Editorial du PES n° 58 (novembre 2019)
Nouvelles
vagues de soulèvements
En
2011, une première vague de
soulèvements populaires était partie de Tunisie
pour affecter nombre de pays du Moyen-Orient. Elle s’est fracassée sur le mur
d’un parlementarisme de façade à Tunis, de la répression violente de l’armée en
Egypte, de la guerre sanglante menée
par le « boucher » Assad en Syrie…
D’une manière ou d’une autre, « l’ordre » était rétabli au prix de
milliers de victimes et d’une fuite éperdue dans les affres de l’exil. Certes,
quelques dictateurs honnis avaient dû quitter le sommet des Etats qu’ils
avaient mis en coupe réglée. Mais le sort des classes populaires s’était encore
aggravé.
Puis
vint la 2ème vague plus
impétueuse. Partie du Soudan, elle
balayait la représentation dominante islamiste, les femmes entraient dans la
danse des immenses manifestations populaires. Certes, bien que le pouvoir
dictatorial semble avoir été brisé, un compromis instable s’est instauré entre les
forces démocratiques et sociales et les militaires dont nombre d’entre eux sont
d’anciens génocidaires et tortionnaires. En Algérie, ensuite, le pouvoir militaire est acculé, par l’entrée en
scène de tout un peuple dans ses diverses composantes qui envahit les rues et
les places. L’armée, la cohorte de généraux corrompus, refusent de céder leur
pouvoir de spoliation, jouent la carte d’élections présidentielles que refuse
le peuple. Il connaît la musique frauduleuse des scrutins truqués où l’on
reconduit les mêmes sous d’autres masques. Au Liban, le soulèvement populaire provoque la démission d’Hariri, le
milliardaire sunnite, met à mal tout le système confessionnel du pouvoir,
partagé entre les différents clans qui, à Beyrouth, s’enrichissent sur le dos
du peuple ; les masses populaires effacent dans leurs luttes les divisions
mortifères entre chrétiens, maronites, sunnites et chiites. Le Hezbollah,
lui-même, n’est pas épargné, son prestige gagné dans la lutte contre Israël est
écorné par sa croisade criminelle en Syrie.
Puis
vint la houle déferlante sapant la
notoriété chancelante des partis chiites à Bagdad, à Bassora en Irak, suivie « d’émeutes » en
Iran. La répression, les
arrestations, les tortures, ne semblent pas ébranler la détermination des
Irakiens, les tirs à balles réelles ne parviennent pas (encore ?) à casser
la détermination de la jeunesse en colère. En Iran, par contre, la mollahcratie
tue dans un silence assourdissant…
Ce
qui est nouveau, c’est que s’effondrent les représentations religieuses qui
corsetaient les aspirations sociales, c’est aussi la volonté de dégager les
corrompus des systèmes en place. Demeure cette idée d’un gouvernement du
peuple, par le peuple et pour le peuple, sans, pour autant, que les contours
économiques et sociaux soient définis. L’autre leçon connue, que l’on peut
tirer des évènements en cours, consiste à s’imprégner de l’idée que les classes
dominantes s’accrocheront jusqu’au bout à leurs privilèges et à la défense de
leurs intérêts.
A
cet égard, ce qui se passe actuellement en Amérique
latine est révélateur : manipuler les classes moyennes, les dresser
contre un pouvoir à coloration progressiste, au Brésil, en Bolivie et peut-être
au Venezuela, signifie que la contre-révolution au visage le plus répugnant,
tel celui de Bolsonaro, peut l’emporter sur un processus révolutionnaire qui
n’a pas été mené à son terme.
Les
vents mauvais de la misère, de l’austérité, de la corruption des élites,
provoqueront d’autres vagues encore plus puissantes. Elles se heurteront,
certes, à la machine d’Etat répressive ; elles effriteront la prétendue
légitimité des élites mais elles ne parviendront à l’emporter qu’en faisant
valoir une perspective renouvelée du bien commun. Toutefois, ce processus en
cours pourra être dévié par la lutte de tous contre tous, être noyé dans la
guerre commerciale entre les grandes puissances et le nationalisme xénophobe,
sur fond de déréglementation climatique anxiogène.
Cet
avertissement sonne comme un vaste défi vis-à-vis de tous ceux qui luttent pour
une Humanité débarrassée du capitalisme prédateur et réconciliée avec elle-même.
GD,
le 4.12.2019