Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


lundi 3 octobre 2022

 

Sortir du labyrinthe ?

 

L’article qui suit se propose de revenir sur un certain nombre de questions qui ont animé les discussions lors de la dernière réunion du comité de réalisation de notre publication. Elles ont trait à la définition, ou plutôt, à la caractérisation du moment historique que nous vivons. Face aux crises multiples auxquelles est confrontée « l’humanité », des pseudo-solutions, des impasses régressives, des révoltes se multiplient sans que l’on puisse apercevoir la sortie du labyrinthe dans lequel nous sommes enfermés. Les prises de position qui suivent sont un appel à l’échange, car il semble bien que, pour l’essentiel, la conscience et la compréhension de l’évolution heurtée de notre monde retardent l’accélération de l’Histoire qui est notre lot commun. Nos espérances surgissant lors de chaque vague de mobilisation massive, sont généralement suivies de déceptions. Il en a été ainsi lors des printemps arabes et des répressions qui les ont suivis pour ne prendre que cet exemple. Mais l’on pourrait tout aussi bien évoquer l’échec de la Constituante au Chili et plus généralement les impasses dans lesquelles se sont engouffrés les mouvements altermondialistes, voire les faux espoirs de coalitions hétéroclites menées par le Parti des Travailleurs au Brésil. Il est moins question, ici, de revenir sur ces expériences que de tenter de saisir la gravité des antagonismes caractérisant les rapports de forces mondiaux face aux catastrophes annoncées : le dérèglement climatique, la crise de la mondialisation du capitalisme financiarisé, les confrontations de blocs de puissance, la guerre en Ukraine. Ces antagonismes peuvent-ils être résolus en faveur des classes ouvrières et populaires, autrement dit, quels sont les principaux obstacles à la rupture avec le capitalisme dans des conditions telles que l’émancipation sociale soit possible ?

 

Le dérèglement climatique inéluctable ?

 

Y a-t-il encore des climato-sceptiques après cet été de suffocation où, pour certains, l’enfer de la forêt en flammes se trouvait au bord de leur jardin, pour d’autres ce furent des nuages de cendres, un air plombant, des fissures dans leurs maisons. Des cours d’eau asséchés, des fleuves incapables de refroidir les centrales nucléaires et, pour tous, des températures insupportables. Et ce, avant que ne surviennent des inondations, des pluies de grêle. Tout porte à penser que ce n’est qu’un début, celui du réchauffement et du dérèglement du climat. La situation catastrophique du Pakistan pour ne prendre que cet exemple indique que tous les habitants de la planète sont concernés. Malgré cela, il y a ces docteurs Folamour qui prétendent que la planète sera sauvée par la géo-ingénierie et les nouvelles technologies. « Notre » petit Président qui se veut plein de compassion n’est pas mieux inspiré : le 20 juillet, en déplacement en Gironde, face à 7 000 hectares brûlés, il déclare tout de go « on va refaire la forêt » des Landes. Y planter à nouveau des pins sylvestres, aux fines aiguilles contenant de la résine emplie de térébenthine ? Personne n’a pu lui dire, même à l’ENA, que cette région qui affronte désormais des températures très élevées était, autrefois, un marécage. Pour éviter des méga-feux, il faut qu’elle remplisse cette fonction de zone humide emprisonnant naturellement le carbone, non ? Mais ce serait là aller à l’encontre de l’exploitation intensive de la forêt.

 

Au-delà de cet exemple franco-français, le dérèglement climatique est source de dévastation des forêts, des récoltes, susceptible de provoquer des famines et des migrations massives. Face à un phénomène largement documenté depuis des années par des scientifiques, deux types de « solutions » semblent prévaloir : les grands discours inopérants avec force lobbying des entreprises et pays qui sont de véritables criminels climatiques (1), les gouvernements jouant les pompiers pyromanes pour que rien ne change véritablement. L’autre tendance est plus agressive : face aux migrations qui se multiplient, l’on assiste, d’une part, au durcissement des politiques dites sécuritaires, en fait xénophobes, racistes et liberticides. D’autre part, là où la désespérance est dramatique, dans les pays du Sud, le terrain est propice au développement de fondamentalismes religieux. Bref, extrême droite et djihadisme terroriste semblent avoir des terreaux favorisant leur développement. Y a-t-il une sortie du tunnel ? 

 

Certains ont annoncé une mobilisation de la jeunesse mais elle semble bien timide pour faire advenir un éco-socialisme remettant en cause les modes de production et de consommation du système capitaliste. Les suppliques adressées aux puissants, aux monarques dits républicains et aux pétro-monarques réactionnaires ne suffisent pas. La preuve ? Il suffit d’évoquer les cris indignés des milliardaires, de leurs supplétifs médiatiques, lorsqu’un lanceur d’alerte évoque les tonnes de CO2 déversées par leurs jets privés, sans parler de l’outrecuidance qu’il y aurait à imposer leurs superprofits et l’accumulation de leurs richesses financières et patrimoniales. Plus généralement, le développement du capitalisme surtout depuis ce qu’il est commun d’appeler « la révolution industrielle », c’est-à-dire le recours aux matières fossiles (charbon, pétrole, gaz, uranium), a accéléré l’exploitation de l’homme et de la nature. Il n’y a pas eu de passage des unes aux autres, y compris avec les éoliennes et le solaire, mais accumulation forcenée : l’exemple du charbon face à la pénurie de gaz en Europe en est la preuve.  Désormais, les sources sont suffisamment documentées pour viser la petite minorité qui profite de ce système polluant. Le 1 % les plus riches émet 8 fois plus de CO2 que la moitié de la population la plus pauvre, pour ne citer que ce chiffre.

 

C’est dire que le combat écologiste n’a pas de sens s’il n’est pas aussi un combat pour l’égalité. Il doit se traduire d’abord par l’éradication des privilèges et des accumulations de richesses des milliardaires, des oligarques et par la lutte contre les soutiens dont ils disposent parmi les classes aisées et la médiacratie. Par conséquent, face aux cataclysmes à venir et pour en restreindre la portée, un nouvel imaginaire de vie doit s’imposer, celui de sociétés sobres où les productions satisfont les besoins réels dont la définition doit résulter de délibérations réellement démocratiques. Cette vision ne peut voir le jour que si la propriété lucrative est abolie, que règne la propriété d’usage, qu’à la concurrence et la compétitivité de tous contre tous, succèdent l’entraide et la coopération. En d’autres termes, il s’agit de remettre en cause les rentes immobilières et actionnariales.

 

Est-ce un retour à Keynes qui préconisait l’euthanasie de la finance face à l’ampleur des dégâts qu’elle avait provoquée (crise de 1929-30, fascisme et guerre) ? Il faut aller plus loin. Sauver le capitalisme ne suffira plus. L’histoire a démontré qu’il finit par resurgir. En fait, une fois les désastres de la 2ème guerre mondiale surmontés, les marchés nationaux saturés…, la financiarisation a repris le dessus.

 

Mondialisation financière et crises

 

L’on est peut-être à l’orée d’une fin de cycle sans savoir comment en sortir. La « mondialisation heureuse » tant vantée dans les années 1980-90 s’est transformée en son contraire. Certes, cette période correspond, dans un premier temps, à un essor fulgurant des forces productives et à un accroissement considérable du prolétariat (2). Il s’est accompagné également, dans les pays centraux, de délocalisations industrielles et du développement du précariat, y compris dans les services. Ce fut d’abord plus ou moins indolore dans la mesure où les produits à bas coût, provenant des pays du Sud, maintenaient un consumérisme de bon aloi. En effet, les politiques néolibérales ont été mises en œuvre après avoir déréglementé la circulation du capital, facilitée, amplifiée par l’utilisation des nouvelles technologies de l’informatique. Elles se sont attaquées à la réduction du prix de la force de travail et aux prestations sociales (en restreignant le « salaire différé » généré par les cotisations ouvrières et patronales), au code du travail, aux conditions d’indemnisation du chômage… Il s’agissait pour tenter de remporter la « bataille pour la compétitivité », de modifier en profondeur la « répartition des richesses », en dopant le capital et ses agents (baisse de la fiscalité, crédit d’impôts…). Cette course effrénée au « moins disant » social » et fiscal dans laquelle furent entraînés les différents pays, y compris au sein de l’UE et sous la tutelle du dollar, s’est traduite par la réapparition de crises économiques et financières, propres au système capitaliste. En effet, se sont répétées, dès la fin des années 1990, des crises dans les pays de la périphérie (exemple : crise asiatique en 1997) jusqu’à celle de 2007-2008 affectant les pays centraux et donc, toute la planète de la finance capitaliste. Sans revenir sur la manière dont elle a pu être relativement contenue par l’endettement des Etats pour sauver les banques et les entreprises, force est de constater que désormais, il est courant d’évoquer une possible récession, c’est-à-dire une chute brutale de la production, et donc, sans que cela soit précisé, un effondrement des cours de la Bourse et des crises bancaires (quoique la situation au Liban interpelle).

 

Le modèle néolibéral a pu d’autant plus s’imposer qu’il ne trouvait plus face à lui de modèle alternatif, les forces politiques dites de gauche s’étant ralliées à cette nouvelle donne et même, suite au coup de force de Reagan et Thatcher, s’en faisant les instigateurs zélés (Mitterrand dès 1983 et l’Allemagne de Schroeder ensuite…). Ce tournant néolibéral  n’aurait pas pu prendre cette ampleur sans l’effondrement de l’URSS, la stratégie du choc qui fut employée (3) et la conversion de la Chine au capitalisme, dès le règne de Deng Tsao Ping, puis son entrée à l’Organisation Mondiale du Commerce. 

 

Ironie de l’histoire : ce vaste continent qui, selon les stratèges US, devait devenir l’atelier du monde, accepter la suprématie états-unienne, s’est en quelques années transformé en rival taillant des croupières aux Etats occidentaux. La conquête concurrentielle des marchés s’est transformée en guerre économique sur fond de relance de la course aux armements, de discours bellicistes et de recours aux sanctions imposées aux régimes récalcitrants sans pourtant, bien au contraire, que prévale la pacification des relations internationales. Aux pays qui s’enfoncent dans la crise en recourant à l’endettement excessif jusqu’au défaut de paiement, le système capitaliste à deux têtes offre deux réponses différentes mais similaires. Le recours au FMI et à la Banque Mondiale qui, sous forme de prêts et de « conditionnalités » (destruction des services publics ou ce qu’il en demeure, spécialisation économique…) renforce l’assujettissement néocolonial de ces pays aux capitalistes occidentaux. De l’autre, sous l’impulsion du Parti du Capitalisme chinois (PCC), la construction d’infrastructures, endettant les pays, qui, s’ils ne peuvent rembourser le capital investi, permet à l’Etat chinois de se les approprier. C’est donc ce cadre d’affrontement larvé entre les deux puissances mondiales dominantes et de relatif déclin étatsunien qu’ont émergé d’autres blocs de puissance (Russie, Iran, Turquie, pétromonarchies…). Face aux convulsions que provoque l’extension du capitalisme, les inégalités engendrées, la dépendance assurée le plus souvent par le soutien procuré aux dictatures néocoloniales,  les révoltes et leur répression se multiplient, suscitant même des guerres entre puissances rivales qui s’ingèrent dans ces conflits meurtriers (Syrie, Libye, Yémen) quand elles ne les provoquent pas directement ou indirectement.

 

Les soubresauts de l’histoire récente, où les capitaux naviguent à la vitesse de la lumière alors même que la planète risque d’en manquer, ont fait apparaître des personnages fantasques ou peu recommandables qui prétendent instaurer une nouvelle « gouvernance » à leur convenance. Mais les Trump, Biden, Xi, Poutine, Bolsonaro, Boris Johnson et les pétro-monarques MBS, MBZ et autres ayatollahs, ne sont peut-être que des prémices plus inquiétantes. Au Nord comme au Sud, l’obscurantisme, qu’il soit évangéliste ou djihadiste, gagne du terrain, tout comme la montée du social-nationalisme chauvin, ce qu’il est convenu d’appeler, sous forme euphémisée, le post-fascisme. Peut-on accepter que la sortie du labyrinthe, de ces crises qui s’approfondissent, se traduise par la guerre entre puissances concurrentes ? N’est-ce pas déjà le cas avec la guerre en Ukraine ? Force est de constater qu’aucun mouvement anti-guerre, anti-impérialiste ne surgit. Chacun choisit son camp derrière son gouvernement…Non ?

 

Après la conquête des marchés, la conquête de territoires par la guerre ?

 

La mondialisation qui s’est opérée dans les années 1980/1990 a été vécue comme une victoire sans partage des USA contre ce qu’il était convenu d’appeler, le communisme. Si la croyance s’est répandue, à l’époque de la « superpuissance » étatsunienne que la Russie finirait par admettre cette influence sans partage, l’évolution a démenti ce pronostic. L’empire construit sous le règne de Staline, maintenu vaille que vaille jusqu’à l’époque de Brejnev, s’est effectivement effondré, puis a été progressivement grignoté. Les tentatives de restauration sous l’égide de Poutine se sont manifestées sous les formes les plus violentes, notamment en Tchétchénie et en Géorgie. La guerre en Ukraine était-elle pour autant inéluctable ? Rien ne le laissait supposer à l’origine bien que lesdites « révolutions orange », l’extension de l’OTAN, étaient autant de marques de la duplicité occidentale, tout particulièrement étasunienne. A Gorbatchev, puis à Eltsine, il avait été promis que l’OTAN ne s’étendrait pas après la disparition du pacte de Varsovie. Poutine, lui-même, lors de son premier mandat, souhaitait intégrer l’espace européen et l’OTAN ! Mais ce qui était inscrit dans l’effondrement de l’URSS c’était l’émergence d’oligarques ayant accédé à ce statut par le pillage et l’accaparement de biens publics. En Ukraine, restant provisoirement dans le giron russe, s’opposaient deux clans d’oligarques, les pro-russes et les pro-occidentaux sur fond d’une corruption sans égale. Ce pays, à l’origine, de la Russie tsariste, devait d’après la caste dirigeante russe rester sous sa dépendance. Sans revenir sur les différentes péripéties ayant conduit à l’invasion russe et à l’occupation d’une partie du territoire ukrainien après l’échec des accords de Minsk en 2014, force est de constater, contre les prétendus experts occidentaux, que les mythes diffusés sont devenus rapidement obsolètes : Poutine le stratège, joueur d’échec, celui qui n’oserait pas envahir l’Ukraine, l’armée russe qui écraserait très vite l’armée ukrainienne… En fait, l’opération éclair contre Kiev s’est soldée par un échec, l’extension au Sud de l’Ukraine piétine, vacille….

 

En fait, aucune leçon n’a été tirée : un pays agressé, s’il se défend et mobilise une grande partie de sa population, finit par l’emporter, à moins que l’agresseur ne l’écrase par une supériorité numérique et militaire sans égale. Les militaires russes ont-ils lu Machiavel, Clausewitz, Mao Tsé Toung ou Giap ? 180 000 Russes, pas très motivés, peuvent-ils battre plus de 300 000 Ukrainiens disposant d’armes sophistiquées occidentales ? Poutine pouvait-il ignorer que, depuis des années, sans être dans l’OTAN, cette organisation dispensait formations et vendait des armes en quantité à l’oligarchie ukrainienne, surtout depuis ladite « révolution » de Maïdan.

 

Quand la guerre est déclenchée, seule la paix des cimetières peut le plus souvent l’arrêter. Le régime poutinien ne peut perdre la face. Il est résolu à entraîner sa population dans la guerre. Certes, en état de faiblesse, il doit le faire sous couvert d’une « opération spéciale » de courte durée, antinazie en apparence, puis d’une mobilisation partielle de réservistes qui rafle largement tous les potentiels conscrits. Le peuple russe peut-il arrêter cette fuite en avant, en tout cas, pas par la fuite de certains, les plus aisés, dans les pays voisins. La caste qui soutient Poutine peut-elle se diviser et le chasser du pouvoir ? Une défaite militaire en Ukraine de l’armée russe peut-elle se transformer (comme en 1905 lorsque le tsar a subi un échec retentissant contre l’armée japonaise) en surgissement du peuple russe sur la scène publique ? Autant d’interrogations qui, pour l’heure, sont des supputations. Tout laisse penser, à ce jour, en la poursuite de la guerre meurtrière avec toutes les conséquences qu’elle produit : pénuries, sanctions, contre sanctions… Ce qui est sûr en revanche, c’est que cette guerre, se superposant aux crises écologique, économique et financière, confère à la situation déjà délétère un caractère mortifère : inflation, hausse des taux d’intérêt, spéculation sur les dettes, importation à grands frais de gaz GNL (refroidi à moins 160 °, transporté par conteneurs, regazéifié dans des plates-formes industrielles à construire… !).

 

Si les Etats-Unis se réjouissent de pouvoir exporter leur gaz de schiste en surplus, la planète, si elle possédait une conscience, ne s’en réjouirait pas. Les pays de l’OPEP, même suppliés, ne veulent pas produire plus pour vendre moins cher, bien au contraire. Et l’on rouvre les mines de charbon et les centrales thermiques utilisant cette énergie fossile, après avoir tout misé sur le marché, et tout particulièrement celui de l’énergie, notamment l’électricité. L’Allemagne libérale nationalise son entreprise de distribution de gaz, la France néolibérale est fort dépourvue après avoir créé de toutes pièces un marché de l’électricité, scindé et affaibli EDF. Elle est acculée, prête à organiser la pénurie face au nombre de ses centrales nucléaires à l’arrêt. L’Union Européenne, qui risque de se désagréger, a sorti son plan anti-fragmentation pour éviter le pire… celui du repli nationaliste et fascisant. Le cheminement dans le labyrinthe du capitalisme conduit à l’impasse du néofascisme, autrement dit, à la certitude de ne pas en sortir. 

 

En sortir vraiment, est-ce possible ?

 

Avant de souligner une série d’obstacles qui obstruent les possibilités de sortir du labyrinthe, une citation de Marx peut éclairer le chemin qui reste à parcourir : « Les hommes font leur propre histoire (mais) ils ne la font pas au gré de leur initiative, ni dans des circonstances librement choisies par eux ; ils sont manœuvrés par les circonstances du moment telles que les ont créés les évènements et la tradition. Les traditions de toutes les générations passées pèsent comme un cauchemar dans le cerveau des vivants ».

 

Les répercussions plus ou moins déformées de l’histoire, telles qu’elles imprègnent les cerveaux, créent une opacité telle que le nouveau peine à apparaître en pleine lumière.

 

La résurgence de l’obscurantisme au Moyen-Orient ou aux Etats-Unis ainsi qu’en Europe, sous les formes diverses du wahhabisme de l’Arabie Saoudite, de l’évangélisme aux Etats-Unis, en Amérique latine, voire en Europe dite chrétienne, amène à constater les difficultés rencontrées par le mouvement d’émancipation. Dans la même veine, la religion laïcarde intolérante et hypocrite, celle qui condamne les ex-colonisés tout en commerçant avec les religieux d’Arabie Saoudite, déforme la compréhension de la réalité. Dans nombre pays du monde, la colonisation de peuplement a marginalisé, discriminé les populations indigènes. Qui plus est, l’importation d’esclaves africains a encore accentué les divisions à caractère ethnique. L’Amérique latine est emblématique à cet égard.

 

Les impasses réformistes électoralistes, les alliances contre nature, sont également des obstacles qui restent à lever. Le suffrage universel ne possède pas de vertu magique, il en est de même pour les suppliques aux monarques républicains, même s’ils prennent la forme de manifestations de rues rituelles. Que ce soit au Brésil de Lula, au Chili de Boric après l’échec de la Constituante, l’histoire récente pullule d’expériences négatives ou tragiques. Elles manifestent à des degrés divers que les classes ouvrières et populaires n’ont pas réellement pris leur destin en main pour supplanter définitivement les classes dominantes qui les assujettissent. C’est, en d’autres termes, dire qu’un mouvement électoral, gazeux, un chef charismatique, sont de fait des obstacles à l’organisation patiente, démocratique faisant prévaloir une nouvelle hégémonie politique et plus largement culturelle. Les activistes, les révolutionnaires doivent par conséquent faire preuve d’une longue impatience pour comprendre et faire comprendre la réalité avant qu’il ne soit trop tard. Qu’ils le reconnaissent ou pas, leur volonté repose sur une croyance, celle de l’intelligence et de la mobilisation pratique du plus grand nombre car le pire est toujours possible. Les peuples italien et allemand se sont ralliés à Mussolini et à Hitler. Le peuple russe a accepté la dictature stalinienne. Les résistants, dans leur immense majorité, malgré tout leur courage, sont restés aveugles face aux procès de Moscou des années 1930/1950, à la signature du pacte germano-soviétique, au partage du monde initié à Yalta…

 

Et pourtant, il est plus que temps de tout recommencer, on n’a plus le temps de tergiverser, il est grand temps que cesse ce cours des choses pour que puisse commencer autre chose. Afin d’éviter le chaos qui se profile, le temps est venu de faire advenir l’imprévu.

 

Gérard Deneux, le 26.09.2022

 

Pour en savoir plus, lire :

(1)   Criminels climatiques de Mickaël Correia, ed. la Découverte

(2)   Un pur capitalisme de Michel Husson, ed. Page deux

(3)   La stratégie du choc de Naomi Klein, ed. Actes Sud