Se désenvoûter !
(Editorial de Gérard Deneux - PES n° 73 - mai 2021)
Au
moment où le pouvoir est de plus en plus fébrile face à la droite extrême et à
la poussée des mouvements sociaux, il redouble de moyens pour nous envoûter.
Certes, les partis traditionnels, sans programmes, n’ont que la continuité néolibérale
à nous proposer dans la confusion la plus totale. En cette période
pré-présidentielle, nous sommes sondés en permanence, inclus dans des moyennes,
auxquelles on devrait se conformer, c’est-à-dire à la droitisation de la
société. Nous sommes utilisés comme un marché de citoyens-consommateurs, qu’il
faut séduire, afin qu’ils achètent le produit le moins avarié, tout en
constatant la réalité des inégalités abyssales, le déclassement et les révoltes
qui attisent le ressentiment : le terrain est fertile à la désignation des
boucs émissaires (les quartiers, l’islam…).
Mais
la panoplie des manipulations est-elle encore opérante, face à la montée de
l’abstentionnisme et au prétendu spectre de Le Pen ? Ce qui est certain,
c’est que les fables des « premiers de cordée » entraînant le reste
des populations, les pédagogies répétitives, la prétendue théorie du
ruissellement de la richesse du haut en bas, ça marche de moins en moins.
Certes,
l’espace médiatique est saturé de mots creux (République, démocratie, Europe…)
que les macroniens et macro-compatibles répètent à l’envi, mais cela ne suffit
plus. Macron en est persuadé. C’est pourquoi il fait appel à des influenceurs,
des experts, développant des narratifs, comme son cri « Nous sommes en guerre », pour tenter
de faire passer sa gestion catastrophique du Covid pour de la maîtrise
libératrice.
Mais
il y a mieux ! Le nudge. Une méthode d’influence venue
des Etats-Unis, utilisée à l’origine dans le marketing. Elle repose sur un
« paternalisme libertarien ». Il s’agit « d’aider » les
dirigeants à rendre plus efficaces les politiques publiques qu’ils mettent en
œuvre. Les citoyens doivent être infantilisés, leur comportement redressé, afin
d’obtenir une obéissance qui ne dit pas son nom. A cet égard, Macron a fait
appel à une filiale de BVA (institut de sondage) pour mieux nous
manipuler.
Reste
qu’il y a des parts de marchés électoraux réticents. Une autre méthode consiste
à recourir à l’intimidation, aux procès-baillons, vis-à-vis des réfractaires.
Il
y a également une partie de la jeunesse, décervelée et abstentionniste, qu’il
faut séduire. Et Macron de jouer l’homme sympa, avec qui on rigole, en présence
de Carlito et Mac Fly. Peu importe que ce soit du Guignol bas de gamme, le
Macron pathétique se veut cool. Bref, le
roitelet de l’Elysée devient son propre bouffon. Il pariera encore sur la
reprise de l’activité, suite au Covid, en jouant au sauveur. Il ira prêcher
dans les campagnes que, lui, venant d’Amiens, aime la France rurale. Toute
cette logorrhée, visant à nous convaincre de l’importance du bonhomme, ne sera
certainement pas contrée par les socialo-centristes qui, dans leur veulerie,
sont prêts à pactiser sur le thème de la sécurité avec des galonnés et des
policiers fascisés.
Que
faire pour dessiner un autre horizon que celui promu par la droite autoritaire
et néolibérale ? La scène électorale n’étant qu’un spectacle pour nous
inciter à choisir entre un Macron lepénisé et une Le Pen macronisée (pour
éviter la prétendue guerre civile à venir), reste à tous ceux qui veulent
sortir des vies étriquées dans lesquelles on veut nous enfermer, à se
désenvoûter.
Pour
ce faire, une seule voie : s’organiser, réfléchir, agir, convaincre,
rassembler, décider par nous-mêmes.
GD,
le 28 mai 2021