L’insubordination
qui vient
Editorial de
PES n° 68
En
cette fin d’année, l’on peut tenter de regarder dans le rétroviseur pour mieux
voir au-delà de l’horizon. Le rejeton adultérin de Rothschild et de Hollande
prétendait rattraper le retard de la France dans l’application du
néolibéralisme. Promu par ses parrains, Arnaud Lagardère, Xavier Niel… il
pensait pouvoir, à lui tout seul, incarner l’UMPS - tant décriée par la Pen -
après l’effondrement de ses deux partis concurrents, ainsi qu’une orientation
thatcherienne. Soutenu par une majorité recrutée sur curriculum vitae, il
entama son détricotage encore plus prononcé du code du travail et du régime des
retraites. Il lui fut opposé, comme de tradition, des luttes défensives face à
ses contre-réformes. Persuadé que son autisme allait épuiser l’énergie des manifestants,
il en rajouta une couche avec la taxe renchérissant le prix de l’essence, pour
apparaître plus vert. Mal lui en prit.
Dans
les profondeurs de la société, et surtout dans la périphérie, surgirent les Gilets Jaunes. Cette
irruption des classes populaires, non encadrées, va troubler le jeu. Il avait
osé prétendre, face à certaines récriminations : « Qu’ils viennent me chercher ! ».
Les Gilets Jaunes le prirent au mot « On
est là » et on veut aller à l’Elysée. Il ne s’agissait plus de
demander seulement l’annulation de la taxe mais le renvoi du petit roi, sa
démission. A la sempiternelle manifestation de la Bastille à la Nation, ils
préféraient s’inviter dans les lieux de pouvoir et de résidence de la haute
bourgeoisie. Cette effervescence
populaire avec assemblées citoyennes, et dans l’action, délepenisa très
rapidement quelques esprits qui subissaient cette influence, tout en produisant
des revendications propres à déligitimer le régime. Et ça dura. Le pouvoir utilisa une méthode déjà expérimentée contre
la ZAD de Notre Dame-des-Landes et les manifestations de la COP 21. De samedi
en samedi, les Gilets Jaunes étaient toujours là. Malgré les éborgnés,
traumatisés, blessés et enfermés (plus de 6 000 arrestations !). Et
le petit Bonaparte dut ôter un habit trop large pour lui, céder sur la taxe et
lancer quelques miettes. Le mouvement persévérant, il dut sortir de son palais,
se produire en province, pour un grand déballage de bons sentiments
démocratiques. On était loin de la start-up nation et de son souhait que
« des jeunes aient l’ambition de
devenir milliardaires ».
Après
tout ce bla-bla, souhaitant conquérir une partie de l’électorat vert, face aux Marches
pour le Climat qui s’imposaient dans le paysage, il réunit une Convention Citoyenne, tirée au sort,
pour se mettre une nouvelle épine dans le pied. Cette dernière aboutit, en
effet, à nombre de revendications qui ne pouvaient pas être mises en œuvre dans
le cadre du néolibéralisme. Après de chaudes salutations, elle fut enterrée.
L’on peut penser que les traces jaunes
des Gilets, celles vertes de ceux
qui s’en prennent au capitalisme mortifère pour l’écosystème, resteront des marqueurs indélébiles dans
l’histoire récente.
Puis
vint le Covid-19. Malgré les
informations, provenant de Chine et même d’Italie, puis d’Alsace, l’on assista
à une succession de mensonges d’Etat
visant à camoufler l’irresponsabilité
crasse de ce gouvernement et des précédents. Buzyn déclara « Nous avons des dizaines de masques en stock »
puis, face à la pénurie, on décréta en haut lieu que « les masques étaient inutiles »
puis, dans la panique, des stocks provenant des pays étrangers nous parvinrent.
L’on assista, dès lors, à une gestion calamiteuse de la crise sanitaire où se
succédèrent des injonctions
contradictoires, confinement et reconfinement, avec de telles inégalités de
traitement que le pouvoir se caractérisa
par l’art de hérisser les couches sociales qui lui étaient acquises. Entre
temps, il fallut faire appel aux
derniers de corvée pour assurer un minimum de fonctionnement de l’économie et
l’on vit nombre des premiers de cordée se réfugier en province. Puis l’argent magique - introuvable
jusqu’alors - fut déversé à flots « quoiqu’il
en coûte ». Toutefois, cette pandémie accrut le nombre de pauvres de 1
million de personnes, s’ajoutant aux 9 millions déjà dans la panade, ainsi que
800 000 chômeurs de plus.
Malgré
les interdictions de se rassembler, la peur répandue, les manifestations se succédèrent contre le racisme, pour la
défense du service public de santé… La répression
policière, commanditée par Darma-le-nain, se déchaîna, en particulier,
contre les migrants.
Ainsi,
après le 65ème démantèlement
d’un campement d’exilés à
Saint-Denis, les sans-toits et sans-papiers se regroupèrent place de la
République avec le soutien des organisations de défense de leur cause. C’était
là une injure à la République bourgeoise qui ne saurait admettre de voir tous
ces pauvres hères démunis, au sein de la capitale dite des Droits de
l’Homme ! La hargne policière était à son comble, les coups se mirent à
pleuvoir, les toiles de tente furent confisquées et les migrants, éparpillés,
durent quitter, comme ils purent, le centre de Paris sans solution
d’hébergement. Face à ce déchainement de racisme
et de violence, que l’on ne pouvait cacher, vu les images qui circulaient,
plus particulièrement sur les réseaux sociaux, que l’on ne pouvait nier, la
langue de bois pâteuse fut répandue, pour tenter de ripoliner l’image de ces
spadassins. Castaner l’avait déclaré : « Je ne vois aucun policier qui ait attaqué les Gilets Jaunes »,
Macron à l’ego boursouflé, lui, ne voyait que des « infiltrés » qu’il
fallait réprimer. Son injonction
d’interdiction de parler de « violences policières » fut
adressée aux journalistes. Face à ces successions de bobards, le pouvoir en
vint à parler qu’il y avait bien quelques « brebis galeuses » dans la police, ce qui expliquait quelques
bavures, mais le « bon peuple » face à leurs successions
commença à trouver qu’il s’agissait d’un troupeau bien vérolé. Surtout parmi
les BAC et autres Brigades d’Intervention Rapide, dont certains agissaient cagoulés. Malgré
tous les discours se voulant apaisants, paternalistes, qui infantilisaient la
population, la colère ne s’apaisait pas.
Ne restait dès lors qu’à produire des lois encore plus liberticides que celles
qui avaient été mises en œuvre jusqu’à présent.
Et
ce fut la proposition de loi « Sécurité globale » où il
s’agit essentiellement de protéger la police, dernier rempart du pouvoir, et de
bâillonner la presse. Alors même que l’on avait assisté à un matraquage de
manifestants, c’est l’intégrité physique et psychique des policiers qui devait
être assurée ! Il faut dire que la pression débridée de syndicats de
police d’extrême droite avait poussé le pouvoir, affolé, à en remettre une
couche et à cajoler sa garde prétorienne. Les agressions de journalistes,
notamment lors de la Marche des Libertés, laissaient
apparaître que ce cache-sexe de la brutalité répressive faisait surgir une indignation encore plus
prononcée. Dans le secret du palais de l’Elysée et du Conseil de Défense, l’on
cherche une vaine parade, en particulier pour une réécriture brouillonne de
l’article 24, de cette législation déjà votée à l’Assemblée Nationale, alors
même qu’elle doit passer au Sénat !
Et les députés « en Marche » de tituber pour chercher un
chemin dans cette impasse. Sans conteste à leur secours, les chefferies
éditoriales tentent de rassurer l’opinion pour occulter leurs
propres turpitudes.
En
effet, le pouvoir ne peut plus guère compter sur l’apathie, l’atomisation
des masses populaires, le rôle des réseaux
sociaux, des journalistes indépendants, vient troubler la pensée molle déversée par les boutiquiers des médias
dominants. Inverser la réalité, travestir les faits, éructer leur mépris de
classe vis-à-vis des humiliés et des exploités, devient de plus en plus
difficile. Les cerveaux sont de plus en plus indisponibles à leurs commentaires
sentencieux. Sont-ils en train de perdre la bataille de la communication
propagandiste du pouvoir ? Et
pourtant, tout a été essayé pour construire
l’ennemi intérieur qui, au fil des séquences, change de visage pour
répandre la peur. Après les musulmans,
ce seraient les infiltrés de l’ultra
gauche qui commanditeraient un séparatisme factieux. Comme au temps de
Marcellin « la matraque », le pouvoir prétend qu’il y aurait un chef
d’orchestre clandestin. Incapable en effet depuis des années de s’en prendre, de manière ciblée, aux
salafistes et aux terroristes, dans la mesure même où il cajole les pétromonarchies
wahhabites, il sème le racisme antimusulman et la peur d’une ultragauche
fantasmée. Le petit roi est nu. Faut-il rappeler à cette caste au pouvoir,
certaines leçons de l’histoire ? En 1789, le peuple s’est armé de piques
et a brûlé les châteaux sans qu’on lui en donne la consigne.
En
tout état de cause, le mal est profond.
A vouloir à tous crins assurer le paradis
des riches, construit sur l’enfer des pauvres, le pouvoir révèle sa propre
nature. Désormais, la crise du néolibéralisme et ses conséquences provoquent
une crise du consentement. Ce qui vient n’est guère rassurant pour cette
ploutocratie : l’économie droguée aux crédits fait exploser le
surendettement global ; rien qu’en France, en 2007, il représentait 1.7
fois le PIB et en 2017, 2.7 fois. Il paraît évident que la crise sanitaire va
faire exploser ces chiffres. Demeure, en outre, comme horizon, l’écocide en
cours de la planète qui constitue, comme la finance débridée, le terreau des luttes à venir.
Certes,
la peur du déclassement, de la précarisation, des faillites, peut tétaniser,
tout comme le surgissement des classes dites « dangereuses » des
quartiers populaires. Et l’on va assister au déversement de propos faisandés
qui seront autant de déballages de bons sentiments pour rassurer la classe
moyenne ébranlée. Il faut bien continuer à masquer l’impudence des 1 %, cette
nouvelle classe privilégiée, où la corruption est généralisée. Qui peut douter
qu’avec les moyen des paradis fiscaux, de la fraude et de l’optimisation
fiscales, on a à faire à une véritable maffiacratie qui a besoin, pour dominer,
d’une caste de charlatans et de bonimenteurs pour maintenir sa
suprématie ?
Et,
dans ces circonstances, le pouvoir ne peut que s’ensauvager, tout en tentant de diffuser une pensée épicière, capable
encore de capter une clientèle sur le marché électoral.
Au-delà
de l’horizon immédiat, se dressent les prochaines vagues de révoltes qui
continueront à effriter la falaise
des dominants. En effet, les luttes de la dernière période prouvent que l’aquoibonisme
est en recul malgré la répression et l’on voit s’agréger, dans les
manifestations, des secteurs qui n’avaient guère l’habitude d’y participer
(petits commerçants, restaurateurs, artisans…). Le pouvoir peut craindre que la
jeunesse étudiante et des quartiers populaires, fasse irruption. Elle commence
déjà à être de plus en plus présente (sur le climat, le racisme, les violences
policières). L’époque qui s’ouvre pourrait bien être l’ère d’une succession de révoltes inter-réagissant d’un pays à
l’autre. Toutefois, la convergence des luttes, l’émergence d’un projet
politique de transformation sociale ne sont pas encore à l’ordre du jour malgré
les pas faits en ce sens par les Gilets Jaunes. Un autre aspect de la réalité à
venir doit être pris en compte, à savoir la campagne électorale présidentielle
qui s’annonce. Les Insoumis
pourraient infuser parmi les classes populaires, des mesures alternatives au
système contribuant à les politiser. Il n’empêche, même s’il apparaît probable
que Mélenchon puisse être présent au second tour des présidentielles, rien ne
sera réglé pour autant : obtenir une majorité à l’Assemblée nationale ce
ne sera pas une mince affaire, qui plus est, face à un Sénat très
droitier, et ce, sans compter sur l’acharnement médiatique qui tentera de
flétrir cette candidature. En tout état de cause, ce seront les luttes
populaires qui permettront de casser, pour le moins, les politiques
néolibérales. « Dès qu’il y a la volonté, il y a un
chemin ».
GD,
le 01.12.2020