Macron, une fin de mandat
calamiteuse ?
Il
est peut-être un peu tôt pour faire le bilan du mandat de celui qui est parvenu
à l’Elysée par effraction. On ne sait pas encore si on peut l’appeler Brutus,
celui qui a assassiné symboliquement Hollande, l’empêchant de se présenter, ou
Rastignac (de Balzac) épaulé par les milliardaires (Bernard Arnault, Xavier
Niel, Patrick Drahi…) ou encore Bel Ami (de Maupassant), Madame Trogneux lui
faisant la courte échelle, rodant sa théâtralité et sa rhétorique creuse. Formé
à la banque d’affaires Rothschild, sponsorisé par Attali dans la Commission ad
hoc des privatisations tous azimuts, son mentor l’avait programmé pour 2027,
voulant certainement préserver l’alternance gauche-droite qui n’avait plus
aucune signification. Revêtant les habits de Madame Thatcher, se voulant le bon
élève de Mme Merkel, il n’avait qu’un
but : libérer les entreprises en flexibilisant et précarisant le travail.
La route électorale dégagée, pour lui, il fallait rattraper le retard de la
France rétive jusqu’ici au néolibéralisme et aux privatisations en faveur du
capital qui en résulterait. Tout autour de lui-même, après s’être comparé à
Jeanne d’Arc, en présence du très droitier Devilliers, il fit savoir qu’il
était une espèce de « Jupiter »,
« maître des horloges ». Sa
France serait au plus vite une start-up nation à l’image de la Silicon Valley.
Sa vision prométhéenne était des plus simplistes : le monde se divisait en
deux, d’un côté « ceux qui
réussissent », de l’autre « ceux
qui ne sont rien », c’est-à-dire des « bons à rien » qui
rechignaient à traverser la rue pour trouver du boulot… Son utopie
réactionnaire reposait sur les « premiers
de cordée » en capacité de faire régner, ici-bas, des entreprises sans
usines où la finance et les nouvelles technologies tiendraient le haut du pavé,
et assujettiraient les derniers de corvée.
Les
contre-réformes néolibérales
Au
grand dam des socio-macroniens qui l’avaient rejoint, sur ses déclamations
« progressistes », il choisit un 1er ministre de droite (LR)
pour mieux diviser le camp dont il voulait occuper la place. Puis, et avant
tout, il gratifia généreusement ses parrains milliardaires. L’ISF fut supprimé,
d’autres largesses furent octroyées sans faire trop grincer des dents, les
soliveaux ne pipant mot.
Lui
qui avait initié la loi El-Khomri de démantèlement des protections des
travailleurs, en remit une couche ; il s’attaqua également à la
privatisation de la SNCF, transformée en SA, et mit fin au statut des
cheminots. Il n’eut cure de la mobilisation sociale importante qui le défiait,
mit au rancard le mauvais Berger de la CFDT, qui en fut tout vexé.
Mais
les ennuis commencèrent avec son
protégé Benalla dont la mission était de former, auprès de lui, une garde
privée hors de tout contrôle… Cet individu, en effet, s’entraîna à la
bastonnade rue de la Contrescarpe, à l’occasion du 1er mai 2018. Les
photos prises à cette occasion firent désordre mais la flagrance des images ne
suscita aucune comparution immédiate. On assista plutôt à l’immédiateté de sa
protection haut placée, l’autorisant même à se justifier dans les cénacles de
la représentativité nationale. Mieux, muni de passeports diplomatiques, il fut
envoyé en tournée jusque dans les terres africaines du Tchad, auprès de l’ami
dictateur Idriss Deby. Le fringant président eut bien du mal à renvoyer ce
garde du corps, d’autant que les critiques fusaient de toutes parts. En colère,
à la maison de l’Amérique latine où il avait réuni ses sbires, il lâcha :
« le seul responsable, c’est moi, qu’ils
viennent me chercher ! ». Mais ça se gâta beaucoup plus
sérieusement avec son projet de contre-réforme des retraites à prétention
universaliste. Pourtant, l’affaire avait été préparée bien en amont avec un
rapport Delevoye cousu de fine main et une CFDT qui ânonnait. Les
manifestations se firent massives et la répression s’amplifia, d’autant
qu’étaient concoctées des régressions cacophoniques sur l’assurance chômage.
Mais le coup de grâce fut envoyé par les Gilets Jaunes suite au projet de taxe
sur l’essence. Des campagnes et des banlieues, monta une irrépressible volonté
d’en découdre.
Elan bloqué
La
sauvagerie de la répression (cf encart) ne suffisant pas, la taxe fut retoquée.
Et le mouvement des Gilets Jaunes s’amplifia, se consolida avec des
revendications portant sur la justice sociale, fiscale et environnementale. Macron,
qui s’était fait fort de convaincre les « Gaulois réfractaires », s’en trouvait tout penaud d’autant que
les Gilets Jaunes l’avaient pris au mot et voulaient aller le chercher à
l’Elysée.
Il
changea de ministre : Darmanin à l’Intérieur épaulé par le préfet
Lallement devaient faire régner l’ordre. Plus d’un fut sidéré, ce préfet
n’était-il pas un nazillon, aux dires de Juppé, qui n’en n’avait pas voulu dans
ses terres girondines ! La brutalité policière ne suffisant pas à
rassurer, il fallait, en même temps, tenter de retourner l’opinion en sa
faveur, tout en laissant en plan les fameuses réformes programmées et ce fut le
grand débat de bla-bla télévisés dans les provinces, auprès de gens « raisonnables »
et de notables effarés : la révolte populaire issue, pour partie, des
provinces, bénéficiait des faveurs de l’opinion publique !
Bref,
quand les ennuis volent, c’est en escadrille (disait Chirac), ça ne s’arrête
plus. Lui qui voulait phagocyter les Verts encaissa la démission de Hulot et
nomma la falote Pompili. Décidément, faire éclater la Gauche et ringardiser la
Droite, pour mener une politique néolibérale que ces deux camps défendaient, ne
suffisait point. Et en mars 2020, la claque des municipales démontra, s’il en
était besoin, que les petits marquis qui prétendaient à quelques fiefs, étaient
bien ridicules (LRM obtint, pour tous ces candidats, 2.2 % des voix). En toute
démagogie, voulant paraître comme inspiré par la démocratie citoyenne, il nomma
une convention désignée par tirage au sort, sur le climat, jurant qu’il
reprendrait « sans filtre » toutes les propositions émises. Il
pensait avoir bien préparé son coup avec des encadrants « experts »
conseillant ces « gens de peu ». L’intelligence collective produite
par ce cénacle le laissa tout marri. Sans le dire, l’essentiel des propositions
furent mises au rencart et à tous ces blocages, s’ajouta l’inattendu Covid 19.
Entre-temps, les divisions au sein de LREM lui firent perdre la majorité
absolue à l’Assemblée et le Sénat droitier rechignait à la mise au pas
programmée. Alors, il tomba le masque en toute opportunité.
C’est
la guerre. Un comité secret-Défense fut concocté, une poignée d’experts requis
pour tenter d’occulter la pénurie des premières armes : masques, tests. On
encensa les hospitaliers surmenés sans rien céder à leurs revendications. La
« plèbe » aux balcons, suivit, angoissée, pour leur donner du baume
au cœur. Mais cette unanimité travaillée par la peur ne dura pas. Le
cafouillage, la discordance des voix autorisées, la gestion catastrophique de
l’épidémie obligèrent le petit Président à s’instituer, seul, épidémiologiste
en chef. Il chargea son second, le 1er ministre Castex, de
crachoter, en toute responsabilité, la parole présidentielle. Son 2ème
larron, Véran, livra, quant à lui, les oracles, toujours à venir, de la
délivrance prochaine.
La
lepénisation des macroniens
A
l’occasion de l’assassinat de Georges Floyd aux Etats-Unis, on vit surgir, en
France, des manifestations contre le racisme et les discriminations qui
s’invitèrent dans le mouvement social, avec le Comité Adama. Les délaissés des
quartiers populaires poussaient à la convergence des luttes contre toutes les
oppressions sexistes, raciales, sociales. La peur s’empara de nouveau de
l’Elysée et des pieds nickelés de l’entourage du président. Les barons du
régime, envoyés pour pérorer dans les écrans télévisuels, à l’aide d’éléments
de langage dont ils étaient munis, ne parvenaient pas à rassurer l’opinion. Face
au « désordre », il fallait de toute urgence voter des lois
liberticides et construire l’ennemi intérieur, avec la loi sur le séparatisme.
Sans vergogne, d’un côté, répandre la peur et l’angoisse du Covid et, de
l’autre, museler les mouvements sociaux. En brandissant l’islamo-gauchisme, en
prétendant, comme Darmanin, que décidément la Le Pen était trop
« molle » vis-à-vis des musulmans, il s’agissait déjà de clore le
mandat pour se préparer à la nouvelle échéance présidentielle.
Entre-temps,
des privatisations programmées avaient été repoussées (Aéroports de Paris,
projet Hercule-EDF). Néanmoins, la contre-réforme des indemnités-chômage en
plein Covid mit dans la rue et dans les lieux culturels, les intermittents et
autres intérimaires, et ils nous invitèrent à « Danser encore » (1).
Cette
surenchère droitière dont l’Assemblée nationale se fit aussi l’écho, se doubla
de l’apparition de l’appel d’un « quarteron de généraux », suivi de
militaires d’active puis de policiers factieux, s’instituant en recours d’un
régime en difficultés. Piteusement, dans toute la classe politique, sauf les Insoumis et l’extrême gauche, on fit
profil bas, pire, les leaders de la droite, du centre, de la gauche de droite
et des verts, s’invitèrent à la manifestation des policiers du 19 mai, le
ministre Darmanin en tête. Allaient-ils, comme à la veille du coup d’Etat de
1958, donner tous pouvoirs à l’armée comme le fit Guy Mollet en Algérie ? Certes,
nous n’en sommes pas là mais le fond de
l’air est brun.
Reste
néanmoins, le cirque électoral des départementales, régionales puis
présidentielles. Les barons, sans programme, veulent conserver leurs postes et
les macroniens s’immiscer dans les listes des Républicains : cafouillages
et dissensions pour s’approcher de la mangeoire. Entre les
socialo-macro-compatibles, les macroniens lepénisés, le fossé est étroit entre
eux et la Le Pen macronisée.
Que va-t-il
advenir ?
Dans
ce pays, où l’on ne fabrique plus de téléviseurs, de téléphones, de rails, d’appareils
électroménagers… où la classe politicienne, presque toutes sensibilités
confondues, se fait le bouffon répétant « l’Europe, l’Europe », tout
est possible. Car l’après-Covid risque d’être calamiteux.
Rabaissant
sa morgue, mais en petit seigneur sûr de son fait, Macron prépare sa tournée
des provinces. Assuré qu’il parviendra à être accompagné d’une nuée de
journalistes et de reporters complaisants, il entend s’afficher sur tous les
écrans TV pour décerveler l’opinion. L’insoumis Mélenchon, parti dans la course
avant lui, pourrait bien lui tailler quelques croupières et la Le Pen prétendre
que le label de la « sécurité » répressive et la lutte contre
l’islamisme est sa propriété depuis des lustres. Il a enjoint, toutefois, ses
troupes les plus radicalisées, de ne pas aller trop loin pour tenir la distance
nécessaire avec la Le Pen. Le duo du 2ème tour doit être celui du
combat à fleuret moucheté, entre lui et la Le Pen dédiabolisée. En tout état de
cause, le risque, pour la classe dominante, c’est de ne plus avoir la main,
face à une assemblée nationale où probablement s’écharperont, pour la galerie,
l’extrême droite, l’extrême centre et la gauche compatible. Si tel est le cas,
cette ingouvernementalité pourrait
ouvrir la voie au recours à toutes les extrémités : dissolution de l’assemblée
nationale, intervention de l’armée…
N’en
demeure pas moins que dans la dernière période, est apparu l’impensé généralisé
de la nature de l’Etat capitaliste : l’appareil d’Etat est une machine à
dominer, à réprimer. Le terreau de la colère et de la résistance pourra-t-il
créer un rapport de forces suffisant pour faire reculer le racisme islamophobe
et consolider, de manière offensive, la convergence des luttes nécessaire pour
éviter le pire ?
Ce
qui est sûr, à part pour les classes moyennes supérieures, c’est que la caste
politique est bien ringardisée. Pour autant, les classes ouvrières et
populaires ne se sont pas dotées d’organisations, munies d’une perspective de
transformation sociale. Quoiqu’il en soit, malgré la longueur de la nuit, et
ses soubresauts cauchemardesques, l’aube finit toujours par se lever.
Gérard
Deneux, le 19.05.2021
(1)
chanson de HK et
les Saltimbanks
Encarts
Gilets Jaunes.
Bilan des violences :
1
mort, 24 éborgnés, 5 mains arrachées, 315 blessés à la tête
(sources :
David Dufresne, Allô place Beauvau)
Bilan des interpellations et
condamnations (de novembre 2018 à
juin 2019) :
-
Plus de
10 000 gardes à vue
-
5 300
poursuites judiciaires
-
Plus de
3 100 condamnés dont 1 000 avec de la prison ferme (1 mois à 3 ans),
dont 400 avec incarcération immédiate
-
1 240 peines
avec sursis
800
seraient toujours en prison et aucun politicien pour demander une amnistie.
Seules
les révoltes dans les quartiers populaires de 2005 ont fait l’objet de plus
d’incarcérations : 763 personnes écrouées sur 4 402 gardes à vue.
source :
Ministère de la justice, le Monde,
8.11.2019
Pendant la
pandémie :
plus de 51 milliards d’euros pour les
actionnaires du CAC 40
+ 22 % par rapport à 2020
Les
grands gagnants : Bettencourt, Arnault, Pinault, etc.. et les fonds
d’investissement : Black Rock, Vanguard et Amundi…
51
milliards, cela équivaut :
-
aux dépenses
annuelles de 960 000 personnels des hôpitaux publics
-
à la construction
de 1 300 lycées d’un millier de places
-
à 1 millier de
fois le montant de l’aide au secteur culturel
Source :
Observatoire des multinationales
Aides
publiques aux entreprises
Avant
la crise 2007-2008 = 65 milliards€/an
en
2019 = 150 Milliards, soit + 230 %
C’est
l’équivalent de :
-
2 fois le budget
de l’Education nationale
-
5 fois le montant
de l’impôt sur les sociétés
Recettes de
l’Etat en baisse de 3 milliards !
entre
Impôt de Solidarité sur la Fortune et Impôt sur la Fortune Immobilière
ISF
2016 = 5 milliards (351 000 assujettis)
ISF
2017 = 5 milliards (358 000
assujettis)
IFI
2018 = 1.9 milliard (120 000 assujettis)
IFI
2019 = 2.1 milliards (126 000
assujettis)
Source :
ministère de l’Action et des comptes publics
Rémunération
des amis de Macron
B.
Arnault = 62 milliards€/an, soit 5.16 milliards/mois
F.
Bettencourt = 21 milliards, soit 1.75 milliards/mois
P.
Drahi = 7 milliards, soit 0.58 milliard/mois
une
aide-soignante = 1 250€/mois
8
millions de personnes ont recours à l’aide alimentaire
Plainte
contre les violences policières à l’encontre des personnes exilées
Raphaël
Kempf, avocat, annonce le dépôt de plainte collective (une trentaine de
personnes, élus, migrants, militants associatifs, journalistes) contre le
préfet de police de Paris, Didier Lallement suite à l’évacuation des personnes
exilées d’un campement à Saint Denis le 17 novembre 2020 et de la place de la
République le 23 novembre.
La
plainte porte sur
-
violences
policières (avec préméditation) à l’endroit des personnes exilées et de
militants associatifs, lors des évacuations de 500 à 600 personnes devenues
sans abri
-
vol en bande organisée
(de matériels, tentes n’appartenant pas à l’Etat),
-
destruction et
dégradation de ces matériels.
Les
seuls objectifs du préfet Lallement étaient de se débarrasser des migrants et
de réprimer les militants venus les soutenir.
Certes,
cela va déplaire mais le Collectif est déterminé à poursuivre. à suivre…