La Réunion. Déportation
d’enfants
On
n’en a pratiquement pas parlé et pourtant, nombre de petits-enfants des
Réunionnais déportés, s’acharnent à retrouver leurs origines et celles de leurs
grands-parents. C’était pendant les « Trente Glorieuses ».Cette histoire
commence en 1963 pour se terminer en 1981. Elle avait commencé avec de grands
trémolos. Il y avait à la fois un surplus de population à la Réunion, ces
ex-colonisés « faisaient trop de mioches », tandis que les campagnes
françaises se dépeuplaient. Au nom de la politique républicaine, le député
Michel Debré (le rédacteur de la Constitution de 1958) organise une vaste
tromperie. Le gouvernement crée le Bumidom (Bureau pour le développement des
migrations dans les départements d’Outre-mer). La cible : les enfants. On
promet aux parents qu’ils vont aller à l’école. En réalité, ils vont vivre de
véritables cauchemars, eux, les victimes, traumatisées, d’un véritable trafic
humain qui consiste à répartir ces déportés dans des fermes ou comme
aide-ménagères de familles « bien
sous tous rapports ». Ils sont en fait traités comme des esclaves.
Quant
au gouvernement, il invoque la grandeur de la France et Debré se veut le
sauveur de l’île. 60 départements furent concernés, en particulier, la Lozère,
la Corrèze, la Creuse où il fallait des valets de ferme. Racisme et
maltraitance se sont conjugués pour faire travailler ces petites esclaves de 5h
du matin à 21h. Quant aux filles, elles furent d’abord placées chez des
religieuses avant de devenir servantes à tout faire. Frères et sœurs furent
séparés. Il leur fut interdit de parler créole. Beaucoup d’entre eux furent
d’ailleurs placés en hôpital psychiatrique après avoir subi des violences et
des viols.
L’accueil
réservé fut à l’image de ce qui s’est passé à Guéret, où une association avait
pour mission de les accueillir, en savates, en plein hiver ; entassés, ils
dormaient par terre avant d’être placés en familles « d’accueil ».
Bonne fille, la République, les déclara pupilles de la nation après avoir
changé leurs prénoms, voire leurs noms. A la Réunion, où s’opérait un premier
tri, l’Eglise miséricordieuse ne connaissait que la loi du secret.
Cette
politique fut suivie pendant 20 ans. Il fallut attendre 1968 et la dénonciation
du Parti du Travail réunionnais pour que le programme républicain soit arrêté…
en 1982.
En
2014, « nos » « chers » députés de l’Assemblée nationale,
reconnurent la responsabilité de la France mais il fallut néanmoins attendre
2016 pour qu’une commission soit créée afin d’examiner les conditions de l’exil
forcé des enfants. Quant à l’accès aux dossiers administratifs, il est toujours
quasiment impossible : égarés, ils sont même parfois inexistants. Qui plus
est, la loi républicaine exige qu’un délai de 50 ans soit écoulé pour avoir accès
aux dossiers et uniquement pour les intéressés, donc les mineurs transférés
mais pas leurs enfants. Certains continuent de faire le siège du conseil
départemental de la Réunion, sans guère de succès, et se heurtent à des
démarches kafkaïennes.
Bref,
la République bourgeoise tant vantée a quelque chose de répugnant.
Gérard
Deneux, le 11.08.2021