Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


vendredi 6 décembre 2019


Dès le 5 décembre, tous et toutes mobilisé(e)s

Les Amis de l’Emancipation Sociale, association d’éducation populaire tournée vers l’action, ont appelé à la mobilisation le 5 décembre et après.

Il s’agit de s’opposer massivement aux régressions sociales de Macron
-         qui a déjà ponctionné plus de 3,4 milliards de la caisse des chômeurs, ceux qui ont cotisé pour percevoir des indemnités en cas de licenciement, les mêmes qui sont déjà lourdement pénalisés par les contre-réformes antérieures (2 sur 3 ne perçoivent aucune indemnité !)
-         qui prétend étendre la précarité alors que 8,8 millions de personnes sont considérées comme pauvres (avec un revenu inférieur à 1 026€/mois)
-         qui veut imposer la réduction des pensions de retraite, repousser l’âge de départ et casser le système solidaire de retraite par répartition pour y introduire les capitaux privés des fonds de pension
-         qui maltraite les usagers, les personnels des hôpitaux et des services publics  

Des réformes ?
OUI pour le progrès social du plus grand nombre
NON pour favoriser le 1% des plus riches : suppression de l’impôt sur la fortune, flat-tax qui réduit leur imposition, paradis fiscaux qui les exonèrent et fraude fiscale favorisée par des cabinets d’avocats d’affaires, et ce, alors que le dépenses de l’Elysée explosent, que les régimes spéciaux des députés, sénateurs … sont mis sous le tapis… A en croire Bayrou, mis en cause par la justice, tous les politiques seraient des fraudeurs !

NON à la Ripoublique, OUI à la solidarité collective

Le pouvoir macronien fragilisé, avance masqué. Il nous gargarise d’équité, d’âge pivot, de clause du grand-père, de lutte contre les privilèges de ceux qui se sont battus pour obtenir une retraite de progrès social. Il faut faire cesser cette démagogie outrancière.

Pour faire advenir une société de justice sociale, mettre fin à la domination du capitalisme financiarisé qui détruit l’Homme et la planète, le 5 décembre, ce doit être la date d’une lutte prolongée pour l’émancipation sociale.

Toutes les conditions semblent réunies pour déstabiliser le pouvoir, pour bloquer les contre-réformes néolibérales. Quand le pouvoir recule, il faut avancer




Les   Amis   de   l’Emancipation   Sociale
OUI à une société solidaire, plus juste,
à construire collectivement

NON à une société du chacun pour soi, de l’insécurité sociale
NON aux régressions sociales de Macron !

Les attaques de Macron contre les privés d’emploi

Véritable machine à fabriquer de la pauvreté, la « réforme » de l’assurance-chômage se met en œuvre pour économiser 3.4 milliards d’euros sur le dos des sans-travail, et notamment des plus précaires (CDD et intérimaires).

Durcissement des conditions d’ouverture des droits à l’assurance-chômage. Pour toucher du chômage :
Avant le 1er novembre : il fallait avoir travaillé 4 mois sur une période de 24 mois.
Après le 1er novembre : il faut avoir travaillé 6 mois sur une période de 28 mois
Alors qu’un chômeur sur 2 perçoit des indemnités actuellement, demain ce sera 1 sur 3 !

Quasi-suppression du droit rechargeable. Quand un demandeur d’emploi retrouve du travail, ses allocations chômage sont suspendues et lui sont de nouveau versées, s’il se retrouve au chômage, prolongeant ainsi ses droits.
Avant : 1 mois travaillé rechargeait ses droits d’autant.
Après : il faut 6 mois travaillés pour ouvrir de nouveaux droits. Les plus touchés sont ceux qui cumulent des CDD,
alors que 35 % des emplois proposés sont des emplois non durables de moins de 6 mois !

Chute brutale du montant des indemnisations pour celles/ceux qui ont des périodes de travail hachées. Au 1er avril 2020, la période de référence pour le calcul de l’indemnisation ne sera plus la période travaillée mais la période sur laquelle s’étalent les contrats. Ex. : 2 personnes en CDD au même salaire, la 1ère en CDD de 6 mois en continu et la 2ème via 2 CDD de 3 mois
Avant : même indemnité journalière.
Après : la 2ème percevra moitié moins.

NON à ce système condamnant les plus précaires aux emplois pénibles et mal payés,
  au risque de se retrouver sans indemnités, puis au RSA…

Macron fait les poches des plus pauvres !

En France, la pauvreté augmente: 14.2 % de la population, soit 8,8 millions (7.8 millions en 2009) sont « pauvres monétaires », avec un revenu inférieur à 1 026€ par mois. 

Au prétexte d’être « plus équitable », Macron veut « simplifier » le dispositif des 10 minima sociaux existants. Il annonce l’idée du Revenu Universel d’Activité (RUA) : un fourre-tout qui regrouperait RSA, prime d’activité et APL, voire également l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ou encore l’Allocation Adulte handicapé (AAH). En fait, il lorgne sur les budgets pour les écorner : les 11 milliards du RSA, les 18 milliards de l’APL, les 8 milliards de la prime d’activité…

La recette du capitalisme financier, consistant à piquer du pognon aux plus pauvres pour continuer à faire des cadeaux aux plus riches et servir des dividendes toujours plus gros aux actionnaires, elle nous fait vomir !

Les prestations sociales sont des droits et non des aides !
                                                …/…
Une société solidaire prend soin des enfants, des malades, des handicapés, des vieux… L’AAH est un droit pour 1,1 million de personnes handicapées. L’APL est un droit pour l’accès au logement de 6,5 millions de ménages, etc.
NON aux recettes honteuses qui se mijotent au « sommet » !
Oui à l’extension des droits sociaux, en exigeant, par exemple
-         un revenu décent pour les 18-25 ans qui doivent se contenter de la maigre Garantie-Jeunes (484€/mois)
-         des droits supplémentaires aux personnes âgées et aux personnes handicapées, pour une vie digne

Ne laissons pas Macron faire main basse sur les retraites

Nous ne sommes pas dupes ! Le projet de régime de retraite par points a pour objectif de réduire les pensions et de repousser l’âge de départ à la retraite. Il fige le montant des richesses à répartir entre retraités en refusant une augmentation des ressources, c’est-à-dire des cotisations.

Nous refusons que les générations les plus jeunes soient maltraitées, qu’elles n’aient à se satisfaire que de retraites misérables ou à être obligées de recourir à la capitalisation pour ceux qui en auraient les moyens. Quel que soit leur âge, ceux qui ont travaillé ou travailleront, ont droit à une retraite digne, c’est-à-dire à 75% au moins de leur rémunération antérieure ou celle des meilleures années, et pas en-dessous du SMIC. Retraite à 60 ans maxi pour tous, 55 ans pour les métiers pénibles. Nul ne doit être pénalisé du fait des difficultés rencontrées au long de sa vie active.

Nous défendons le système de retraite par répartition, solidaire et intergénérationnel : les cotisants actuels paient la retraite des cotisants d’hier.

NON à l’entrée du capital (via les fonds de pension) dans un système financé par des cotisations.


Rejoignez le mouvement social et celui des Gilets Jaunes
Soutenez l’appel à la grève des Cheminots (journée nationale interprofessionnelle CGT, FO, FSU, Solidaires + 4 organisations de jeunesse

Manifestez le 5 décembre 2019
Vesoul 10h – rond-point du Leclerc/Noidans
 Montbéliard 14h champ de foire
Belfort : 10h maison du peuple
 et les jours suivants avec les hospitaliers (17 décembre), les étudiants…

Nous sommes les plus nombreux et si nous nous levons, nous ferons reculer Macron et son gouvernement

 NON à cette société où les riches se pavanent, où les pauvres doivent se soumettre à des exigences humiliantes pour pouvoir survivre

Le 23.11.2019                                                  édité par nos soins                                                       ne pas jeter sur la voie publique

Les Amis de l’Emancipation Sociale sont tous
 Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme
Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète
Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité que nous voulons multicolore, multiculturelle et solidaire

Rejoignez-nous


Poème de Hassen

On a tous la chance
de devenir quelqu’un
tout dépend
de ce que l’on rencontre sur son chemin
on peut tous sortir du pétrin
dans lequel nous ont mis les requins
réactiver le moulin
qui tient en main notre destin
tendons la main à nos voisins
car nous en avons tous besoin
aucun effort n’est vain
tel est notre chemin
il garantit notre destin
la vie consiste à se battre
pour conserver l’existence
pour que chacun ait sa chance
c’est l’espoir
que porte l’humanité en son sein
nous avons toutes les possibilités
de jouir du monde et de ses richesses
à condition d’accepter
de vivre dans l’égalité
dans le respect de la moindre particule
il n’y a pas cinquante mille formules





Editorial du PES n° 58 (novembre 2019)

Nouvelles vagues de soulèvements

En 2011, une première vague de soulèvements populaires était partie de Tunisie pour affecter nombre de pays du Moyen-Orient. Elle s’est fracassée sur le mur d’un parlementarisme de façade à Tunis, de la répression violente de l’armée en Egypte, de la guerre sanglante menée par le « boucher » Assad en Syrie… D’une manière ou d’une autre, « l’ordre » était rétabli au prix de milliers de victimes et d’une fuite éperdue dans les affres de l’exil. Certes, quelques dictateurs honnis avaient dû quitter le sommet des Etats qu’ils avaient mis en coupe réglée. Mais le sort des classes populaires s’était encore aggravé.

Puis vint la 2ème vague plus impétueuse. Partie du Soudan, elle balayait la représentation dominante islamiste, les femmes entraient dans la danse des immenses manifestations populaires. Certes, bien que le pouvoir dictatorial semble avoir été brisé, un compromis instable s’est instauré entre les forces démocratiques et sociales et les militaires dont nombre d’entre eux sont d’anciens génocidaires et tortionnaires. En Algérie, ensuite, le pouvoir militaire est acculé, par l’entrée en scène de tout un peuple dans ses diverses composantes qui envahit les rues et les places. L’armée, la cohorte de généraux corrompus, refusent de céder leur pouvoir de spoliation, jouent la carte d’élections présidentielles que refuse le peuple. Il connaît la musique frauduleuse des scrutins truqués où l’on reconduit les mêmes sous d’autres masques. Au Liban, le soulèvement populaire provoque la démission d’Hariri, le milliardaire sunnite, met à mal tout le système confessionnel du pouvoir, partagé entre les différents clans qui, à Beyrouth, s’enrichissent sur le dos du peuple ; les masses populaires effacent dans leurs luttes les divisions mortifères entre chrétiens, maronites, sunnites et chiites. Le Hezbollah, lui-même, n’est pas épargné, son prestige gagné dans la lutte contre Israël est écorné par sa croisade criminelle en Syrie.

Puis vint la houle déferlante sapant la notoriété chancelante des partis chiites à Bagdad, à Bassora en Irak, suivie « d’émeutes » en Iran. La répression, les arrestations, les tortures, ne semblent pas ébranler la détermination des Irakiens, les tirs à balles réelles ne parviennent pas (encore ?) à casser la détermination de la jeunesse en colère. En Iran, par contre, la mollahcratie tue dans un silence assourdissant…

Ce qui est nouveau, c’est que s’effondrent les représentations religieuses qui corsetaient les aspirations sociales, c’est aussi la volonté de dégager les corrompus des systèmes en place. Demeure cette idée d’un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, sans, pour autant, que les contours économiques et sociaux soient définis. L’autre leçon connue, que l’on peut tirer des évènements en cours, consiste à s’imprégner de l’idée que les classes dominantes s’accrocheront jusqu’au bout à leurs privilèges et à la défense de leurs intérêts.

A cet égard, ce qui se passe actuellement en Amérique latine est révélateur : manipuler les classes moyennes, les dresser contre un pouvoir à coloration progressiste, au Brésil, en Bolivie et peut-être au Venezuela, signifie que la contre-révolution au visage le plus répugnant, tel celui de Bolsonaro, peut l’emporter sur un processus révolutionnaire qui n’a pas été mené à son terme.

Les vents mauvais de la misère, de l’austérité, de la corruption des élites, provoqueront d’autres vagues encore plus puissantes. Elles se heurteront, certes, à la machine d’Etat répressive ; elles effriteront la prétendue légitimité des élites mais elles ne parviendront à l’emporter qu’en faisant valoir une perspective renouvelée du bien commun. Toutefois, ce processus en cours pourra être dévié par la lutte de tous contre tous, être noyé dans la guerre commerciale entre les grandes puissances et le nationalisme xénophobe, sur fond de déréglementation climatique anxiogène.

Cet avertissement sonne comme un vaste défi vis-à-vis de tous ceux qui luttent pour une Humanité débarrassée du capitalisme prédateur et réconciliée avec elle-même.
GD, le 4.12.2019


Egaux, Egales, personne n’est illégal !
18 décembre : contre les politiques racistes et sécuritaires !
Dans une énième opération de com’ gouvernementale, le 7 novembre, Lallement, préfet de police pilotait, à Paris, la 59ème évacuation dite de « mise à l’abri humanitaire ». Deux campements de migrantEs (portes de la Chapelle et d’Aubervilliers) habités par 1 606 personnes, étaient évacués, leurs habitantEs embarqués dans des cars, leurs tentes confisquées et détruites. La  « mise à l’abri humanitaire » avait comme finalité l’entassement pour quelques jours dans des gymnases de banlieue réquisitionnés.  « Il n’y aura plus jamais de personnes qui s’installeront dehors » proclamait le préfet et… en quelques jours, malgré la terreur que font régner ses sbires, malgré le froid, dans un terrible isolement, à flanc de talus juste à quelques mètres du périph’, les « invisibles », les « pestiférés » ont reconstruit leurs bidonvilles dans la capitale de la 7ème puissance mondiale qui accueille les prochains JO ! A l’occasion de la journée internationale des migrantEs proclamée par l’ONU, des manifestations-rassemblements se tiendront dans maints pays. Nous devons en faire une échéance unitaire pour toutes celles et tous ceux qui refusent le racisme, combattent pour l’égalité des droits. Il nous faut établir un véritable rapport de forces dans la rue avec un gouvernement et un président qui ne cessent de faire de la surenchère raciste avec le RN de Le Pen… : pour stopper la montée des nationalismes, le développement du fascisme et de toutes formes de racisme, en mémoire des dizaines de milliers de morts sur les routes de la migration, victimes des frontières et des politiques meurtrières des gouvernements les plus riches de la planète et leurs complices, pour la liberté de circulation et d’installation et la fin du système Dublin, pour soutenir et amplifier les grèves et les luttes des sans-papiers, contre les centres de rétention.                                                                        https://npa2009/org  


Amérindiennes en guerre

La sortie du film Warrior Women, un documentaire de Christina D. King et Elisabeth A. Castle est l’occasion d’approfondir une partie de l’histoire des peuples autochtones d’Amérique. Il sera diffusé par les Amis de l’Emancipation Sociale et les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté, le 12 décembre à 20h15 au Majestic à Vesoul et le 13 Décembre à 20h15 au cinéma Colisée de Montbéliard, les autres dates sont disponibles sur le Facebook Warrior Women.

Ce film raconte la vie de Madonna Thunder Hawk, Sioux-Lakota, l’une des fondatrices de l’American Indian Movement, de sa fille et de 50 ans de combats pour les droits des autochtones et pour la Terre.
La sortie en Europe est à l’initiative d’une collaboration entre Lardux films, engagé dans la diffusion des luttes des peuples autochtones, et le CSIA Nittassina, association de référence dans la défense des droits politiques des communautés autochtones des Amériques. Madonna Thunder Hawk et sa fille sont venues en tournée européenne en octobre et sont intervenues à l’ONU et à la commission Européenne, dans le cadre d’une campagne de désinvestissement des énergies fossiles.

Le film, à travers l’occupation de la prison d’Alcatraz en 1969 et le combat contre le pipe-line de Standing Rock en 2016, est un outil qui met en lumière ces luttes d’une brûlante actualité, luttes pour la défense de la terre, de l’eau et de l’air, contre l’agression constante des multinationales, qui menacent la survie de notre espèce. « En Pays Indien, les femmes sont vraiment sur le terrain. Nos voix ont été négligées » dit Madonna Thunder Hawk, « Le film nous aide dans ce sens ».

Les Lakotas (Lakhota ou encore Lak’ota) sont une tribu autochtone américaine du groupe ethnique sioux. Ils forment eux-mêmes un groupe de sept tribus. Les Lakotas vivent dans le Dakota du Nord et du Sud et au Canada. Les Lakotas (‘peuples de la prairie’) se subdivisèrent au 18ème siècle en 7 groupes : Hunkpapas (chef célèbre : Sitting Bull), Oglalas, Miniconjous (chef : Big Foot), Sihasapas, etc.
A la fin du 19ème siècle, les Oglalas, le plus grand groupe des Lakotas, étaient conduits par Red Cloud et Crazy Horse. Le plus célèbre des leaders Lakotas était Sitting Bull, qui était aussi le leader spirituel des Cheyennes et des Arapahos. Ils battirent la cavalerie du général Custer en 1876 à la bataille de Little Bighorn ; cette bataille fait suite à la découverte d’or dans les Blacks Hills. En 1868, le traité de Fort Laranie avait promis aux Lakotas une grande réserve mais cette promesse ne fut pas longtemps tenue.
Il ne restait que 20 000 Lakotas au 18ème siècle. Leur nombre est maintenant de 70 000, dont 20 000 parlent leur langue maternelle. Les Lakotas, avec l’arrivée des colons, ont connu des épidémies, des massacres et des famines (dues au massacre des bisons). Aujourd’hui, les Lakotas vivent principalement dans 5 réserves du sud-Ouest du Dakota du Nord et du Sud.
En Décembre 2007, une délégation conduite par Russell Means, affirmant représenter les Lakotas, a déclaré rompre les traités qui les lient aux Etats-Unis, proclamant ainsi leur indépendance et annonçant qu’ils allaient produire leurs propres passeports et permis de conduire. Cette république englobe une partie du Nebraska, du le Dakota du Sud et du Nord, du Montana et du Wyoming.

Les peuples autochtones sont les premiers gardiens de la terre qu’il devient urgent d’écouter. Par votre présence à la diffusion du film, vous rendez hommage à ses guerrier.res qui se battent pour toutes et tous et nous donnent de l’espoir pour les combats à mener ici et maintenant.   Stéphanie.



Patriarcalisme et capitalisme : A MORT !

Alors que  s’ouvre le Grenelle contre les violences conjugales, l’année 2019 risque de battre le triste record de féminicides en France. Une femme meurt tous les trois jours, assassinée par un conjoint ou ex-conjoint, parce qu’elle est une femme. Et la culture du viol minimise, voire encourage, l’agression sexuelle. Le tout dans un climat d’impunité à l’égard des agresseurs et violeurs. Le patriarcalisme, la soumission et l’obéissance, sont les fondements du capitalisme donc ces déviances sont tolérées voire alimentées. Quel est l’historique de telles croyances aliénantes ? Comment les femmes ont résisté ?  Comment et pourquoi changer la sémantique et certaines cultures ?

Histoire du patriarcalisme

Le mot patriarcat vient du latin pater qui veut dire père, chef de famille et du grec arkhê qui signifie pouvoir et commandement. Le patriarcat est un système social dans lequel l’homme, en tant que père, est dépositaire de l’autorité au sein de la famille ou, plus largement, dans la sphère politique.

Selon l’ouvrage Femmes en lutte de Justhom (1), le patriarcat est apparu avec l’époque néolithique. Selon certaines hypothèses, il aurait été favorisé par la découverte du lien entre l’acte sexuel et la naissance. L’époque néolithique en Europe occidentale a débuté vers 5000 et s’est achevée vers 2500 avant J.-C. A partir du néolithique moyen, la vie sociale et politique est confisquée aux femmes, pour être dominée autoritairement par les hommes, ce qui perdure jusqu’à nos jours. Leur sort n’était guère plus enviable que celui des esclaves.
Dans l’Antiquité romaine, la femme était considérée comme mineure. Elle devait rester soumise toute sa vie à l’homme, le mariage la faisant passer de l’autorité paternelle à l’autorité maritale. Cette condition de mineure est toujours d’actualité dans certains pays, dont l’Inde où le chef de famille a le droit de vie ou de mort sur tous ceux qui habitent sous son toit. Les femmes les plus instruites ont pu faire évoluer le sort des femmes en général ; elles acquirent le droit de divorce au début de l’Empire.

Au moyen-âge, la situation des femmes a régressé, entre autre, sous l’influence de l’église, les ‘réformes grégoriennes’ ont évincé les femmes des fonctions élevées qu’elles occupaient dans la société.  Aux XV et XVIe siècles, elles n’avaient plus le droit de pratiquer des métiers scientifiques ou artistiques. Elles furent reléguées uniquement aux tâches ménagères, à l’éducation des enfants et au travail avec leurs maris.

Aux XVII et XVIIIe siècles, la résistance se produisit et elles jouèrent un rôle important lors des différentes révolutions. Avant la Révolution de 1789, les femmes prennent une part importante à la rédaction des cahiers de doléances.  La Révolution française utilisa les femmes en première ligne dans les manifestations. Dès le 5 octobre 1789, ce sont elles qui organisent la ‘marche des femmes de Paris’ vers Versailles. Elles participent aux actions politiques et descendent dans la rue.

Elles fondent ‘des clubs’ au sein desquels elles se retrouvent à égalité avec les hommes. Le mot ‘féminisme’ est entré dans la langue française à partir de 1837. L’objectif de ce mouvement est la réforme profonde des institutions pour l’égalité devant la loi, le droit au travail, à l’éducation, au vote…
Lors des ‘trois glorieuses’ de juillet 1830, les femmes sont très présentes sur les barricades ; elles soulagent les blessés, apportent à boire et à manger aux combattants… Elles combattent également à côté des hommes.
En 1870, le peuple de Paris se soulève. Dès le 18 mars, elles sont dans la rue et empêchent les troupes de Thiers de voler les canons qui se trouvent sur la butte Montmartre. Le 3 avril, 500 d’entre elles marchent depuis la place de la Concorde vers Versailles ; elles sont rejointes par 700 autres. Le 9 avril, la première organisation structurée de femmes voit le jour, elle a pour nom  L’Union des femmes. Le 11 avril, le premier appel aux femmes est placardé sur les murs de Paris. Son contenu est sans équivoque : « toute inégalité et tout antagonisme entre les sexes constituent une des bases du pouvoir des classes gouvernantes ». Le chiffre de 10 000 combattantes est avancé durant la Semaine sanglante. La répression fut terrible et elles seront nombreuses à être fusillées sur les barricades mêmes.

Leurs revendications évoluent, elles ne se contentent plus du droit de vote mais exigent le droit au travail et salaire égal.

Pendant la première guerre mondiale, elles participent à l’effort de guerre en remplaçant les hommes dans les usines, les chemins de fer, les exploitations agricoles, etc. Ceci n’exclue pas leur participation sur le front : en 1918, on y comptait plus de 100 000 femmes. C’est ainsi que la place des femmes dans la société et dans l’entreprise a pris une très grande importance, avec un sens aigu de la lutte des classes. Elles déclenchèrent des conflits et des grèves. Dès 1915, elles sont 9 344 grévistes ; ce chiffre atteindra 650 658 en 1917. C’est pour ces raisons que, à la sortie de la guerre, le gouvernement les incite à retourner dans leurs foyers en proposant aux ouvrières des usines d’armement un mois de salaire si elles quittent leur travail.

En 1938, l’article 213 du Code civil est réformé et supprime l’incapacité juridique des femmes : elles ne doivent plus obéissance à leur époux.

Pendant la seconde guerre mondiale, les femmes sont les victimes collatérales ; elles sont sur tous les fronts : usines, champs, hôpitaux, résistance. Pourtant elles sont les oubliées de l’histoire et subissent les lois répressives : de la création de brigades policières traquant les ‘faiseuses d’anges’ à l’arrestation d’une des premières militantes pro-IVG. L’avortement devient un crime contre la sûreté de l’Etat, puni de la peine de mort.

Le 24 mars 1944, les membres de la France Libre en réunion à Alger votent par 51 voix contre 67, le droit de vote pour les femmes.

Après la guerre, les femmes sont très présentes dans les comités locaux de libération et dans la vie associative. C’est ainsi qu’elles furent à l’origine de la fermeture des maisons closes et de la création du Planning familial.
Le 21 avril 1945, le premier vote des femmes a lieu pour des élections municipales.
De multiples avancées suivront : congé maternité de 8 puis 16 semaines, principe d’égalité des droits entre hommes et femmes, avortement thérapeutique autorisé, autorisation de la contraception, loi pour l’autorité parentale, loi Veil, divorce par consentement mutuel, loi Roudy pour l’égalité professionnelle, loi Neiertz (sanctionne le harcèlement sexuel sur le lieu de travail), etc.

Et aujourd’hui ?

Le Grenelle contre les violences conjugales s’est ouvert le 3 septembre – pour rappeler le 3919, numéro d’appel national pour toute personne victime de violence – et se fermera le 25 novembre, journée internationale contre les violences faites aux femmes. Au-delà des dates symboles qui, d’après Marlène Schiappa – secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations - font ‘classe’, le quotidien l’est bien moins.
En quelques chiffres :
176 mort.es au sein d’un couple ou ex-couple en 2017 (soit un féminicide tous les 3 jours environ)
les femmes gagnent en moyenne 25% de moins que les hommes
219 000 femmes violentées par leur conjoint ou ex-conjoint
42 % d’écart dans les droits à la retraite
94 000 femmes déclarent avoir subi un viol (seulement 5 % font l’objet d’une plainte)
les femmes y consacrent 2 fois plus de temps que les hommes aux enfants et aux tâches domestiques

Changements sémantiques

Afin d’avancer dans l’égalité et les droits des femmes, des associations féministes  (les Chiennes de garde, Femmes Solidaires, Libres Mariannes, Osez le Féminisme !, etc) proposent des expressions à bannir et des mots justes car, puisque la langue véhicule la pensée, autant ne pas l’édulcorer et remplacer :
-        droits de l’Homme par droits humains car cette terminologie date de la Révolution française qui a exclu volontairement les femmes de la citoyenneté
-        agressions sexuelles par VIOLS car les viols sont des crimes et les agressions sexuelles des délits
-        abus, abuser par agression sexuelle
-        meurtre d’une femme par féminicide car il s’agit de faire la différence en fonction du sexe
-        crime passionnel par meurtre ou meurtre machiste car ces crimes sont souvent motivés par la jalousie inhérente au machisme. Ils montrent une situation dans lequel l’homme considère que la femme, et parfois les enfants, sont objets et non sujets autonomes. Parler de crime passionnel revient à signifier ‘il l’aimait trop’ alors que le meurtre n’est jamais une preuve d’amour…

Culture du viol

Deux livres récents sont consacrés  à la culture du viol : Une culture du viol à la française de Valérie Rey-Robert (2) et En finir avec la culture du viol de Noémie Renard (3). L’expression est une traduction littéraire de l’expression anglaise « rape culture » introduite par des féministes américaines dans les années 1970. La culture du viol est la manière dont le viol est perçu et représenté dans l’imaginaire collectif. C’est donc un concept sociologique utilisé pour qualifier un ensemble de comportements et d’aptitudes partagés au sein d’une société donnée : ils minimiseraient, normaliseraient voire encourageraient le viol. C’est aussi la manifestation du fait que les femmes sont considérées comme la propriété des hommes, ceux-ci leur refusant tout respect ainsi que le droit de contrôle et de maîtrise de leur propre corps, les traitant comme des objets. La culture du viol se nourrit des inégalités hiérarchiques tout en les renforçant : femmes, enfants, vulnérabilité, pauvreté, orientation sexuelle mais aussi statuts, force physique, emprise psychologique ou différence d’âge. La culture du viol se fonde sur des mythes : on excuse les violeurs par une maladie mentale (cela concerne moins de 7 % d’entre eux) ou par le très flou concept de misère sexuelle (89 % auraient des rapports sexuels consentis au moins deux fois par semaine avant leur incarcération). On affirme que les hommes auraient des besoins irrépressibles, et que les victimes l’auraient ‘cherché’ par la façon de s’habiller, par la consommation de substances, par leur comportement. Le tout est renforcé par un climat d’impunité : un agresseur sur dix fait l’objet de poursuites et les victimes sont mal reçues, voire moquées, lors du récit des faits et ce, qu’il s’agisse des services de police ou de gendarmerie, mais aussi des services hospitaliers.
La culture du viol s’aggrave par la ‘confusion entre violence et sexualité’ qui favorise les addictions à la prostitution et la pornographie, avec une industrie du sexe florissante proposant des films, des images de plus en plus violentes avec des femmes de plus en plus jeunes. Il en résulte une aggravation de la traite des enfants et des femmes, du tourisme sexuel, de la criminalité sexuelle et d’une grande part des violences faites aux femmes.
 Mais une culture se modifie, se contourne, se conteste !


D’après Eve Ensler, dramaturge américaine (4) : « Quand une centaine de femmes sont assassinées en moins d’un an, cela indique que quelque chose s’est effondré dans la société ». Il faut donc plus de travail que la simple dénonciation ; cela signifie que « les hommes ne font pas le travail d’introspection nécessaire » pour remettre en question l’éducation patriarcale dans laquelle ils ont été élevés. Ils convient donc de regarder ces violences avec les mêmes lunettes que le système capitaliste et les inégalités économiques. La façon dont certains hommes traitent notre planète est la même que celle dont ils voient les femmes. Il faut des procédures de réparation contre la prédation, le sexisme, le racisme, la misogynie, le génocide des peuples autochtones, l’esclavage. En clair, cela veut dire que « reconnaître, s’excuser, juger… C’est commencer à mettre à distance la violence sur autrui, et à faire le travail de qualification et de séparation d’avec cette violence ».

Stéphanie Roussillon



(1)   Editions libertaires, 2017
(2)   Editions Libertalia
(3)   Editions Les petits matins
(4)   dans le Monde du 17.09.2019




Mimi
Trois journalistes ont écrit cet ouvrage sur les relations troubles qu’entretient le haut du panier de crabes des affaires et de la politique et côtoie les bas-fonds de la société. Qui est Mimi, de son nom, Michèle Marchand ? Garagiste, puis tenancière de boites de nuit, mariée d’abord à un braqueur spécialisé dans les attaques de fourgons blindés, puis incarcérée à Fresnes pour trafic de drogue. C’est là qu’elle rencontre, par avocat interposé, Xavier Niel, condamné pour prostitution, celui qui a fait fortune avec le téléphone rose. Mariée ensuite à un flic douteux, elle devient la papesse des paparazzis, répand les petits secrets des politiciens et des puissants, dans la presse poubelle, Voici, Gala, Closer. Ses publireportages, ses photos volées, lui valent quelques ennuis mais elle possède désormais des appuis en haut lieu. Niels n’est-il pas l’une des plus grandes fortunes de France… Alors, ses comptabilités et commissions occultes, les rémunérations de ses pigistes et informateurs… sous le tapis. Sa rencontre avec Brigitte Trogneux, avec le couple Macron, est décisive, elle peaufine sur papier glacé le fringant Macron et la future première dame. Elle l’accompagne même pour faire ses courses et balade le chien… tout comme son ami Benalla… Son triomphe sera immortalisé par une photo dans le bureau de l’Elysée, bras levés, la victoire de Macron c’est aussi la sienne. Depuis, elle se fait plus discrète.
Dans cet ouvrage, vous découvrirez bien d’autres personnages et des révélations croustillantes qui en disent long sur ceux qui nous gouvernent ou ont été un temps en haut de l’affiche. GD
Jean-Michel Décugis, Pauline Guéna, Marc Leplongeon, Grasset, octobre 2018, 19€



« Trou » de la Sécu. Vrai ou faux ?

Dans notre dernier numéro, nous avons évoqué le vote de nuit (22/23 oct. 2019), par les députés, de la fin de la compensation par l’Etat à la Sécurité Sociale des réductions et exonérations de cotisations. Ce gouvernement et sa majorité parlementaire poursuivent la transformation radicale du système solidaire de la protection sociale. Ce n’est pas le premier coup de boutoir porté à la Sécu. S’y ajoutent les présentations embrouillées des résultats annuels, leur permettant de sonner l’alarme sur le « trou » de la Sécu et de se parer de la vertu de gestionnaire soucieux de l’équilibre de ses comptes ! Moins de dépenses votées dans la Loi pour le Financement de la Sécurité Sociale c’est encore plus de coupes sombres dans les budgets de la santé, etc… Au fond, c’est le stratagème - il n’est pas nouveau - pour mettre à mal le système de solidarité, protégeant les travailleurs et salariés tout au long de leur vie, pour le livrer aux assureurs et fonds de pension privés.
Le projet de régression du système des retraites est une étape phare de Macron dans sa volonté d’en finir, là aussi, avec la solidarité ; la France d’aujourd’hui n’aurait plus les moyens de le conserver, d’autant qu’il est injuste, affirme-t-il, et que son sauvetage passe par un régime universel à points.
Juppé, fin 1995, nous l’avait déjà jouée, cette musique ! Nous l’avions fait reculer après deux mois de contestations dans la rue. Le 5 décembre et après, nous serons à nouveau dans la rue. Soyons toutefois très vigilants car, à l’époque, si Juppé avait dû abandonner son projet « retraite », il fut autorisé, en catimini, à légiférer par ordonnances sur la Sécurité Sociale. Ce fut l’occasion d’enfoncer des coins dans les brèches du système pour l’ouvrir au secteur privé et aboutir à une Santé à deux vitesses (celle des riches et celle des pauvres). Cet acharnement à faire disparaître tous les systèmes de solidarité s’inscrit, à long terme, dans la politique ultralibérale et financiarisée.

Quelques rappels indispensables pour ne pas trop s’y perdre

Le premier système complet et obligatoire d’assurances sociales est instauré en 1928, au bénéfice des (seuls) salariés de l’industrie et du commerce, instituant la cotisation sociale. Qui doit la payer ? Cette question a imprégné tout le mouvement ouvrier du 20ème siècle et est toujours présente au 21ème siècle.

« Notre » Sécurité sociale, née du programme du Conseil National de la Résistance en 1945, affirme le  principe suivant : la cotisation sociale est un prélèvement sur la richesse créée par le travail dans l’entreprise, qui n’est affectée ni aux salaires, ni aux profits, mais mutualisée pour répondre aux besoins sociaux des travailleurs résultant des aléas de la vie. Autrement dit, la richesse créée par le travail contraint l’employeur à verser du salaire différé (la cotisation). La protection sociale est indépendante de l’Etat mais celui-ci est le garant de l’application de ce droit humain fondamental, constitutionnalisé en 1946 (dans le préambule toujours en vigueur).

Or, depuis sa création, le patronat n’a cessé de vouloir reprendre ce « cadeau » aux salariés et les gouvernements, sous influence, ont tenté d’introduire des brèches dans ce système de solidarité. Déjà, en 1945, un régime général universel de toutes les protections à toute la population ne put se faire, à cause de l’opposition des régimes spéciaux déjà existants, travailleurs indépendants notamment. En 1967, des  « caisses » autonomes gèrent l’assurance maladie, les Accidents du travail/maladies professionnelles (CNAM), l’assurance vieillesse (CNAV), les allocations familiales (CNAF) et c’est l’Agence Centrale des organismes de Sécurité Sociale (ACOSS) qui met en oeuvre l’ensemble de ce qui est nommé  Régime Général. Le système est une « tuyauterie » complexe dans laquelle les salariés ont perdu très vite le contrôle, au profit des technocrates, relevant en partie du ministère des finances. C’est la première brèche. Les « plombiers de Bercy » (1) sont rôdés aux présentations labyrinthiques  des comptes sociaux pour nous y perdre, faisant, par ex., apparaître certains fonds sociaux dans l’équilibre du régime général alors même qu’ils n’en relèvent pas (Fonds solidarité Vieillesse). Bref, le « trou » de la Sécu, ce monstre, qui tel celui du Loch ness, réapparaît toujours au moment opportun est un outil, savamment utilisé par les opposants à  la Sécu de 1945. 

La deuxième brèche au principe de solidarité, est la fiscalisation de la Sécu. Successivement, des décisions politiques ont permis que certains pans de la Sécu soient financés par l’impôt et non plus par la richesse produite par le travail. Ainsi, en 1990 le gouvernement Rocard, au prétexte d’étendre l’assiette des cotisations à tous les revenus, crée la CSG (Contribution Sociale Généralisée) ; cet impôt finance une partie du régime général (maladie, prestations familiales) et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Son taux, de 1.1 % à l’origine, a atteint 9.2 % en 2018, suite aux mesures « Macron », supprimant les cotisations salariales des assurances maladie et chômage ; cette décision, perçue par les salariés comme améliorant leur pouvoir d’achat, est une régression majeure - passée presque inaperçue - dans le principe du salaire différé.
Dans cette logique, Juppé, en 1996, pour boucher le « trou » de la Sécu, a créé un autre impôt, la CRDS (contribution pour le remboursement de la dette sociale) qui n’aurait dû être que temporaire…  Ces nouveaux impôts et autres ITAF (impôts et taxes affectés à la Sécu) ont transformé le financement de la Sécu, les chiffres de répartition des recettes des Administrations de Sécurité Sociale entre 1980 et 2010 sont éloquents : les cotisations sociales sont passées de 97.9 % en 1980 à 69.6 % en 2010, alors que les impôts sont passés de 2.1 % à 30.4 %.

La troisième brèche, est la financiarisation. Les résultats comptables de la Sécu ont fait apparaître des recettes amoindries, à partir des années 1970/80, du fait de la conjoncture économique et de la montée du chômage, privant la Sécu de cotisations. Dès lors, le « trou », plus savamment nommé « la dette sociale », a permis de faire appel aux banques privées par l’emprunt, pour la résorber. C’est la mission qui a été confiée, en 1996, à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, l’Etat lui transféra la « dette » pour qu’elle la rembourse, grâce aux recettes de la CRDS et d’une partie de la CSG, et par l’emprunt. Le loup était entré dans la bergerie (voir plus loin).

Cette « dette sociale » d’où vient-elle ? Qui doit la payer ?

La « dette » annoncée, ce n’est pas rien. En 1996, lors de la création de la CADES, elle était de 260 milliards ; 20 ans après (fin 2017) elle est encore de 139 milliards. A ce jour, resteraient plus de 120 milliards à rembourser d’ici 2024. Une dette, c’est une somme d’argent que quelqu’un doit à quelqu’un d’autre. En ce qui concerne la Sécu, qui doit quoi à qui ?

L’Etat, délinquant, doit de l’argent.

Il n’a pas compensé, comme la loi Veil (1994) l’y oblige, les exonérations et exemptions qu’il a décidées au profit des patrons, ni l’amputation des recettes quand il supprime, par ex., les cotisations salariales santé/chômage. Cela ne semble émouvoir personne, pas même la Cour des Comptes. La solution ? Pour libérer l’Etat de cette obligation, le Parlement vote une autre loi : dans la nuit du 22/23 octobre dernier, les parlementaires ont mis fin à l’obligation de compensation. Quid des sommes non versées à la Sécu depuis des années ? En 20 ans, de 1994 à 2013, les exonérations non compensées représentent 48.5 milliards, grevant d’autant les ressources de la protection sociale. Et si l’Etat avait respecté la loi, c’est un excédent prévisionnel 2019 de 2.2 Md du régime général au lieu de 0.4 Md que les comptes de la Sécu pourraient afficher. Qui va financer les mesures d’urgence économiques et sociales, décidées dans la loi MUES du 24.12.2018, pour « calmer » les Gilets Jaunes ? Plus précisément, qui va payer le 1.9 milliard de la suppression des cotisations sociales sur les heures supplémentaires (appliquée au 1.1.2019 au lieu du 1.09), le  1.5 milliard de réduction de 1.7 point du taux de CSG sur les pensions des retraités au revenu inférieur à certains seuils (2000€ pour une personne seule), le 1.2 milliard d’exonération des cotisations sociales de CSG et de CRDS sur les primes exceptionnelles versées aux salariés avant le 1.4.2019 dans la limite de 1000€… Cela représente environ 3 milliards, qui vont s’ajouter à la « dette » de la  Sécu ? Ce n’est pourtant pas une dette, c’est une recette en moins !   

Les salariés ne doivent rien, ils ne sont pas débiteurs, ils sont les créanciers puisque « la cotisation est un prélèvement sur la richesse créée par le produit du travail ». Ils produisent de la richesse qui ne leur est pas reversée. Pire, elle sert à rembourser les emprunts et intérêts aux banquiers, via la CADES.  

Il faut être un fieffé manipulateur pour faire passer une créance pour une dette et les technocrates de Bercy y excellent ! Ce qui fait dire aux défenseurs du système de 1945 : « La dette sociale n’existe pas, pas plus qu’il n’y a de déficit de la sécurité sociale » (2) et les « réformes » des gouvernements successifs, prétendant sauver le système en réduisant les dépenses, méprisent l’obligation constitutionnelle de l’Etat garant de la Sécurité sociale. Ignoré le préambule de la Constitution de 1946 : « la Nation doit la protection sociale à ses citoyens ». Ignorés, la charte de l’ONU (1945), la déclaration universelle des droits de l’homme (1948), les deux pactes internationaux de 1966 sur les droits économiques, sociaux et culturels, obligeant l’Etat à garantir l’accès aux soins et à la santé. Les politiques de rigueur appliquées violent de façon flagrante ces engagements juridiques internationaux au nom de la priorité accordée aux créanciers de la dette publique.

Alors, déficit ou pas ?

Pour répondre à cette question, il faut savoir de quoi on parle. Si l’on examine l’ensemble des comptes des administrations de la Sécurité Sociale (régime général, Fonds Solidarité Vieillesse, Unedic, autres régimes, fonds de réserve retraite), en milliards d’euros, les recettes 2018 sont de 626.5, les dépenses de 612.7, soit un résultat de  + 13.8 (+ 11.7 en 2019). Cette présentation mélange ce qui relève du financement « cotisations » et ce qui relève de l’impôt. En ce qui concerne, plus précisément, le régime général (maladie/accident du travail/retraite/famille), la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale (1), affiche un résultat de + 0.5 milliard en 2018 et de + 0.4 milliard en 2019.                   
Or, le Monde titre le 1er octobre 2019 « Sécu » : le retour à l’équilibre repoussé à 2023, le déficit du régime général va repasser la barre des 5 milliards en 2019 et 2020 selon les prévisions ». Pourquoi ? « Les Gilets jaunes sont passés par là ». Mais les mesures « Gilets jaunes » ne relèvent pas du financement de la Sécu ! Etat menteur ou médias menteurs ? En fait, l’entourloupe tient dans la présentation des résultats, embrouillant les chiffres appelés pour démontrer que le « trou » de la Sécu est toujours là ! Quand le Monde, comptabilise dans les résultats du régime général, le Fonds Solidarité Vieillesse, ce n’est pas correct.  Ce fonds (qui devait être temporaire), créé en 1956 pour verser un minimum vieillesse aux personnes âgées économiquement faibles (carrières incomplètes, cotisations insuffisantes) relève de l’impôt (CSG pour l’essentiel), et non des cotisations. De même, il n’est pas correct d’ajouter aux dépenses de la Sécu, le coût de décisions politiques, comme la validation des périodes gratuites non cotisées (chômage, maladie…) ou autres prestations de solidarité et majorations de pension (conjoint à charge…). En 2018 ces mesures ont représenté 18.8 Milliards (1). Ces charges relèvent de la solidarité nationale et de l’impôt et ne doivent pas être imputées aux comptes de la Sécu. Il en est de même pour les décisions législatives récentes de verser à l’Etat le prélèvement social sur les revenus de placement du patrimoine ou de diminuer la fraction de CSG assise sur les revenus du capital…. Tous ces artifices de présentation ainsi que les dispositifs techniques de transferts entre les branches, entre l’Etat et la Sécurité sociale, les mesures de lissage… rendent illisibles au citoyen non initié les comptes de la Sécu, qui retient le seul message du « trou » qu’il faut bien payer ! Ainsi disparaît le principe de solidarité au profit de l’approche comptable et financière. Les libéraux ont même réussi à inclure la « dette sociale » dans la dette publique globale, que l’UE contraint à maintenir en dessous de 60 % du PIB, argument supplémentaire pour baisser les dépenses.

Parler de « déficit » n’a pas de sens. Les discours sur le trou de la Sécu n’ont, en fait,  que 2 fonctions, l’une idéologique destinée à justifier les « réformes » qui détruisent la protection sociale, l’autre destinée à faire perdurer un système de gestion de la dette sociale inefficace mais ô combien profitable à ses créanciers. Il faut dire que les sommes en jeu sont alléchantes : dépenses 2019 du régime général de la sécurité sociale = 484 milliards (+ FSV = 508 milliards). Dépenses de l’ensemble des organismes sociaux (RG, FSV, Unedic, autres régimes, fonds de réserve retraites = 622 milliards.

Le loup est dans la bergerie depuis 1996

Avant 1996, les comptes de la Sécu étaient soit excédentaires, soit à l’équilibre et l’Etat comblait le déficit par voie de dotations ou par reprise du solde négatif au sein de la dette du Trésor ou le finançait (ex. le FSV). Aujourd’hui, le Parlement vote, chaque année, la loi de financement de la Sécurité Sociale (LFSS) ainsi que l’Objectif National de Dépenses d’Assurance-Maladie (ONDAM). Ce n’est pas un budget mais ce sont des orientations et des obligations, des limites d’augmentation des dépenses, qui contraignent la protection sociale. 

Dans la foulée de la réforme Juppé, l’ordonnance du 24.01.1996 a créé la CADES (Caisse d’amortissement de la dette sociale) et la CRDS. Sans faire de bruit, les banques et fonds de pension ont été introduits dans les comptes de la Sécu. Cet établissement public, sous tutelle du ministère des finances notamment, a pour mission de résorber le « trou de la Sécu » : la « dette » lui a été transférée ainsi que les ressources de l’impôt CRDS et une part de CSG, et comme cela n’allait pas suffire, il est autorisé à emprunter sur les marchés financiers. Il fonctionne comme une banque d’affaires, possède une salle des marchés et a toutes les possibilités des établissements privés de crédit. Il aurait dû disparaître en juillet 2009 ainsi que la CRDS, mais Jospin a repoussé l’échéance à 2014, puis Raffarin…Villepin à 2021, et enfin Fillon à 2025… Le Parlement décide chaque année de la reprise de la « dette sociale » par la Cades. Cette dernière est autorisée à spéculer sur les taux de change des monnaies, à utiliser des instruments très variés pour trouver des financements. Ainsi, la « dette sociale » devient un produit sur les marchés financiers, où la CADES a très bonne cote… on comprend pourquoi… Véritable manne pour les banques et les fonds spéculatifs : plus de 38 Milliards versés fin 2011 au titre des intérêts et commissions. Parlement et autres institutions ne semblent pas particulièrement « émus » de l’introduction des marchés financiers dans cette « affaire » très rentable qui aboutit à ce que la richesse produite par le travail des salariés finance les tenants des marchés financiers !

Et, comme une bonne « affaire » ne va  jamais seule, signalons que la « banque de la Sécu » l’Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale, chargée d’assurer son financement au quotidien, se finance à plus de 60 % sur les marchés financiers, avec des taux d’intérêt qui s’ajoutent à la « dette ». Rappelons, au passage, que l’Unedic a aussi recours à l’emprunt privé pour financer son déficit..

Et voilà comment, dans l’ultralibéralisme financiarisé, la Sécurité Sociale, instituée sur des bases  d’égalité sociale, de solidarité intergénérationnelle et de redistribution des richesses, est devenue, source de profit pour  banquiers et autres fonds financiers !

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Inutile pour Macron de prendre des risques pour attiser la colère sociale en supprimant la Sécu. Les brèches successives dans sa carcasse de 1945 lui font prendre l’eau dangereusement. L’opacité de gestion est totale, ou presque, d’autant que les salariés n’ont plus leur mot à dire dans la gestion qui n’est plus paritaire. Il est encore temps de réagir mais il ne faut plus tarder, la maison pourrait s’écrouler tant les fondations sont grignotées ! Une rupture s’impose pour stopper ce détournement social. Comment ?  En mettant fin au financement de la protection sociale par les marchés financiers, en annulant la « dette sociale » et en supprimant CRDS et CADES, en permettant à la Sécu de retrouver son mode de financement originel : les cotisations patronales assises sur les salaires et l’Etat garant du système. C’est le patronat qui a des dettes envers la protection sociale et non la population ! Un audit citoyen, au minimum, devrait mettre à nu ces mécanismes, dire à qui ils profitent car la seule question qui vaille est : comment satisfaire les besoins de tous, en matière de protection sociale ?

Odile Mangeot, Le 03.12.2019

(1)    Jacques Rigaudiat, blogs.mediapart.fr 
(2)    Que faire de la dette sociale ? Pascal Franchet  cadtm.org/     
(3)    Sources : ccss-juin-209-rg-2019 publié sur  Mediapart