Expulser le
locataire de l’Elysée ?
(éditorial
de PES n° 86)
C’est
la seule question qui vaille d’être posée à moins d’accepter qu’il reste aux
commandes de l’Etat jusqu’en 2027. D’ores et déjà, il est possible de le neutraliser, de l’empêcher de mettre en
œuvre ses funestes « réformes » de l’assurance chômage et du recul de
l’âge de la retraite à 65 ans. Ce qui compte pour lui, ce Président des
ultra-riches, c’est d’honorer sa signature à la Commission Européenne, consistant
à promettre des mesures de réduction de la dette. Peu lui importe le sondage
indiquant que plus de 70 % des Français sont opposés à la contre-réforme des
retraites ! S’il a déclaré être prêt à passer en force en court-circuitant
tout débat, en recourant à l’article 49-3 de la Constitution, dans son propre
camp, on s’exclame « Casse-cou,
le peuple va s’insurger ! » Bayrou et consorts lui suggèrent la
multiplication des concertations-bidons, de faire preuve de pédagogie vis-à-vis
de ces Gaulois réfractaires qui ne comprennent rien, de susciter le ralliement
de la droite et de l’extrême droite et de syndicats en quête d’être les
interlocuteurs privilégiés de l’Etat afin de l’accompagner dans sa politique
néolibérale...
Si
le mouvement social ne se contente pas de déambulations rituelles qui sont
autant de dérisoires suppliques au
monarque antirépublicain, l’expulsion du locataire de l’Elysée deviendrait
possible. Car antirépublicain, il l’est. La privatisation des services publics,
l’état lamentable des hôpitaux et de l’Education nationale, sont autant de
preuves que lui et ses prédécesseurs sont étrangers à la chose publique. Et
plus qu’hier, il y a urgence à renouer
avec l’esprit de Commercy, avec
ses débats démocratiques en assemblées générales, avec l’éclosion de ces comités
des ronds-points et de la gilet-jaunisation de la rue, pour qu’ils prennent
droit de cité dans les quartiers, les usines et les bureaux. C’est là, la seule
perspective de conscientisation politique capable de déjouer la lepénisation
des esprits.
Il
s’agit, en effet, de transformer les revendications à caractère économique en aspirations politiques et ce, dans la
pratique active d’un mouvement de masse. L’insoumission
doit se généraliser sinon la désespérance prévaudra et elle se réfugiera dans
l’abstention ou dans le dévoiement vers l’extrême-droite néofasciste qui, tout
en agitant les drapeaux-boucs émissaires de la xénophobie, prône le
social-national. L’exemple de l’Italie est probant à cet égard : les
politiques néolibérales conduites par une gauche de droite puis par la droite
extrême, laissent se développer la peste brune. En fin de compte que ce soit
Orban le hongrois ou Meloni l’italienne, ils finissent tous, pour les intérêts
du capital, par adopter, au sein de leur pays, des politiques austéritaires et
autoritaires tout en tentant de rester au sein de l’Union européenne et dans le
bloc atlantiste.
Dans
l’immédiat, si un tel mouvement voyait le jour, cette insurrection des consciences devrait exiger, obtenir le blocage des
prix de produits de première nécessité, le retour pour tous au tarif réglementé
de l’électricité, la fin du marché de l’énergie, la restauration des
prérogatives des entreprises publiques, l’imposition des superprofits des
actionnaires, la pénalisation des spéculateurs… Plus généralement, il faut
répandre l’idée que la justice sociale, fiscale et environnementale, passe par la
revendication de l’égalité réelle, la prévalence des biens communs (eau, éducation,
santé…). En d’autres termes, un nouvel
imaginaire construit par en bas, doit s’imposer. A l’opposé de la concurrence
et de l’individualisme égoïste, l’entraide et la coopération doivent l’emporter.
Cette nouvelle hégémonie à construire passe par le changement du mode de
production et de consommation, la relocalisation des productions industrielles
et agricoles, la construction d’une société de sobriété, l’extinction de la
propriété lucrative.
Mais,
encore une fois, dans l’immédiat, face aux dangers qui menacent, la solidarité
active avec les peuples en lutte contre les dictatures et la guerre devraient
se traduire par l’organisation d’un mouvement
anti-impérialiste. Il est grand temps que cela change avant qu’il ne soit
trop tard.
GD,
le 28.09.2022