, les ambitieux qui attendent leur heure, ceux qui se défaussent, prennent déjà leur distance et tous ces novices de LRM croyants mais déçus ?

Toutefois, il peut toujours compter sur l’apparente apathie des classes ouvrières et populaires et sur les couches moyennes et supérieures qui rêvent d’enrichissement rapide, de toujours moins d’impôts et de charges inacceptables pour elles. A moins de l’avènement d’un évènement beaucoup plus destabilisateur que les succédanés benallistes, le fringant Macron plein de morgue pourra se maintenir dans son Olympe, y compris en recourant à plus de répression si nécessité l’y oblige.

Gérard Deneux, le 26.08.2018




(1)    La CNIL - Commission Nationale de l’informatique et des libertés – chargée… en principe, de protéger la vie privée. Autorité pseudo-indépendante créée en 1978, elle ne donne que des avis. Elle dispose d’un budget de plus de 17 millions d’euros… Excusez du peu.
(2)    Benalla fut d’abord recruté par le PS (Martine Aubry)  puis, il créa des sociétés privées de surveillance, avec son compère Crase
(3)    L’illuminé de l’Elysée – référence à sa volonté d’être un président jupitérien, puissant parmi les puissants, écrasant la pogne de Trump, toisant Poutine, baisant la bague du pape François. Lors de la campagne présidentielle, ses envolées mystiques, les bras en croix, font de cet évangéliste des marchés, un cas. Faut-il rappeler sa grand’messe au château de Versailles et son homélie devant les 900 parlementaires venus pieusement l’écouter…
(4)    Allusion aux chroniques de la journaliste Geneviève Tabouis qui, dans les années 50, scandait ses rubriques de ses tendances prévisionnistes.  


Encart 1

Benalla et ses précédents

La 5ème République est coutumière des polices parallèles. De Gaulle avait ses barbouzes du « Service d’Action Civique », les hommes de l’ombre de Foccart dans la Françafrique.  Mitterrand, parvenu au pouvoir installa les siens, les Prouteau, Barril et autres sbires qui eurent autant d’éclats nauséabonds : l’écoute téléphonique de personnalités, la protection du secret de Mazarine et surtout l’affaire des Irlandais de Vincennes et le coulage du Rainbow Warrior. Dans le 1er cas, il s’agissait (1982) d’introduction d’armes, lors d’une perquisition sans titre, et de condamner comme terroristes des réfugiés irlandais ; dans le 2ème cas, de couler le navire de Greenpeace, en route vers Mururoa, pour protester contre les essais nucléaires dans cet archipel.
Au sommet de l’Etat, cette tentation perdura. En 1982, Mitterrand s’entourait uniquement de gendarmes, Chirac revint à la mixité police-gendarmerie, Sarko après son passage au ministère de l’Intérieur, ne faisait confiance qu’aux policiers, Hollande revint à la mixité et Macron tente un retour à l’ère de Mitterrand. Le groupe de sécurité de la Présidence de la République n’en finit pas de connaître des soubresauts en dehors de tout contrôle et en toute opacité.