MANIFESTE
lu le lundi 30 août 2012
devant le parlement de Leon (Espagne)
lors de la manifestation Lunes sin sol à 20 h à laquelle la RIDEF s’est jointe
Je suis femme,
je m’aime comme telle
et je sens en moi toute l’Histoire que toutes les femmes de
partout et de tous les temps ont écrite en lettres tangibles, même si ces
traces sont parfois invisibles parce qu’on a essayé de les effacer du grand
Livre du monde.
Je suis femme,
je m’aime comme telle
et j’aime en moi toutes les femmes qui, dans le monde, ont
été, sont ou seront. Et cet amour est douloureux, d’une douleur infinie, somme
de la souffrance qu’ont vécue toutes celles du même sexe que moi tout au long
de l’Histoire. Et cette souffrance est gigantesque !
La
souffrance de toutes les femmes, à toutes les époques, qui ont dû partager
leurs vies avec des envahisseurs violents,
je la ressens à travers toutes celles qui vivent aujourd’hui
encore dans des territoires occupés.
La souffrance de toutes les femmes de tous les temps qui
furent victimes d’agressions sexuelles parce que leur corps «appartient» aux
hommes,
je la ressens à travers les fillettes qui endurent
l’excision de leur clitoris.
La souffrance de toutes les femmes qui, dans le monde
entier, ont été victimes d’abus ou de discrimination dans leur travail,
je la ressens à travers les femmes immigrées qui, à cause de
leur situation illégale, se retrouvent «invisibles» et supportent des
conditions de travail s’apparentant à l’esclavage pour des salaires de misère
dans notre monde «riche».
La souffrance de toutes les femmes qui, depuis toujours, ont
vécu dans l’extrême pauvreté,
je la ressens à travers les femmes qui, aujourd’hui comme
hier, partout dans le monde, subsistent de ce qu’elles trouvent dans les tas
d’ordures.
La souffrance de toutes les femmes qui, à n’importe quelle
époque et en n’importe quel endroit, ont été l’objet d’une violence physique,
je la ressens chaque fois que les médias nous annoncent de
nouvelles brutalités commises par un mari ou un amant à l’encontre de «sa» femme.
Et cela arrive si souvent,
la douleur est si grande
que je ne pourrais pas la supporter si je ne vivais pas dans
l’espérance de toutes les femmes qui ont mis un point final à la vie qui ne
leur plaisait pas et ont commencé à en construire une à leur mesure.
Je ne pourrais pas la supporter si je ne vivais pas avec la
joie de toutes les femmes qui ont ouvert de nouveaux chemins, quoi qu’il leur
en ait coûté, pour que nous puissions y passer toutes.
Je ne pourrais pas la supporter si je ne vivais pas par le
courage de toutes les femmes qui, ayant subi une agression, ont osé porter
plainte, mettant en évidence cette plaie sociale.
Je ne pourrais pas la supporter si je ne vivais pas de la
justice de toutes les femmes qui ont contribué à faire changer les lois pour
que nos droits comme citoyennes soient reconnus.
Je ne pourrais pas la supporter si je ne vivais pas dans la
chaleur de l’étreinte de toutes les femmes qui ont décidé de devenir sœurs.
Dorénavant, j’appelle à ce que cette étreinte nous unisse
toutes contre n’importe quelle violence
ponctuelle ou structurelle commise contre une femme, un collectif de
femmes ou tout un peuple, exercée par un individu, un groupe ou un
gouvernement.
Que cette étreinte nous donne de l’énergie pour continuer à
contribuer à un monde plus juste, plus libre et par conséquent plus heureux.