« Délit » de solidarité ?
La solidarité
serait un délit !!! Si elle n’a jamais été inscrite dans un aucun code,
dans la réalité, elle est qualifiée comme telle par les décisions du ministère
de l’Intérieur ou du ministère de la Justice pour intercepter, condamner des
militants associatifs qui viennent en aide à des personnes en situation de très
grande précarité, victimes de décisions dangereuses, violentes, voire
inhumaines. Avec la prolongation sans fin de l’état d’urgence, le martèlement
médiatique sur la « crise » des migrations alors même que celles-ci
sont provoquées par la guerre, la misère, la dictature, l’intolérance…, c’est
le soutien à l’ensemble des personnes étrangères qui tend à devenir suspect
dans le pays qu’il ne faut plus nommer « celui des droits de
l’Homme ». Nombreuses et nombreux sont celles et ceux qui, au mépris de ce
« délit » fabriqué par les autorités gouvernementales pour faire
peur, pour criminaliser la solidarité, appellent à poursuivre le soutien aux
exilés.
Mais, au fait, Hollande avait promis, en 2012,
qu’il mettrait fin à ce « délit » ! Qu’en est-il ?
Le Ceseda
(code d’entrée, de séjour des étrangers et du droit d’asile) (loi de 1945)
précise (art. 622-1) que « toute
personne qui aura par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter
l’entrée, la circulation ou le séjour
irrégulier d’un étranger en France » est passible d’une peine allant
jusqu’à 5 ans de prison et 30 000€ d’amende.
En 2009
notamment, les associations de défense des droits de l’Homme et de soutien aux
étrangers dénonçaient les sanctions des « aidants » d’étrangers sans
papiers, comme des pressions dissuasives. La mobilisation associative avait
abouti à des réformes successives dont la loi du 31.12.2012 présentée comme la
suppression du délit de solidarité. Il n’en est rien. Elle a élargi les clauses
d’immunité et a précisé qu’aucune poursuite ne peut être engagée « si l’acte n’a donné lieu à aucune contrepartie
directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des
prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinés à
assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger ou bien tout
autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci ».
Ce texte n’a pas empêché la poursuite de bénévoles car transporter gratuitement un exilé est toujours passible de
poursuites. Alors, selon Hollande et ses ministres de l’intérieur, la
solidarité a ses limites !
Et ça
continue : non seulement, des personnes ayant manifesté leur solidarité
avec des étrangers sans titre de séjour continuent d’être inquiétées, mais
encore, des poursuites ont commencé d’être menées sur la base de textes sans
rapport avec l’immigration :
- les délits
d’outrage, d’injure et de diffamation, de rébellion ou violences à agent de la
force publique, pour défendre l’administration et la police contre celles et
ceux qui critiquent leurs pratiques
- le délit
d’entrave à la circulation d’un aéronef qui permet de réprimer les passagers
qui, voyant des personnes ligotées et bâillonnées dans un avion, protestent
contre la violence des expulsions
- la
réglementation qui sanctionne l’emploi d’un travailleur étranger sans autorisation
de travail pour inquiéter les personnes qui, hébergeant des étrangers en
situation irrégulière, acceptent que leurs hôtes les aident à effectuer des
tâches domestiques.
- de nouveaux
chefs d’accusation sont utilisés pour condamner les actions solidaires : la
réglementation en matière d’urbanisme pour demander la destruction d’abris pour
migrants, des sur l’hygiène ou la sécurité applicables à des locaux pour
empêcher les hébergements solidaires, l’absence de ceinture de sécurité et d’un
siège pour une fillette à bord d’un camion, etc.
L’imagination des femmes et hommes au pouvoir n’a
pas de limites !
Ces procédés d’intimidation doivent cesser. C’est le
manifeste lancé par le Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés) (cf
notre rubrique Ils, elles luttent)
Dernière innovation pour refouler
les demandeurs d’asile. Depuis le 1er janvier, c’est le ministère de
l’intérieur qui évalue l’état de santé des étrangers malades, sollicitant un
« droit de séjour pour raisons médicales ». C’était jusqu’au 31 décembre
le ministère de la Santé qui fournissait aux préfectures ses conclusions sur
l’état de santé du demandeur. Cette mission est confiée désormais au ministère
en charge de contrôler l’immigration, via les médecins de l’Office Français de
l’immigration et de l’intégration (OFII), tout un symbole ! Certes, on le
sentait venir, car, depuis 2012, les refus d’admission au séjour pour soins
opposés par les préfets en dépit d’un avis favorable du médecin de l’Agence
Régionale de Santé augmentaient. Plusieurs médecins des ARS se sont plaints de
pressions préfectorales auprès de leurs Conseils de l’ordre. En 2013, le
syndicat des médecins inspecteurs de santé publique avait estimé que le secret
médical était « bafoué par certains représentants de l’Etat dans les départements »…
sur www.bastamag.net
Odile Mangeot,
le 19.01.2017