Nouméa.
La France coloniale conforme à ses traditions.
Dans
cette France «une et indivisible», à 18 368 kms de Paris, à
1 900 à l’Est de Sydney (Australie), en plein Pacifique, dans
cette grande île, pour les colons, la fraude fiscale n’est pas un
délit. Le pouvoir «blanc», malgré les révoltes et résistances
des Kanaks, est maintenu. Pour les petits délinquants et autres
révoltés, la justice et la pénitentiaire ont de solides traditions
depuis 1853. Pour 156 000 habitants, on dénombre 5 000
policiers et militaires, venus de la France métropolitaine et les
prisons sont pleines à craquer, comme celle de Nouméa, un ancien
bagne «reconverti» où sont entassés 480 détenus pour 226 places.
Des cellules de 12 m2 pour 6 détenus, 3 lits (2 superposés et un
matelas par terre), pour toute aération, un maigre soupirail.
Enfermés 23 heures sur 24, ces modernes bagnards ne sont pas
seuls, ils cohabitent avec les rats et les cafards. Dans ce lieu de
bannissement dénommé «camp Est», chaleur et odeurs sont
insupportables et la crasse est le lot commun des pestiférés. 80 %
d’entre eux sont des jeunes Kanaks condamnés pour de menus
larcins : vols, violence, vente de cannabis. Faut-il s’étonner
que la révolte du 14 juillet pour discriminations raciales, ou le
début de mutinerie le 4 août avec incendie des matelas et cartons
avec refus de réintégrer leurs cellules, n’aient trouvé que peu
d’écho dans les médias ? Cette France-là est encore plus
éloignée de la préoccupation des journalistes que celle de nos
banlieues. De fait, l’affaire fut vite étouffée. L’intervention
des policiers et des pompiers y mit bon ordre «républicain».
Certes
l’Etat français a été récemment condamné à indemniser 30
détenus qui avaient osé porter plainte pour mauvais traitements :
167 € chacun… le pactole ! Certes, 11,5 millions d’euros
sont affectés à des travaux de réhabilitation et d’agrandissement
de cette prison. Mais, force doit rester aux intérêts des colons.
La Mairie de Nouméa s’y oppose. Elle lorgne sur la belle plage en
lisière du «camp Est» qui promet de juteuses opérations
immobilières. Le projet est donc bloqué dans l’attente éventuelle
de la construction d’une nouvelle prison et la destruction du «camp
Est».
Taubira,
informée, a nommé une mission d’inspection. Pourvu qu’elle ne
rejoigne pas ce coin perdu de la République en pédalo ! A
moins qu’il faille attendre l’hypothétique référendum
d’autodétermination qui aurait lieu en 2014 ou … 2018, pour
satisfaire aux exigences de l’ONU proclamant en décembre 1986 le
droit à l’autodétermination de ce territoire colonisé. Faut-il,
dans l’intervalle, d’autres barrages routiers, séquestrations de
sous-préfet (1984), révoltes, état d’urgence, attaques de la
grotte de Gossanah sur l’île d’Ouvéa (1988) ? On imagine
mal Rocard reprendre du service pour faire œuvre de pacification ou
Hollande renouveler la promesse de Jospin (1998) : «la
possibilité (pour la Nouvelle Calédonie) d’accéder à
l’indépendance dans 15 ou 20 ans»…
Les
confettis de l’Empire ont la vie dure. Nickel surtout, mais aussi
manganèse, gaz, cobalt… et intérêts bien compris des colons
obligent ! Et puis, c’est aussi 100 000 touristes par an
sur les belles plages dont près de 30 % de métropolitains à
égalité avec les Japonais, devançant les Australiens…
Gérard
Deneux le 24.08.2012