Grèce.
Retour au 19ème siècle (1)
Le
Parlement vient d’adopter la monstrueuse
loi contre les travailleurs, proposée par le gouvernement libéral de
Mitsotakis. Elle abolit la journée de travail de 8 heures et la semaine de 5
jours, supprime l’obligation pour les employeurs de fournir un salaire
supplémentaire lorsqu’ils demandent un travail supplémentaire, qui sera
compensé par des jours de congé. Cet « aménagement » du temps de
travail flexible a été introduit pour la première fois par les
sociaux-démocrates, début des années 1990, dans des secteurs marginaux.
Aujourd’hui, le gouvernement généralise cet « arrangement » et
l’étend à l’ensemble de la classe ouvrière. Il est désormais légal pour les ouvriers d’industrie de travailler 150 H de plus par an, sans
aucune rémunération supplémentaire ! Par ailleurs, cette loi détruit
tout droit de regard collectif sur les questions du temps de travail. Elles
seraient résolues dans des « contrats individuels » en contournant
les syndicats ! C’est le coup final
porté à la légitimité des conventions collectives déjà sérieusement
dévalorisées pendant les mémorandums d’austérité imposés par la Troïka
européenne.
Afin
de mettre en œuvre cette politique, qui se heurtera à la résistance des
travailleurs, une série de dispositions
draconiennes affectent le fonctionnement
légal des syndicats. Désormais, ils sont obligés de tenir un
« registre des membres » sous forme numérique qui sera à la
disposition du ministère du travail et des organisations d’employeurs. Pour
pouvoir déclarer une grève, la décision devra d’abord être approuvée (par vote
électronique) par 50 % + 1 de l’ensemble du personnel.
Même
l’association des juges et des avocats et le « comité d’experts » du
Parlement ont jugé que la loi était en violation des articles de la
Constitution : malgré ça, le projet a été voté par la majorité
parlementaire de Nouvelle Démocratie. Ce qui est tragique, c’est que Syriza a
voté en faveur d’une série d’articles de la loi « distinguant les bonnes
et les mauvaises parties » plutôt que de rejeter cette loi réactionnaire (comme l’a fait le parti
communiste). Tsipras lance un message à la classe dirigeante : malgré les
volontés de sa base, Syriza restera un parti « responsable » qui ne
« brûlera pas les ponts » des relations, même face à des défis
extrêmes !
Dans les rues, la réaction a été importante, même si la
bureaucratie syndicale a tout fait pour saper la grève générale. Les
manifestations ont été nombreuses et la colère s’est exprimée ; le
« peuple de gauche » a constitué le gros des troupes (parti communiste,
gauche anticapitaliste et un secteur de Syriza). Une partie importante du
mouvement refuse de se soumettre à cette nouvelle loi. Elle n’est pas isolée,
les sondages révèlent une majorité sociale qui estime que les manifestants
« ont raison ». Ce « bras de fer » sera déterminant pour
une grande partie de l’évolution sociale de la Grèce d’autant que cette
contre-réforme brutale ne sera pas la seule : des plans sont élaborés pour
la privatisation du système public de retraite et de sécurité sociale ainsi que
des privatisations massives de ce qui reste encore de bien public.
(1)
Extraits de
l’article « Les attaques de la droite contre la classe ouvrière en Grèce.
Retour au 19ème siècle » de Antonis Ntavanellos (DEA – Gauche
ouvrière internationaliste) le 20 juin 2021, paru sur alencontre.org