8 mai 1945. La victoire et la honte.
Alors
même que le 8 mai 45, l’on fêtait la libération du territoire du nazisme et sa
capitulation, à Sétif, Guelma… une répression féroce contre ceux qui scandaient
« A bas le fascisme et le
colonialisme », se déroulait en toute impunité.
Cette
histoire honteuse fut longtemps occultée. Pour la comprendre, il faut avoir en
tête ce qui se passa dès 1943, en Algérie. Ferrat Abbas, cette année-là prit
contact avec le représentant américain, Robert Murphy, assuré qu’il pouvait
être, de la promesse faite à Mohamed V par Roosevelt, celle de l’indépendance
du Maroc, pouvait être octroyée également à l’Algérie. Ferrat Abbas, soutenu
par le parti du Peuple Algérien ne réclamait qu’une Constitution démocratique
et une autonomie réelle, inscrite à la Fédération de France.
Les
autorités françaises, installées avec l’armée américaine au Maghreb, libérèrent
Messali Hadj du bagne dans lequel il était enfermé par le régime de Vichy mais
c’était, aussitôt, pour le placer en résidence surveillée. A l’été 43, le
général Catroux, gaulliste, proclama une fin de non-recevoir au nationaliste
algérien. Pire, le 7 mars 44, par une
ordonnance du comité français de libération nationale, ce conseil national de
la résistance, n’octroya que la remise en œuvre du projet Blum-Violette,
c’est-à-dire l’accession à la citoyenneté française de 65 000
« évolués ». Les communistes se dirent satisfaits de cette largesse.
On était loin du parti qui, dans les années 20, avait donné naissance à
l’Etoile nord-africaine, militant pour l’indépendance de l’Algérie. Les
nationalistes créèrent les Amis du manifeste pour la Liberté qu’ils diffusèrent
massivement et virent affluer un nombre extrêmement important d’adhérents
(500 000 selon les nationalistes).
En
mars 1945, le Congrès des Amis du manifeste se réunit à la veille de la
conférence de San Francisco qui adopta la charte de l’ONU, précisant le droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ils appelèrent à manifester le 1er
mai ; des foules importantes défilèrent dans de nombreuses villes, la
police tira : 10 à 20 morts restèrent sur le pavé.
Les
nationalistes appellent à une nouvelle manifestation le 8 mai 45. Rien qu’à
Sétif, 8 000 manifestants, hommes, femmes et enfants, réclamèrent
l’indépendance en chantant « Du fond de nos montagnes, s’élève le chant des hommes libres appelant à
l’indépendance ». L’aveuglement des autorités françaises et des colons se
traduisit par des fusillades : 21 morts. La colère fut à son comble, les
manifestations se transformèrent en émeute populaire, contre les forces de
l‘ordre et les colons européens. La répression fut impitoyable et féroce :
viols, exécutions sommaires, tortures, pillages. Des cadavres algériens furent
jetés dans des fours à chaux. Des douars, des villages, supposés nationalistes,
furent fauchés à la mitrailleuse. Un croiseur de la marine française bombarda
le village près de Bougie. 28 avions mitraillèrent pendant plusieurs jours, la
région de Guelma. Au sol, gendarmes et policiers, renforcés par des
légionnaires appuyés par des milices européennes, continuèrent les massacres.
Bilan : côté européen, 102 tués (dont 86 civils et 16 militaires), côté
algérien, les estimations oscillent entre 35 et 45 000 morts.
Il
va sans dire, pour les colons, y compris pour les autorités françaises voulant
conserver l’empire colonial, que les « bicots », cette prétendue
sous-humanité, n’avaient droit ni à la liberté, ni à l’indépendance.
Après
bien des tractations et des difficultés, le peuple algérien, dès le 1er
novembre 1954, commença à écrire sa propre histoire.
GD