Crise du lait.
Pour qui ? Pourquoi ?
Le 20 décembre dernier, nous étions à
Ban-sur-Meurthe, à l’appel de la confédération paysanne pour soutenir le paysan
de la ferme de Sainte Agathe dans les Vosges, producteur de lait bio, en trop
petite quantité selon Lactalis, pour que ce
géant laitier daigne ramasser le lait de cette ferme et le menace
d’arrêt de collecte ! Ce 12 janvier, à l’appel de la confédération
paysanne et d’un large Collectif, nous soutenions Dominique Henry, institutrice
et paysanne du Haut-Doubs en retraite (qui était, avec son mari, productrice de
lait pour le comté), poursuivie au tribunal pour son action syndicale :
elle a participé au printemps 2015 au démontage, sans violence, de la salle de
traite de la ferme des Mille Vaches ; par ce geste symbolique, elle
dénonçait avec 60 autres militants, l’agriculture industrielle qui ne respecte ni
les femmes et les hommes (producteurs et consommateurs), ni les animaux et la
nature. Dominique a refusé le prélèvement ADN, estimant que l’action syndicale
ne le justifie pas et qu’elle n’est pas une criminelle : elle était convoquée
au tribunal de Montbéliard (peine encourue : 1 an de prison et
15 000€ d’amende) (cf encart ADN). Ces deux exemples illustrent, par
le concret, la guerre déclarée à l’agriculture paysanne face à la course folle
de l’agriculture industrielle.
Les petits doivent disparaître…
et pourtant…Si l’on mesure les
résultats des deux concepts d’agriculture, point n’est besoin de tergiverser.
L’agriculture paysanne (et notamment les producteurs bio) s’en sortent. La SCEA
de feu monsieur Ramery, produit, sur sa
ferme des 1000 vaches dans la Somme, du lait en quantité industrielle. Gérard,
le paysan producteur de comté bio et sa femme vivent sur une ferme de 34 vaches
(43 hectares), en coopérative. Il produit, il récolte et il vend (à la
coopérative) ; ainsi « je
pratique le socialisme autogestionnaire sans le savoir »,
souligne-t-il comme un clin d’œil aux LIP en lutte en 1973.
Il mesure les deux systèmes selon les critères :
employer, produire, préserver l’environnement et le territoire.
La ferme des 1 000 Vaches emploie
entre 18 et 20 salariés, précaires (en CDD), qui traient les vaches 8 heures
par jour (pas plus enthousiasmant que la chaîne à PSA !). Les 21 petites
fermes (dont la sienne), en coopérative, emploient environ 50 salariés : une
quarantaine de paysans (2 par ferme) et les salariés de la coopérative.
La ferme des 1000 vaches produit 8
millions de litres de lait par an, acheté (pas cher) à 250€ la tonne par Milcobel,
une « coopérative » belge qui ramasse 2 800 producteurs. En
fait, ce sont les aides publiques à la production du méthane, à partir des
déjections des vaches et des boues, qui permettent sa compétitivité sur le
marché ; ce soutien public à l’agro-industrie se fait au nom du
développement durable ( !) et de la transition énergétique ! Le
méthane est transformé en électricité, revendue à EDF à un tarif très
préférentiel. Les paysans, quant à eux, vendent leur lait bio de qualité à 450/500€
la tonne. Une vache « conventionnelle » produit environ 7000
litres/an, une vache industrielle 8000 voire plus et une vache en bio 5000
litres, en moyenne.
Quant à la préservation de
l’environnement et du territoire : la ferme des 1000 vaches a besoin, en
plus de ses hangars à vaches, de 3 000 hectares autour de la ferme pour
épandre les 40 000 tonnes par an des boues résiduelles ; les sols
sont pollués par les épandages et les flux de camions pour livrer les aliments
nourrissant les vaches, pour enlever les boues, collecter le lait, etc. sont
incessants pour les villageois environnants. Aucune valeur ajoutée pour le
territoire, bien au contraire. Le paysan, lui, entretient les prairies,
préserve la faune, la flore et la nature : il vit, travaille au pays, c’est
une valeur ajoutée au service du territoire.
Alors pourquoi la ferme paysanne
n’est-elle pas promue par le ministère de l’agriculture et au-delà par l’Union
européenne ? N’est-ce pas du développement durable ?
Parce que nous sommes en système capitaliste
financiarisé et que « nos » gouvernements ont fait le choix des
multinationales du lait : produire
plus pour exporter plus… et donc, être
compétitif. Jusqu’à quand ?
Jusqu’à la disparition des paysans remplacés
par des usines à vaches parsemant le territoire européen ? Pour le moment,
c’est ce qui se passe. En 1990, la France comptait 200 000 fermes, en
2010, il en reste 60 000. Chaque année, entre 2000 à 2500 élevages
disparaissent mais le volume de lait produit ne baisse pas et pour cause :
en 2015, il y avait 20 fermes de 200
vaches et plus, elles seraient 2000 en 2020. Si les prix du lait ne sont pas
régulés, la disparition des exploitations correspondra à un vaste plan de
licenciement d’environ 45 000 emplois, d’ici 10 ans. Grossir ou mourir :
le taux de cessation d’activité en 2016 a atteint 9% (soit le double de
2015) ! Pour grossir, les exploitants s’endettent et n’en finissent pas de
rembourser leurs prêts ; il suffit d’une mauvaise année en récolte, comme
en 2016, pour anéantir les exploitations trop fragiles. Par ailleurs, la
profession agricole est celle qui compte le plus de burn-out et de suicides :
entre 400 et 800 paysans se suicident chaque année en France.
Sauf pour quelques irréductibles
(encart Nous sommes des petits paysans),
le mythe du paysan autonome qui fait lui-même ses choix de production, a vécu.
Il ne décide pas, sur un territoire donné, de produire pour les besoins de la
population locale. Il est un OS sur la chaîne du lait (ou sur la chaîne des
céréales pour celui qui est céréalier ou sur la chaîne du porc pour celui qui
est porcin…). Ce n’est pas lui qui discute le prix du lait, ce sont les
multinationales de l’alimentation. Et même les producteurs bio en coopérative
sont coincés dans le système de production actuel dépendant du marché mondial, néanmoins
moins dépendants lorsqu’ils constituent de « vraies » coopératives,
où les paysans ont leur place à égalité avec les acheteurs pour fixer le prix
d’achat.
Le prix du lait
L’Union européenne (et donc la France)
a fait le choix d’entrer dans le marché mondial, même si elle n’exporte
qu’environ 10 à 12% de son lait, l’essentiel de sa production étant
autoconsommée dans les pays. La production et la consommation mondiale de lait
sont de l’ordre de 800 millions de tonnes par an, mais le marché mondial des
produits laitiers ne porte que sur 8% de la production totale soit 65 millions
de tonnes. Trois exportateurs fournissent plus de 70% du marché mondial :
la Nouvelle-Zélande, l’UE et les Etats-Unis. Leurs modes de production
différents, les aléas climatiques et les prix des céréales, font flamber ou
chuter les prix mondiaux. La Nouvelle-Zélande est très
« compétitive » : elle a en moyenne 400 vaches par ferme,
chacune étant gérée par 2 personnes ; les vaches sont au pâturage toute
l’année, ce qui évite les charges d’investissements, d’entretien de bâtiments, etc. ; la distribution est
assurée par une seule structure : la « coopérative » Fonterra (forte
de 4 millions de litres fournis par 5 millions de vaches). La Nouvelle-Zélande
est très présente à l’OMC et fournit principalement la Chine. Quant aux
Etats-Unis, ils ont de gigantesques élevages de 1 000 à 30 000
vaches, prisonnières dans des fermes hors sol dont elles ne sortent
jamais : ni frais d’investissement ni frais fonciers et, pour travailler
dans ces fermes, des ouvriers mexicains mal payés.
L’UE, face à ces deux colosses, doit
produire de la poudre de lait (le marché du lait c’est essentiellement la
poudre de lait, la part du beurre et des fromages est très restreinte) moins chère
pour être concurrentielle. En 2014, l’UE a trop produit ; parallèlement,
l’embargo russe et le coup de frein des importations chinoises ont entraîné une
surproduction européenne. En 2015, cela s’est poursuivi ; de plus, la PAC
(Politique Agricole Commune) a mis fin, le 1er avril, aux quotas
laitiers. La demande interne n’ayant pas augmenté, en 2016, le prix du lait
s’est effondré à 257€ la tonne (305€ en 2015, 365€ en 2014). Le prix du lait
2016 est équivalent à celui de 1986 ! La « crise » du lait n’est
pas un accident imprévisible mais le révélateur des effets de la dérégulation
programmée par la Commission sans nouvelles mesures de sécurisation des
revenus. Manifestations importantes, pressions sur le ministre Le Foll ont
abouti fin août à un accord à 290€ la tonne alors que la production d’une tonne
de lait est estimée à 374€. Le prix de production comprend 50€ de charges de
culture (semences, engrais pour cultiver les céréales qui nourrissent les
vaches, 133€ (aliments, vaccins, antibiotiques, insémination), 42€ en frais de
fonctionnement (essence/réparations…), 51€ en amortissement, 98€ en charges
diverses (emprunts, assurance…) et ce, sans compter la rémunération du paysan.
Mais la concurrence n’est pas que
mondiale, elle est intra-européenne. La France a un prix du lait supérieur à
celui de l’Allemagne ou de l’Irlande ; pour cette dernière, maintenant ses
troupeaux dans les prés, il est à 250€ la tonne. Le Danemark, champion de la
productivité grâce à une robotisation extrême et aux vachers ukrainiens mal
payés, inonde le marché européen, même si ses paysans sont très endettés. Pour
répondre à ces réalités, Le Foll n’a pas d’autre proposition que : « il faut être compétitif », cela
signifie être plus gros pour être ramassé par les collecteurs, être dans la
course sans fin sur le volume et les produits à vendre. Mais la marge
financière dégagée depuis les années 2000 bénéficie exclusivement à l’industrie
qui transforme le lait et à celle qui le distribue. Le ½ litre de lait écrémé
est vendu 78 centimes d’euros alors qu’il est acheté à moins de 30 centimes. Si
le prix à la tonne ne remonte pas au-dessus de 300€, c’est la mort des
producteurs. S’il passe à 350€, cela entraînera du réinvestissement pour
produire plus... qui engendrera une crise de surproduction… et la chute du prix
d’achat…spirale sans fin. Sans régulation des volumes, il n’y a pas d’avenir.
Si on laisse faire sans réguler, le prix du lait va chuter et les fermes
disparaître.
Les quotas laitiers, mis en place par
l’UE en 1984, ont permis de freiner la production pour éviter que les prix ne
chutent. Les prix garantis permettaient de freiner la concurrence sauvage. En
2003, l’UE a décidé de supprimer les quotas laitiers au 1er avril
2015, estimant ce système trop coûteux et contraire à la concurrence pure et
parfaite. Le prix du lait est désormais déterminé par la loi de l’offre et la
demande, sur le marché mondial, sujet aux bulles et crashs déjà connus sur les
marchés des matières premières.
Pour sortir du conflit de l’été 2016, l’UE
a décidé d’injecter 500 millions d’euros pour, d’une part, aider les
producteurs à réduire la production (150 millions), les agriculteurs sont
rémunérés au prorata des litres non produits ; d’autre, part, elle a versé
350 millions aux 28 Etats membres selon le nombre de petites exploitations (la
France à ce titre touchera 50 millions)
Mais, la crise réapparaîtra. Ce sont
les industriels de la filière du lait (collecteurs, transformateurs et
vendeurs) (encart Lactalis) qui font la pluie et le beau temps. Ce sont eux qui
font la politique du lait et qui font baisser les prix d’achat, augmenter la
production, agrandir les troupeaux, quitte à endetter le paysan.
Quelles solutions ?
L’UE est une faible exportatrice en
matière de lait. Elle pourrait décider d’une autre politique, sans
révolutionner le système actuel, en sécurisant son marché interne et en
déconnectant le prix européen du prix mondial. Cela signifierait : dire
Non aux TAFTA, CETA et autres APE (accords de partenariat économiques avec les
pays émergents) en instituant de vrais accords de coopération avec les pays du
sud de la Méditerranée. Au sein du territoire européen, elle pourrait modifier
la PAC actuelle et décider de ne plus distribuer une aide à l’hectare, ce qui
favorise les grosses exploitations ; elle a bien aboli, récemment, le système
de 1992 qui soutenait uniquement les fermes nourrissant leurs bêtes au maïs
ensilage et pas celles qui pratiquaient l’herbage.
Mais, il ne suffit pas de réguler les
prix, il faut aussi une régulation
sociale en refusant de favoriser les fermes usines par rapport aux petites
qui subissent la politique du « dégagez les petits, vous êtes inadaptés pour
la concurrence ! ». Il sera difficile de convaincre l’actuelle commission
européenne et le conseil européen quand on connaît leurs orientations
ultralibérales. Seules les différentes luttes et la défense commune d’un autre
modèle permettraient d’envisager une agriculture respectueuse des humains, des
animaux et de la nature. C’est le projet de la Confédération paysanne qu’il
faut soutenir, celle qui refuse les « fermes-usines » produisant à
outrance et concurrençant les petits éleveurs au mépris de la qualité de
l’alimentation. Il faut refuser dans l’agriculture, tout comme dans
l’industrie, la logique de la productivité, de soumission à la loi du profit
maximum et aux intérêts financiers. Là encore, la bataille est rude, face au
syndicat majoritaire, la FNSEA. La filière bio, en coopératives autogérées, est
un autre moyen mais elle ne représentait en 2015 que 2 400 fermes (+ 330 en
cours de conversion) et se convertir est un investissement lourd et parfois
impossible pour le paysan endetté.
Les puissances industrielles et
financières ne lâcheront pas le modèle d’agriculture industrielle qui les sert
en dividendes toujours plus importants. Ils ne laisseront pas filer cette manne
sans la défendre avec la complicité des gouvernements. En l’occurrence, ils ont
un allié en France, avec un gouvernement « socialiste » qui n’hésite
pas à criminaliser les paysans en lutte, tout comme il le fait avec les
salariés de Goodyear, d’Air France… ou avec les militants ou citoyens
solidaires des exilés sans refuge. Par ailleurs, les agriculteurs ne
représentent plus que 3% de la population française, de quoi à être ignorés par
les politiques même à fins électoralistes. D’ailleurs, allons voir dans les
futurs programmes des présidentiables ce qu’ils en disent…
C’est donc un chantier colossal que
les paysans rebelles ont entrepris. Il peut s’élargir aux consommateurs, salariés
d’industries, commerçants : une cause commune nous réunit, celle d’une
alimentation saine sans produits chimiques substitutifs. Cela passera par une
réappropriation de la décision de production et de distribution de ce que l’on
produit pour réussir à imposer largement, ce que les salariés des LIP en lutte,
avaient réussi à mettre en place : on produit, on vend, on se paie.
Odile Mangeot, le 19.01.2017
Sources :
- interventions de deux paysans en
comté-bio et d’André Pfimlin (recherche/développement sur la filière lait) dans le cadre de la journée de soutien à Dominique
Henry le 12 janvier
- sites de la Confédération paysanne, bastamag,
Reporterre
Pendant
ce temps là… les industriels du lait s’enrichissent
Lactalis : n° 1 mondial dans le
secteur, bien connu avec les marques Lactel, Bridel, Président. Le plus
mauvais payeur en France (257€ la tonne en
2016), il collecte plus de 20% du lait français soit plus de 20 000
paysans, 1 producteur sur 4 environ. Ses concurrents sont Bongrain, Sodiaal,
Bel et Danone. Si ces multinationales tirent leur épingle du jeu, leurs
propriétaires aussi. La famille Besnier (Lactalis) trône en 13ème
position du palmarès des fortunes françaises avec 6.8 milliards d’euros. La
famille Fiévet (Bel) est en 25ème place avec 2.68 milliards…
Criminalisation des militants
Dominique Henry a été placée en garde
à vue le 28 mai 2015 (avec 4 autres militants). Elle y restera 3 jours. Le 30
mai, elle est transférée au tribunal d’Amiens « menottée, encadrée de 3 gendarmes armés jusqu’aux dents avec des gilets
pare-balles, sirènes hurlantes avec 2 motards qui ouvrent la
route…Verdict : placée sous contrôle judiciaire jusqu’au procès avec
interdiction de rencontrer mes « complices » sinon c’est la prison
immédiate… Ainsi l’objectif est clair : faire passer individuellement les
5 personnes interpellées pour de dangereux illuminés, éviter tout débat
démocratique et museler les opposants au projet, orienter l’agriculture vers
une industrialisation avec des coûts les plus bas possible… ». Le 1er
juillet, elle est condamnée à des peines d’amende avec sursis. (Témoignage de
D. Henry sur http://www.confederationpaysanne.fr/mobilisations.php?imp).
Et comme elle a refusé de donner son ADN, elle est convoquée au tribunal de
Montbéliard le 12 janvier. Le 19 janvier, le tribunal la condamne à 750€
d’amende… mais l’histoire n’est pas finie puisqu’elle déclare « Mon ADN
ils ne l’auront pas »… elle sera à nouveau convoquée au Tribunal…. Elle
mène cette lutte contre la criminalisation des militants. Dominique n’est pas
une criminelle et la contraindre à donner son ADN est aussi une atteinte à sa
vie privée. Si le prélèvement ADN est logique en cas de délinquance sexuelle, il
ne peut servir à ficher des militants. Le fichier génétique a été créé en 1998
pour les délinquants sexuels, élargi en 2003 à tous les gardés à vue… sauf… les délinquants financiers :
en clair, M. Cahuzac n’a pas été contraint de donner son ADN !
Nous sommes des petits paysans de montagne.
Les conditions climatiques et
géographiques ne nous permettent pas d’envisager un avenir de paysans de
plaine. Nous resterons des petits paysans. Nous n’avons pas, et ne pouvons pas
fournir, une production intensive. Nous sommes, par définition, extensifs et de
production locale. Nous maintenons en place ce qui reste de l’agriculture de
montagne qui a été abandonnée, désertée, délaissée à la suite des deux derniers
conflits du 20ème siècle.
Depuis, peu de jeunes s’intéressent à
ce que nous avons maintenu et veulent continuer cette façon de vivre paysanne.
C’est un avenir qui peut entretenir une ambiance de montagne vivante. De par
nos activités, nous gardons en place des paysages, des images bucoliques que
les citadins aiment à retrouver. L’agriculture de montagne crée ou maintient
l’ouverture des paysages en concurrence avec la forêt initiale et dense. Ces
paysages, l’homme du Moyen-Age les a façonnés pour vivre, pour y vivre avec des
animaux domestiques. Depuis, le progrès a rendu le travail moins pénible,
jusqu’à éliminer progressivement les petits paysans, pour ne prendre en compte
que les exploitants agricoles qui intéressent la filière agro-alimentaire
mondiale.
C’est aux petits paysans à s’affirmer
en produisant différemment, localement, sainement, en prenant soin de ne pas
tomber dans le désespoir et le pessimisme, mais en résistant dans leur paysage,
leurs productions, leurs élevages, en ne « lâchant rien » de leurs
convictions qui visent le respect de la Terre, des Hommes, des Animaux et des
Plantes.
Chez nous, dans les Vosges, la
renommée fromagère est une identité, initialement, très simple de
fabrication : faire cailler le lait et l’égoutter en le moulant. Le lait
et ses dérivés ont une place importante dans notre alimentation. La prairie
naturelle donne à ce lait une saveur particulière : un terroir.
Nos vaches sont et seront de vraies
vaches de race locale avec une identité régionale reconnue. Elles auront des
cornes, et l’hiver, pourront être maintenues à l’attache dans l’étable ;
comme nos aïeuls, nous prendrons soin d’elles et assureront leur bien-être.
Elles seront brossées à main d’homme pour établir le contact homme-animal d’où
dépendra la confiance mutuelle et nécessaire au fil des jours.
Nos vaches seront donc domestiquées et
non robotisées. La robotisation peut être intéressante pour l’industrie ou
autre technologie mais ne semble pas être à sa place pour le VIVANT, animal ou
végétal. Nos vaches auront des veaux dont elles s’occuperont en les allaitant
sans restriction, sans limites de temps, à l’étable et dans les prés. Nos
vaches seront respectées et non transformées en vaches à lait, synonyme de
rentabilité financière jusqu’à épuisement.
Celles et ceux qui s’en occuperont
seront de vraies fermières, de vrais fermiers qui ne confondront pas
domestication et exploitation du végétal et de l’animal, ayant pour unique
objectif la rentabilité.
Ayons le courage de résister.
Selon Aristote, le courage est la
première des qualités humaines car elle garantit toutes les autres.
Jean-Marie Ihry, le 19.12.2016