Bangladesh
Apocalypse
pour les ouvrières du textile
Du
fait du confinement, les grandes marques européennes de prêt-à-porter ont
annulé plus de 3 milliards de dollars de commandes auprès de leurs fournisseurs
bangladais qui ne peuvent plus payer
leurs salariés. Les 2000 couturières de l’usine de jeans de Mostafiz Uddi n’ont plus de travail. Les clients,
comme l’espagnol Zara et l’allemand Takko ont stoppé leurs commandes et ne
prennent même plus les marchandises commandées : Mostafiz Uddin se
retrouve avec 20 000 jeans sur les bras. Il a payé d’avance le tissu et le
port, mais les grands groupes ont des mois pour régler les factures, sachant
que chaque salariée fait vivre en
moyenne 5 personnes…
Le
néerlandais C&A et l’irlandais Primark ayant annulé pour plusieurs
centaines de millions€ de commandes, les fabricants des pays d’Asie luttent
pour leur survie, en Birmanie, au Cambodge et au Bangladesh où le prêt-
à-porter représente 84% des exportations. Aucune solidarité à attendre de leurs
donneurs d’ordre. L’allemand KiK annonce
« qu’il a à cœur les intérêts des
couturières » mais ses préoccupations concernent déjà le sauvetage des
emplois en Allemagne. « Chez nous,
perdre son travail c’est en général ne plus avoir à manger » déclare
la directrice du centre bangladais pour la solidarité des travailleurs. De plus,
les travailleuses sont exposées à un risque d’infection élevé à l’usine et dans
les baraquements qu’elles louent 100 dollars/mois près de l’usine. La situation
est « apocalyptique » affirme Rubana Huq (association des fabricants
et exportateurs de vêtements du Bangladesh). Sans soutien des entreprises dans
les trois mois à venir c’est plus de 4
millions de personnes travaillant dans quelque 4 000 usines qui seront à
la rue.
Primark
a annulé pour 273 millions de dollars de commandes, C&A, 166 millions. Au
total, 46 % des productions ont été annulées. 72 % des donneurs d’ordre n’ont
pas réglé les tissus achetés par leurs fournisseurs. Primark se dit prêt à un
compromis et accepte de financer le salaire des ouvrières travaillant sur les
commandes, annulées, C&A assure vouloir « minimiser les effets sur les fournisseurs »… D’autres, comme
le suédois H&M ou l’allemand Tchibo ou encore Takko semblent davantage ouvertes au dialogue ?
« Cette crise fera peut-être prendre
conscience que beaucoup trop de gens paient bien trop cher pour une production
excessive à bon marché. Peut-être arrivera-ton à la fin de l’ère de la mode
jetable », veut croire Gisela Burckhardt (Femnet, organisation de
défense des droits des femmes). Rubana Huq a peu d’espoir « Les grands groupes reviendront vers nous et
nous diront : le monde est différent maintenant, il nous faut des
produits encore moins cher ».
Extraits
d’un article de Nils Klawitter, Courrier
International du 21.04.2020, transmis par William, abonné