Le bateau ivre
Après
la déroute en Afghanistan de l’impérialisme US et de son bras armé, l’OTAN, une
métaphore analogique s’impose : celle du navire dans lequel est embarquée
l’humanité. Dirigé par des castes ivres de puissance qui se disputent le
gouvernail, il semble en perdition. Jusqu’il y a peu, l’hyperpuissance
prétendait imposer la route de son « destin
manifeste ». Noam Chomsky désignait les dirigeants des USA qui ont
succédé à Eisenhower comme des criminels de guerre qui, tous, auraient été
condamnés si le Tribunal de Nuremberg avait continué à siéger.
Après
l’effondrement de l’URSS, les « stratèges » US ont connu l’échec de
la suprématie totale sur le « grand Moyen-Orient » qu’ils entendaient
remodeler à l’aide de supplétifs fantoches et de guerres interminables. Après ces reculs successifs, les apprentis
successeurs se disputent la prééminence sur le pont du navire. Et ils sont
légions, les milliardaires et leurs suppôts dictateurs, autocrates et autres
despotes en herbe. Il suffit de citer Trump le fougueux, son successeur Biden s’accrochant
à la barre qui lui échappe, les Bolsonaro, Orban, Poutine, Erdogan, l’arrogant
Macron et la « rassurante » Mutter Merkel. On a même vu apparaître
sur la scène ukrainienne un magnat du chocolat puis un clown.
Le
cap vers les eaux glacées de la mondialisation financière s’est accompagné, à
bord, de la goinfrerie des potentats de toute nature, contraignant les
galériens dans les soutes à plus maigre pitance. Et nombre d’entre eux se
révoltèrent, les mutineries se multiplièrent dans toutes les cales. Mater,
réprimer, corrompre, furent la ligne de conduite des gouvernants. Acheter la
paix sociale rencontre désormais de plus en plus de difficultés :
l’embarcation dérive et affronte l’océan démonté de l’écosystème dérégulé où
l’on ne compte plus les incendies ravageurs, la fonte des glaces, les cyclones
et les inondations destructrices… Sur la route de l’histoire, il y a, en outre,
des icebergs : des virus inconnus et l’horizon d’une nouvelle crise
financière. Les explosions sociales risquent de faire chavirer le navire, le
sauvetage demeure périlleux.
La
solution, pour les rapaces du capital, consiste-t-elle à aborder le rivage d’un
capitalisme d’Etat à la chinoise ? Ne s’y résignant pas, ils agitent la
trouille du péril jaune. Eux qui ont inauguré les méthodes de manipulation et
de surveillance technologiques, utilisées désormais à grande échelle dans
l’Empire du milieu, poussent des cris d’orfraie humanitaires, tentant de faire
oublier que Snowden avait révélé l’espionnage mondial permettant à la NSA de se
livrer à toute les manigances, y compris contre la « bienveillante »
Merkel. Ils omettent également la marchandisation de l’espionnage par la
société israélienne Pegasus aux Etats
autoritaires ou dictatoriaux, comme le Maroc.
Pour
l’heure, Maître Xi, plus confucéen que marxiste ou maoïste, évite d’agacer le
vieux tigre blessé. Chez lui, patelin, le maître du ciel et de la terre, prône « l’harmonie », la « société
de moyenne aisance », enserrant dans sa main de fer gantée de velours,
les magnats capitalistes qui doivent s’intégrer dans le cercle dirigeant. Toute
dissidence et lutte des classes sont étouffées par la surveillance généralisée
et le conformisme imposé. A l’extérieur, il prône la non-ingérence, le respect
des Etats, quels qu’ils soient, et le libre-échange mondialisé. Les nouvelles
routes de la soie lui ouvrent le chemin d’une influence commerciale pour
saisir, peut-être, le gouvernail du bateau ivre.
Gérard
Deneux, le 24.08.2021
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