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Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mercredi 29 août 2012

Brèves sur les résistances d’Espagne et d’ailleurs


Brèves sur les résistances d’Espagne et d’ailleurs

La 29ème RIDEF (Rencontre Internationale des Educateurs Freinet) a réuni environ 350 enseignant-e-s de 29 pays différents de 4 continents, du 23 juillet au 1er août 2012 à Leon (Espagne). Organisée tous les  deux ans par la Fédération Internationale des Educateurs Freinet (FIMEM),  elle avait cette année pour thème Education et égalité de genre (entendez égalité entre les sexes, le mot ‘genre’ en français ayant des sens multiples et divergents !). J’ai pu y participer. Voici quelques brefs échos des engagements des un-e-s ou des autres.

ESPAGNE
Lunes sin sol (lundi sans soleil) est un mouvement né en 2005 regroupant plus de 20 collectifs différents (associations, partis politiques, syndicats) de Leon, capitale de la Province de Leon, située  au nord-ouest de l'Espagne. C'est une plate-forme contre la violence machiste et qui a pour objectif d'unir les forces pour éradiquer la violence qui tue chaque année un nombre élevé de femmes. Le nombre de femmes mortes sous les coups de leur conjoint est affiché (et modifié au fur et à mesure, hélas, car il évolue vite…) sur le mur du Parlement de la Province. La manifestation publique a lieu les lundis à 20 h devant ce Parlement, car il importe de briser le silence sur les assassinats, viols et autres violences dont sont victimes les femmes.
Solidaires de Lunes sin sol, nous participâmes à la manifestation du lundi 30 juillet et y lûmes en trois langues le texte ci-joint écrit lors de notre rencontre par une enseignante espagnole.  Nous, les Françaises, apportâmes notre contribution en chantant l’hymne des femmes.

MAROC
Lors de cette manifestation Lunes sin sol fut lue aussi une déclaration de la délégation marocaine : à Tiznit, ville tranquille à 100 km au sud d'Agadir, depuis la mi-juillet, une dizaine de jeunes femmes ont été agressées dans la rue par un homme, un inconnu (un "barbu" disent les Marocain-s/es dans leur texte). Cet inconnu arrive sournoisement à bicyclette et poignarde le postérieur d'une victime avec une longue lame préalablement enduite d'ail, afin de retarder la cicatrisation de la blessure. Il s'enfuit tout aussi rapidement qu'il arrive. Au jour où la déclaration a été lue à Leon, l'inconnu en question n'avait toujours pas été arrêté par la police, malgré plusieurs signalements de témoins ; il est vrai qu'il opère la tête cachée par un capuchon et très vite. On ignore donc s'il s'agit d'un psychopathe ou d'un membre d'un groupe fanatique. La délégation marocaine à la RIDEF dénonce ces agressions et demande le respect des libertés individuelles, dont celle pour les jeunes filles de s'habiller comme elles le souhaitent, avec ou sans voile, en jeans ou en habit traditionnel… 

ESPAGNE
Les mineurs du nord-ouest de l’Espagne où se trouvent les mines de charbon menacées de fermeture par suppression des subventions publiques sur ordre de l’Union européenne avaient organisé une longue marche sur Madrid. Leur arrivée dans la capitale espagnole le 11 juillet, puis les jours suivants, avait donné lieu à des soutiens à travers le pays, culminant dans les grandes manifestations anti-austérité du 19 juillet. A Leon, depuis le mois de mai, des mineurs se sont barricadés dans le bâtiment du Parlement de la ville, d’autres se sont enfermés dans leurs mines d’où ils refusent de sortir. Des participant-e-s à la RIDEF ont manifesté publiquement leur soutien en allant, le lundi soir après Lunes sin sol, discuter depuis la rue avec les mineurs enfermés au Parlement : dialogue émouvant à travers les barreaux sculptés en fer forgé des fenêtres du bâtiment à l’architecture vénérable. Et grande émotion aussi quand mineurs et enseignants espagnols entonnèrent ensemble des chants de mineurs de leurs Provinces, puis quand un instituteur Indien Mapuche du sud du Chili entonna à son tour un chant des mineurs de là-bas. Enfin, l’Internationale s’éleva en un seul chœur mêlant toutes les langues des délégués présents…

ESPAGNE
Le 24 juillet en fin d’après-midi, les participants à la RIDEF assistèrent à l’inauguration solennelle de l’exposition intitulée Antonio Benaiges, un maître Freinet dans une fosse de Burgos. Fusillé le 25 juillet 1936 par les franquistes, cet instituteur catalan fut l’un des six mille instituteurs et institutrices exécutés ou démis de leur fonction par le régime fasciste. Pourquoi une telle exposition présentant les photos des restes de plusieurs centaines de disparus de la fosse commune située à Villafranca Montes de Oca près de Burgos ? Parce qu’en Espagne, en «démocratie», l’administration continue de rendre très difficile l’ouverture des fosses et l’identification des corps qui pourraient permettre à la société espagnole de reconnaître enfin ces assassinats et les victimes. Plus de 150 000 personnes sont encore enfouies dans les fosses communes de la répression franquiste à travers tout le pays. Cette exposition avec une présentation de la vie de l’humble maître d’école et notamment des exemplaires originaux des journaux imprimés dans sa classe par ses élèves qui les ont pieusement conservés jusqu’à ce jour complétait l’autre exposition en cours au même musée : Presas de Franco (prisonnières de Franco). Pour la première fois étaient montrées des centaines de photos et de documents avec explications détaillées sur les prisons pour femmes de l’Espagne franquiste. En jeu dans ces deux expositions, la construction d’une mémoire démocratique et sociale…

JAPON
Plus d’une trentaine d’enseignant-e-s japonais-es participaient à la RIDEF à Leon. Ils nous racontèrent l’opposition très forte de la population de leur pays contre la première réouverture d’une centrale nucléaire depuis leur fermeture après la tragédie de Fukushima du 11 mars 2011. Ils venaient de participer à la manifestation gigantesque antinucléaire qui a eu lieu le 16 juillet à Tokyo. Ils nous offrirent des dragons, chaque dragon étant composé de centaines de grues de papier plié (origami) et reliées entre elles par un fil très serré. Ces grues reliées sont devenues le symbole de l’après-Fukushima, nous dirent-ils, car ce fut un choc pour tous, rappelant la fragilité et la précarité humaines. Une institutrice dont une partie des élèves mourut dans la catastrophe fit fabriquer des grues aux survivants, symbolisant les vivants et les morts. Et le fil qui relie les grues symbolise le lien qui peut nous unir tous ensemble, ici et maintenant : tant que nous sommes en vie, profitons-en pour nous aimer et être solidaires. Cette initiative d’une maîtresse fut reprise avec une rapidité extraordinaire dans tout le pays et des millions de grues illustrent l’opposition au nucléaire.

ESPAGNE
Une autre initiative d’une maîtresse reprise avec une rapidité extraordinaire dans tout le pays est celle d’une institutrice d’une école maternelle privée de la région de Madrid : elle se bat comme des millions d’autres «pour une école publique gratuite pour tous» et eut l’idée de confectionner un tee-shirt vert portant ce slogan. Elle arriva un matin, vêtue de ce tee shirt, à son école, mais la directrice lui en interdit le port. Alors, par solidarité, une, puis dix, puis cent et maintenant des milliers de personnes fabriquent et portent ce tee-shirt vert avec son slogan, devenu le symbole du combat pour la défense de tous les services publics.

Nicole Maillard-Déchenans, le 27 août 2012