Le Slam de
Lansana
Je suis guinéen d’origine koniankée.
C’est
mon histoire d’immigré que je vais vous raconter,
Vous
aurez peut-être du mal à la supporter,
Mais
aujourd’hui, devant vous, j’ai envie d’en parler.
Tu
sais les eaux dont tu sors mais tu ne sais pas les eaux où tu entres
Là-bas,
la voix des armes me donnait mal au ventre.
Je
prends la route avec cent euros en poche.
Je
prends la route en quittant mes proches.
Je
passe au Mali, en Algérie avant d’entrer en Libye
Où
les gens considèrent les migrants comme des bandits.
Ils
nous maltraitent comme des traitres
Mais
tout ça m’a donné envie d’être
Très
simple, très patient, très courageux
Car
ma mère me disait de ne pas être orgueilleux.
Elle
me répétait de ne pas me décourager.
C’est
pour ça que je l’ai toujours aimée.
Après
tout le temps de souffrance, à attendre au bord de la mer,
Les
Libyens nous embarquent et après trois heures de mer,
On
est arrêtés par la marine militaire.
Elle
nous débarque et nous met en prison.
Là-bas,
il n’y avait pas de solution.
On
ne mangeait pas, on ne buvait pas.
On
a décidé de s’évader, pour être loin de là-bas.
Mais
le gardien a tiré car il ne voulait pas.
Il
a même touché deux personnes à côté de moi.
Je
rejoins un foyer, je travaille et je gagne mon argent,
Mais
les militaires me le prennent finalement.
Je
donne ma maigre pitance à partager
Et
un Camerounais, touché,
Me
donne cent euros pour ma traversée.
Je
prends le bateau, me rends en Sicile.
Là-bas,
je n’en ai pas fini avec les choses difficiles.
Un
mois après, me voilà à Orléans, dans la rue.
La
police me voit, me menotte, me place en garde à vue.
Le
matin, je repars avec une OQTF,
L’obligation
de quitter le territoire français… en vitesse.
Je
vais à l’hôtel Coligny.
Maintenant j’ai le droit de rester ici.
Maintenant j’ai le droit de rester ici.
J’ai
vécu beaucoup de choses à mon âge, mais ça a quelques avantages
J’ai vu l’enfer, je ne suis pas mort.
J’ai vu l’enfer, je ne suis pas mort.
Ce
qui ne m’a pas tué, m’a rendu plus fort
Lansana Kourouma, le
01.02.2017
224 est ma fierté
Lansana
est arrivé début juin 2016 à Orléans. Il avait 14 ans et 8 mois. Comme il
l’écrit dans son slam, il a été arrêté, menotté et mis en garde à vue. Un test
osseux lui a également été imposé. Car le Conseil général du Loiret a refusé
systématiquement tout nouvel arrivant MIE (mineur isolé étranger), entre juin
2014 et août 2016. Lansana a été relâché dans la rue au bout de 48 H avec une
OQTF. Durant l’été, il a pu trouver des solutions d’hébergement chez différents
citoyens militants. Avec l’aide du COJIE (Collectif de soutien aux jeunes
isolés étrangers, fondé par RESF 45), il a pu faire les démarches en justice
pour faire reconnaître sa minorité (première décision positive du juge des enfants
début septembre 2016, confirmée en février 2017) et annuler son OQTF en
novembre 2016. Nous l’avons également aidé à s’inscrire à l’école. Il est entré
en classe d’accueil au collège dès septembre 2016. C’est dans cette classe
qu’il a écrit son slam, en février. L’ordonnance du juge des enfants pour une
assistance éducative en septembre 2016 s’est traduite, comme pour tous les autres
jeunes MIE à Orléans, par une mise à l’abri à l’hôtel, sans suivi éducatif.
Lansana continue à venir aux réunions du COJIE car c’est là qu’il trouve le
plus de soutien et de renseignements sur sa situation. Depuis août 2016, le
Conseil départemental du Loiret a repris « l’accueil » des nouveaux arrivants ;
mais cela se fait dans la douleur, car le personnel est très insuffisant pour
pouvoir réaliser correctement et dans les délais le travail d’évaluation de la minorité
de chaque jeune. Ils attendent souvent des mois avant de savoir s’ils vont
rester ou pas dans le département. Tant que cette orientation n’est pas décidée,
le Conseil départemental pousse l’Education nationale à ne pas scolariser les jeunes
pour ne pas risquer de bloquer une place qui se libèrerait ensuite. Bien
entendu nous dénonçons ces pratiques, comme nous dénonçons la mise à l’abri en
hôtels, l’entassement de plus en plus fréquent à 4 ou plus par chambre, le
manque d’éducateurs et de places à l’école.
Transmis
par RESF INFO (Réseau d’Education Sans Frontières)