Engrais
chimiques. Explosif !
Explosif
au sens premier du terme, « qui peut exploser », à l’image de ce
qu’ont vécu les Toulousains (AZF) et les Libanais (récemment) et explosif car
susceptible de remettre en cause le mode de culture productiviste (pour un
écologiste ou un élu conséquent), ce qui ne sera pas sans déplaire aux gros
industriels produisant ces «dopeurs » de rendement et aux gros
agriculteurs les utilisant.
Qu’en est-il
vraiment ?
Ah !
Le printemps ! Respirons à pleins poumons ! Enfin, pas trop tout de
même. C’est la saison d’épandage des engrais azotés qui fertilisent les sols et
font pousser les céréales ! Un vrai dopant que cette trouvaille de Fritz Habert ;
ce chimiste allemand, en 1909, associé à l’industriel Carl Bosch, synthétise
l’ammoniac, matière première de tous les engrais chimiques : des amonitrates
(ceux qui ont explosé dans le port de Beyrouth en 2020), une solution azotée
(engrais), de l’urée… Il reçoit le prix Nobel pour cette invention permettant
de nourrir davantage d’êtres humains et… de fabriquer des explosifs. Ce qui est
certain, c’est l’amélioration spectaculaire des rendements, bouleversant le
modèle agricole, avec la monoculture et l’élevage intensif. 80 % de l’azote servent
à la production de la nourriture pour l’élevage.
En
Europe, la France est la plus grande consommatrice d’engrais azotés (2,3
millions de tonnes/an) avec l’Allemagne. Elle est aussi championne en émission
d’ammoniac. Car l’azote qui n’est pas absorbé par les plantes pollue l’air,
l’eau. Imaginez : sur 130 millions de tonnes d’azote produits chaque année sous forme d’engrais, 50
% contaminent l’eau, les nitrates, à l’origine, par exemple, des algues vertes
dans le Manche, le protoxyde d’azote, gaz à effet de serre 300 fois plus
puissant que le dioxyde de carbone (CO2) et l’ammoniac produisent des pics de
pollution. Véritable poison pour l’environnement et l’homme… et l’on n’est pas
prêt de rompre avec l’addiction aux engrais de synthèse, cela signifierait,
pour les producteurs de céréales, une baisse drastique de leurs rendements,
donc de leurs revenus… et une reconversion dans l’agriculture paysanne.
Pourtant,
l’enjeu sanitaire est énorme car en se combinant avec l’oxyde d’azote, issu du
trafic routier et le dioxyde de soufre de l’industrie, l’ammoniac contribue à
la formation des particules fines, les plus dangereuses pour la santé et pour
le climat : avec les engrais organiques, ils sont à l’origine d’environ 70
% des émissions de protoxyde d’azote (le 3ème gaz à effet de serre
derrière le CO2 et le méthane).
Alors
ralentir, interdire ?
Les
objectifs de réduction, en France, ne sont guère ambitieux : la loi Climat et Résilience, en débat, prévoit de
réduire les rejets d’ammoniac de 13 % d’ici 2030 et de 45 % les émissions de
protoxyde d’azote d’ici 2050. Pour inciter les producteurs, une redevance
pourrait être envisagée ; c’est le cheval de bataille d’une députée LRM du
Finistère, agricultrice bio. Elle propose de la fixer à 27 centimes €/kg d’azote,
représentant 618 millions/an reversés aux agriculteurs pour prendre le virage
de l’agro-écologie. Un Collectif d’agronomes et d’agriculteurs prône le retour
à l’azote organique, aux légumineuses dans les rotations de culture pour
fertiliser naturellement les sols et fournir des protéines végétales ;
cela contribuerait à stopper la dépendance à l’importation de soja qui participe
à la déforestation pour nourrir les animaux d’élevage. Encourager l’agriculture
biologique serait susceptible de relocaliser la production et de reprendre un
peu de souveraineté alimentaire : la France importe un tiers des aliments
bio consommés !
A
peine ces quelques pistes vertueuses énoncées que l’on croit entendre la FNSEA
dénoncer l’assassinat de ses agriculteurs ainsi que les géants chimiques, tel
le norvégien Yara, (leader mondial des fabricants d’engrais) souffler dans
l’oreille de Macron qu’il va fermer ses trois sites sur le sol français. Ils
sont pourtant classés Seveso, seuil haut : ceux du Havre, de Montoir de
Bretagne (Loire-Atlantique) et d’Ambès (Gironde), ces deux derniers ont fait
l’objet d’arrêtés préfectoraux depuis 10 ans car ils émettent des rejets
excessifs de poussière dans l’air et d’azote dans l’eau…
A
ces risques, il faut ajouter les exploitations non surveillées. A Saint-Malo,
les riverains de l’usine Timar Agro (groupe Roullier, 5 sites en France) ont
saisi la justice pour émanations d’ammoniac. A Mazingarbe (Pas-de Calais) les
salariés se relaient pour surveiller l’immense cuve de 750 tonnes d’ammoniac
depuis que le patron espagnol a abandonné le site. A Grandpuits, une fuite
d’ammoniac s’est produite en 2020 sur l’un des deux sites de production de
nitrate d’ammonium de Morealis (BEA-RI/ ex-AZF), tout proche de la raffinerie
Total ! Des incendies ont lieu régulièrement dans des exploitations agricoles
qui stockent des engrais près de leurs hangars. Ce qui fait dire à
l’association Robin des Toits : « il
est déplorable que le stockage de nitrate d’ammonium ne soit pas interdit près
des matières combustibles comme le foin, etc. ». Seuls les sites de
plus de 500 tonnes sont soumis à réglementation.
Un
débat à l’assemblée nationale serait envisagé… dans le cadre de la loi Climat et résilience ? Qui peut y
croire encore ? Après le coup du glyphosate puis celui des
néonicotinoïdes, voici celui des engrais azotés. Totalement Irresponsables, qui
sont les coupables ?
OM,
le 20.04.2021 d’après un article du Monde
du 9 avril 2021