Compétence
et responsabilité des élus
De nouvelles
preuves accablantes
Les
deux derniers principes qui tiennent notre système politique debout sont des
arguments en mousse.
Quand
on en vient à évoquer le sujet de la démocratie réelle, et donc directe, avec
un partisan de notre système politique actuel (qu'il soutienne ou fasse partie
de la majorité ou de l'opposition), deux arguments sont généralement mis en
avant comme derniers remparts contre la chienlit : la compétence et la
représentativité.
Les élus sont compétents. Ah bon ?
La
plus grosse mystification de l'élection est de nous faire croire que, comme par
enchantement, le fait de sélectionner des gens parmi une liste qu'on n'a pas
choisie, et qui est établie à partir de critères totalement décorrélés de la
notion de compétence (en gros : se présente qui veut), les gens qui sont élus
sont intrinsèquement plus compétents que les citoyens qui les élisent.
L'élection
les rend littéralement compétents, alors qu'ils ne l'étaient pas avant, quand
ils n'étaient encore que de vulgaires citoyens. C'est à dire, je suppose, que
puisqu'une majorité de suffrages ont été exprimés en leur faveur, ce ne
sont nécessairement pas les derniers des crétins comme les électeurs le sont a
priori. Bon, l'énoncé même de cette affirmation est problématique puisqu'on a
d'un côté des gens supposément idiots (les électeurs) qui sont quand même
capables de produire un choix éclairé malgré leur étroitesse d'esprit, de
l'autre côté une personne issue du même contingent d'abrutis (l'élu) qui se
retrouve tout d'un coup frappé par la grâce et doté d'une intelligence
supérieure qui le rend compétent.
À
partir de ce présupposé fragile, on considère que les assemblées d'élus, par
exemple les parlementaires, sont généralement mieux éduqués, plus instruits, et
ont une hauteur de vue supérieure à celle des citoyens. Bien sûr, chaque jour
qui passe, chaque loi votée, chaque intervention télévisée d'un député ou d'un
sénateur nous fait grandement douter de ce postulat. On a même l'impression que
ça empire au fil des années. Prenons quelques exemples de députées élues LREM :
Bon
je n'ai que des femmes, là, sous la main à vous montrer, mais n'y voyez aucun
sexisme, en général les hommes sont plutôt empêtrés dans des affaires
politico-judiciaires, chacun son truc ! Le patron de la police, c'est à dire notre ministre de l'intérieur était d'ailleurs entendu pour
une affaire de viol cette semaine. En tant que "témoin
assisté", j'imagine que ça veut dire que c'est lui qui tenait la victime
pendant l'acte mais qu'il n'a rien fait lui-même... Bref. je m'égare.
Cette
semaine également est paru un sondage commandité par l'ADEME sur les
"Représentations sociales du changement climatique". Alors c'est
intéressant parce que l'idée communément admise c'est que les français sont
trop attachés à leur SUV diesel pour s'occuper du climat et donc les élus qui
représentent si bien nos intérêts et nos idées ne font que traduire ces
préoccupations en se dépêchant de ne rien faire pour l'environnement. Une
majorité de français veulent bien faire des efforts et n'accordent qu'une
confiance limitée aux progrès technologiques pour nous sauver des contraintes
climatiques. Chez les parlementaires au contraire, on accepte moins volontiers
de changer ses petites habitudes et on pense qu'avec une poignée de voitures
électriques et quelques panneaux solaires, ça devrait bien se passer.
Tout
individu qui a un peu travaillé sur ces questions sait qui a raison ou tort à
ce sujet. Nos parlementaires dont c'est le job (grassement payé) de travailler
ces dossiers et de prévoir les conséquences à long terme de nos modes de vie et
de nos choix économiques sont à la traîne.
Et
je suis certain que chacun dans vos domaines d'expertise, vous avez pu vous
rendre compte à quel point les députés et sénateurs sont à l'ouest, sur à peu
près tous les sujets. Les élus ne sont pas seulement incompétents, ils
incarnent l'incompétence.
Notre démocratie est représentative. Mais de quoi ?
L'autre
argument tarte à la crème pour justifier d'une représentation élue, c'est le
fait de porter la parole de tous les français dans l'hémicycle, toutes les
régions, tous les courants de pensée... Cela présuppose bien sûr que tous les
courants de pensée sont déjà représentés parmi les candidats, pour qu'on puisse
en choisir un qui nous correspond. Par exemple, moi qui pense que les élections
ne permettent pas la démocratie, il faudrait que je trouve un(e) candidat(e)
qui se présente aux élections avec le programme affiché d'en finir avec les
élections. Top crédibilité ! Et comme il faut nécessairement voter pour un seul
candidat, il faut embrasser tout son programme. Je plains les écolos
pro-nucléaire, les chefs d'entreprise homosexuels , les souverainistes de
gauche et les xénophobes non libéraux car ces cases n'existent pas dans le
paysage politique français, alors que j'ai déjà rencontré des électeurs qui
ressemblent à ça...
Mais
revenons au sondage de l'ADEME qui illustre bien le problème également : si les
français sont plutôt partagés sur la bonne façon de relancer l'économie du pays
après la crise sanitaire, avec une majorité de 55% qui pensent qu'il faudrait
quand même commencer à soutenir plutôt les activités qui préservent
l'environnement, les parlementaires sont, eux, aux trois quarts convaincus
qu'il faut relancer l'économie coûte que coûte, sans se préoccuper de ces
conneries d'environnement.
Manifestement,
les parlementaires ne représentent absolument pas l'ensemble de la
population, nos idées divergent même grandement. Alors je peux entendre que
cela ne doit pas être la rue qui gouverne, parce que des manifestants, même par
milliers ne sauraient représenter l'avis de la population complète. Mais que
penser alors de quelques centaines d'élus dont les opinions sont à ce point
différentes de la population ?
Principes du gouvernement représentatif
En
tant que modeste blogueur intermittent, évidemment, je peux me tromper. Mais
quand je lis la plupart des penseurs et politologues de notre époque (Manin,
Sintomer, Castoriadis, Dupuis-Deri...) et des époques bien plus lointaines
(Aristote, Montesquieu...), tous s'accordent à dire que le système
représentatif est incompatible avec l'idée même de démocratie, et qu'il a même été
conçu pour ça ! Nous élisons, tous les cinq ans, des gens incompétents et
non représentatifs pour tout décider à notre place. Et on s'étonne que ça
ne marche pas très bien ?
Ayons
au moins l'honnêteté intellectuelle de ne plus appeler ça
"démocratie".
Merome –
16.12.2020 Jeux de société