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Généraux, gangsters et djihadistes
Pour saisir la raison de la
contre-révolution arabe, l’auteur analyse d’abord les constructions historiques
qui ont prévalu lors des indépendances arabes : des cliques putschistes se
sont emparé du pouvoir, accaparant les ressources, développant la corruption,
utilisant les rentes, notamment pétrolières, pour édifier une domination
mamelouk suscitant une dynamique maffieuse.
Pour l’auteur, la « guerre globale
contre la terreur » menée par les Etats-Unis et ladite communauté
internationale, fut une aubaine : les menaces djihadistes justifient les
répressions multiformes (arrestations, tortures, disparitions…) et les guerres
en Syrie, en Libye, au Yémen… Le chapitre consacré à l’Egypte et au coup d’Etat
d’Al Sissi est particulièrement instructif sur la manipulation des
manifestations contre le gouvernement Moubarak, puis celui issu d’élections
(Mohamed Morsi). Il révèle par quel processus les aspirations de la place
Tahrir furent trahies. On peut, peut-être, contester certaines thèses de
l’auteur, en particulier sur la prétendue alternative tunisienne, il n’en reste
pas moins que la richesse des analyses mérite d’être connue. GD
Jean-Piere
Filiu,
La Découverte, 2018, 22€
Une histoire de la Révolution française
L’auteur fait apparaître qu’au sein même
de la Révolution française, deux voies s’opposèrent, au-delà des personnages
célèbres ; c’est celle du peuple - les femmes, les paysans, les artisans -
qui permit d’éviter l’instauration d’une monarchie constitutionnelle. Le roi
n’avait convoqué les Etats Généraux que pour éviter la banqueroute et
prétendait instaurer de nouveaux impôts. Les trois Ordres convoqués par les
Etats Généraux furent très vite confrontés aux émeutes populaires, à la révolte
des paysans qui s’en prirent aux châteaux et le Tiers Etat s’institua comme
représentant du peuple. L’incandescence révolutionnaire fut à son comble
lorsque le roi s’enfuit et fut arrêté à Varennes. Les Girondins, monarchistes,
furent vaincus d’autant que le peuple se dressa pour combattre l’invasion
étrangère et la réaction vendéenne. L’assemblée élue avec son système
d’assemblées primaires avait déjà mis en œuvre, lors de la nuit du 4 août,
l’abolition des privilèges et la Convention se radicalisa sous la pression
populaire. Redécouvrir les années 1792 et 1793 est d’autant plus important que
la bourgeoisie thermidorienne, qui finira par l’emporter, tenta de masquer les
réformes démocratiques et populaires mises en œuvre, réduisant ce moment
historique à la Terreur. Thermidor est en effet le moment où la bourgeoisie
parvint à assurer son hégémonie après l’écrasement des complots, manigancés de
l’étranger. GD
Eric
Hazan,
la fabrique, 2012, 22€
Paris, bivouac des révolutions. La Commune de 1871
L’histoire complète de cette
insurrection souveraine qui nous est contée va bien au-delà des faits et
interprétations, jusqu’ici admis. Après la défaite de Napoléon III à Sedan, le
siège prussien de Paris, le peuple se souleva dans un élan patriotique et
s’opposa progressivement aux Versaillais qui entendaient négocier avec
Bismarck. Les bourgeois, minoritaires,
s’étant enfuis, ne restait à Paris que le peuple qui institua la Commune de
mars à mai 1871. Les Communards de toutes tendances démocratiques (jacobins,
internationalistes, anarchistes), après s’être appuyés sur la Garde nationale,
instaurèrent un véritable pouvoir populaire. Les réformes qu’ils instituèrent,
la place des femmes, l’éducation, sont autant de signes qui imprègnent toujours
les aspirations populaires d’aujourd’hui. La Commune n’est pas morte. Si elle a
subi nombre de déformations historiques, n’en reste pas moins, au regard du
travail d’historien réalisé par l’auteur s’appuyant sur nombre d’écrits et de
témoignages du moment, qu’elle nous parle encore. Son écrasement dans le sang
prouve, si besoin en était, que la bourgeoisie réactionnaire est prête à user
de tous les moyens pour conserver et asseoir son pouvoir. GD
Robert
Tombs,
ed. Libertalia, 2016, 20€