Macron, en
mal de convalescence de la jaunisse
Cette
grande annonce attendue, révélée, puis différée, pour cause d’incendie de Notre
Dame de Paris, se devait de clore, voire enterrer la mobilisation des Gilets
Jaunes dans laquelle Macron est empêtré depuis de bien trop longues semaines.
La séquence des élections européennes devait ouvrir de nouveaux horizons
politiciens. C’est encore raté.
Et
pourtant, le roitelet de l’Elysée y avait cru. Plus gaullien en apparence que
dans les faits, pendant 2h30 devant les journalistes complaisants, il avait péroré ;
certes, ses propositions étaient vagues, mais c’était la 2ème fois
qu’il lâchait du lest, pour tenter de s’échapper de la nasse des Gilets
Jaunes : baisse des impôts sur le revenu, conseil de Défense ( !) écologique,
maison des services au public dans chaque canton…
Lui
qui s’occupait de tout dans les détails déléguait au gouvernement le soin de la
mise en œuvre de ses orientations. Le séminaire qui s’ensuivit est vite apparu
laborieux ; ça patinait. Ce n’était pourtant pas si difficile d’implanter,
par exemple, 200 maisons de services au public, puisqu’il en existe déjà 1 340 !
« On va en construire 500 d’ici la
fin de l’année » a dit Macron. Plus fort que la réhabilitation de
Notre Dame de Paris ?
Puis,
comme en son temps Sarko, Macron nous a chanté « J’ai changé ». Il allait désormais « mettre l’humain au centre », « au cœur du projet », « écouter les gens » pour faire de la pédagogie plus adaptée,
bref, construire de nouvelles entourloupes. Buzyn, pour faire le buzz,
d’ajouter : « je prends le
sujet des déserts médicaux à bras le corps ». Ce n’est pas très propre
cette calinothérapie… Et patatras, ce fut ce 1er mai qui ne parvint
pas à se couler dans le rituel des déambulations traîne-savates.
Passe
encore que les syndicalistes soient gazés, matraqués, que certains plient
bagages et banderoles, mais Castaner,
avec l’épisode de l’hôpital de la Salpêtrière « nous a gâché la semaine », lança Macron furieux face à l’outrance
de son ministre du désordre public.
« L’attaque » se convertit en « intrusion violente »
alors que les images diffusées démontraient que l’hôpital ne fut qu’un lieu de refuge face à la violence policière. Mais
comment étouffer ces 230 plaintes pour violences policières, qui risquent de
tout gâcher dans les semaines à venir ? Castaner va-t-il ordonner le refus
de les enregistrer ? Et Macron de s’en prendre à la presse : « Qu’on arrête cette querelle de mots ».
Cocasse ! Lui qui en abusait contre ces « Gaulois réfractaires », ces fainéants qui refusent de traverser
la rue pour trouver du boulot, « ces
gens qui ne sont rien » et ces retraités qui n’ont « pas le droit de se plaindre ».
Et
cette campagne électorale qui patine,
qui ne démarre qu’à grand’ peine. Cette Loiseau, à la tête de la liste LRM qui
a tellement appris à marcher au pas, qu’elle ne s’envole pas : elle est en
perdition. Macron se voyant obligé, pour tenter de racoler des écolos, de
descendre de nouveau dans l’arène pour défendre la vie sauvage, sauvegarder les
espèces en voie de disparition, bien qu’il nous assure qu’il manque d’espèces
budgétaires. Ce sursaut écolo, malgré le glyphosate prolongé et le Hulot perdu,
la démago peut-elle faire illusion ?
Pire,
semble-t-il, rien ne va plus, la marche prend des allures de débandade. Il ne peut même plus compter
sur LRM. Une dizaine de ses salariés, sur 90, veulent bénéficier ( !)
d’une rupture conventionnelle ; ils digèrent très mal leurs salaires
« inférieurs de 20 à 30 % à ce qu’ils pourraient obtenir dans le
privé ». Refus de la DRH ! Vont-ils rejoindre les ronds-points ?
D’autres se sont fait la malle dans le privé, comme la directrice de la Com, Pettavino ; ses fonctions sont, depuis,
externalisées, l’agence Havas fera l’affaire. En outre, le recrutement de Paul
Midy, ancien patron de livraisons de repas Frichti, est censé faire prendre la
mayonnaise LRM…
Reste
que Macron espérait avoir rallié les juppéistes, et bien, là aussi, ça ne marche
qu’à reculons. Certains l’ont lâché pour faire liste à part, d’autres, ces
grands maires qu’il a tant soignés, ont rejoint Bellamy/Wauquiez, le reste se
fait très discret et évite de se mouiller : les ingrats ! Alors, Macron
de tonner « il faut maintenant les
prendre les uns après les autres pour qu’ils traduisent leur soutien en acte ».
Vaste programme.
Sans
compter l’abstention, arriver en 2ème place, derrière la liste
lepéniste serait du plus mauvais effet pour la suite du mandat macronien. La
désertion du premier cercle, ses conseillers, pourrait s’amplifier. Jouer au
grand fédérateur de l’Europe néolibérale n’engendrerait que rires sardoniques.
Pire ! Les élections suivantes ne pourraient plus permettre à LRM, ce parti
hors sol, de s’implanter dans les territoires.
Enfin,
il y a tous ces partis de l’ancien monde qui jouent maintenant au plus protectionniste que moi tu meurs !
Qu’ils soient verts, solidaires, made in France, tous les néolibéraux s’y
mettent. « L’Europe macronienne qui
protège », les Français n’y croient plus ; un nouvel assaut
démago n’y changera rien. Qu’importe que ces clameurs soient incompatibles avec
les traités européens, le chapitre XV de la Constitution, et qu’en Europe, une
grande partie des pays émettent une opposition farouche à toute limitation du
libre-échange. Racoler le populo reste la règle politicienne.
Bref,
comme disait Chirac, pour Macron « Les emmerdes volent en escadrilles ».
La dernière en date risque de lui pourrir
la vie jusqu’en 2020. Les Gilets Jaunes ont donné du courage à 248
parlementaires d’opposition, pour lui polluer sa fin de mandat. Cette alliance
contre nature, inédite, a reçu l’aval du Conseil constitutionnel : proposition de loi référendaire contre la
privatisation des Aéroports de Paris,
malgré (ou à cause !) du vote par le Parlement de la loi Pacte, dans
laquelle, elle est inscrite… mais dont les décrets d’application ne sont pas
parus. Ça n’a pas marché assez vite ! Et le gouvernement est obligé
d’annoncer le report de la privatisation et les recettes envisagées pour
satisfaire Bruxelles, avant le décret
gouvernemental, dans le délai d’un
mois maxi, afin de s’engager dans la collecte, pendant le délai de 9 mois, de 4 717 396
signatures. Va falloir également mettre en place un site informatique spécial
pour les saisir. Ensuite, le Parlement
aura à se prononcer dans un délai de 6
mois. Si l’une des deux Chambres refuse, ce sera… enfin ! Le
référendum. Macron, qui proposait de simplifier le RIP (Référendum d’initiative
populaire), risque d’être ripoliné en jaune pendant toute cette période agitée.
Bref, malgré toutes ses contorsions, pas moyen pour le 1er de cordée
de se guérir de cette jaunisse…
On
peut toutefois espérer que la séquence qui va s’ouvrir dissipera les brumes
confusionnistes de l’Europe néolibérale en accentuant ses propres contradictions.
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres tant que résonnent les bruits de bottes
sécuritaires, xénophobes. Qui plus est, les illusions électoralistes
persistent. Jusqu’à preuve du contraire, il faut s’en tenir au bon mot de Coluche : « Si voter changeait quelque chose, il y a
longtemps que ça serait interdit » !
GD
le 12 mai 2019