Edito du PES
n° 57
Syrie.
Massacres et trahisons en séries
La
décision de Trump, l’histrion du tweet, de retirer les troupes US de la
frontière turco-syrienne, est le dernier épisode d’une longue suite de
trahisons dont est victime le peuple kurde.
Tout
a commencé après la promesse non tenue d’indépendance suite au démembrement de
l’Empire ottoman, avant la fin de la 1ère guerre mondiale. Pour
vaincre l’Etat Islamique, ce monstre surgi des entrailles de l’invasion et de
l’occupation étatsunienne en Irak, Obama puis Trump, pour éviter de s’embourber
dans cette « guerre sans fin », ont utilisé les combattants kurdes
comme chair à canon pour débusquer les « fous de dieu » embusqués
dans les ruines des villes bombardées par leurs soins. Cette trahison a été
longuement murie pour des motifs des plus cyniques : électoralistes
d’abord, afin de conserver un socle de confiance auprès des populations
étatsuniennes les plus isolationnistes. Pour tenter, ensuite, de contenir
Erdogan dans l’OTAN et contrarier ses volontés d’alliance avec la Russie
poutinienne. Enfin, parce que le projet politique des Kurdes syriens, parvenant
à s’unifier avec les Arabes et différentes confessions (comme les Yézidis)
était insupportable : démocratie par en bas, égalité hommes-femmes,
volonté d’autonomie sans ingérence et, qui plus est, solidarité active avec le
PKK.
Cette
dernière trahison a été longuement murie, contrairement à ce que les
commentateurs veulent nous faire croire. Certes, le bouffon à la mèche blonde
est imprévisible dans ses réactions, mais nombre
de réalités laissaient présager cette issue : la fragilisation du
sultan Erdogan face aux résistances des fractions du peuple, les milliers
d’arrestations, la répression des Kurdes de Turquie, son alliance avec la
Russie de plus en plus visible, les premières incursions de son armée en Syrie,
les plus de 3 millions de réfugiés syriens qu’il ne supporte plus, tout en
armant, entraînant en Turquie des milices, supplétifs assoiffés de vengeance
contre les « mécréants » kurdes. Et enfin, avant la décision de le
maquignon Trump, les troupes turques massées à la frontière, le chantage exercé
vis-à-vis de l’Europe qui boudait le satrape et mégotait à verser l’ensemble
des milliards d’euros promis pour contenir l’immigration vers l’Europe.
Après
avoir payé de leur sang (11 000 morts) la victoire contre l’EI et gagné en
autonomie démocratique, les Kurdes syriens n’ont vu d’autre issue, face à la
puissance de feu de l’armée turque, que de s’allier avec Poutine pour le
contenir. Les populations civiles fuyant les bombardements des villes, se
réfugiant au Kurdistan iranien, sont autant de facteurs qui les ont décidés.
Sans eau, le poisson crève.
Pour
l’heure, l’accord entre Poutine et Erdogan, pour geler sur une distance de plus
de 30 kms la frontière avec des patrouilles conjointes, constitue une nouvelle
trahison. Il faut s’attendre à l’exode des populations kurdes, abandonnant les
villes à la soldatesque des bouchers réconciliés, Assad et Erdogan. La guérilla
kurde peut-elle y survivre ? Assad, le féroce massacreur de son peuple,
n’a qu’une idée qu’il partage avec la Russie : restaurer son pouvoir sur
l’ensemble de la Syrie. Alors, la messe funèbre serait-elle dite ? Faut-il
rappeler les trahisons successives vécues par les populations syriennes :
les manifestations pacifiques instrumentalisées, puis perverties par les
ingérences concurrentes de l’Arabie Saoudite, du Qatar, de la Turquie
soutenant, armant des soldatesques à leurs services et ce, sans oublier les
Occidentaux, France en tête, manipulant ladite Armée Syrienne Libre. Quant à
Erdogan (tout comme Assad, libérant les « fous de dieu » incarcérés),
il a laissé les apprentis terroristes
internationaux franchir la frontière pour rejoindre l’Etat islamique ou des
milices de même acabit, pour alimenter les brasiers des massacres. Un slogan
kurde dit que leurs seules alliées sont les montagnes, mais, en Syrie à l’Est
de l’Euphrate, c’est le désert !
Faut-il
croire, qu’au-delà de leurs meurtrissures actuelles, les peuples arabes vont, à
l’image du Rojava, se débarrasser des grilles de lecture religieuses
manipulées, qui les dressent les uns contre les autres, chiites contre sunnites
de différentes obédiences ? N’est-ce pas déjà ce qui émerge des
soulèvements populaires en Irak, au Liban, en Algérie… ?
GD
le 27.10.2019
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