Vérités et
mensonges. Quelques brèves
Comment
l’Etat a laissé tomber la production de masques
De
l’usine, en Côtes-d’Armor, qui produisait les masques, il ne reste que les
murs : tout a été détruit. Avec 200 millions de masques FFP2 par an,
destinés à l’Etat, « on était le plus
gros producteur d’Europe ». En 2020, la France est totalement
dépendante des aléas du marché mondial en crise (et notamment de la Chine),
Macron, agacé par les critiques,
prétexte qu’on ne peut pas demander aux gens d’avoir prévu cette crise
sanitaire sauf que… Il y a 15 ans, l’Etat l’avait prévu.
Face
au Sras (2003, en Asie), puis virus H5N1 (2005), le ministère de la Santé
préconise une industrie française du masque. L’Etat signe, en 2005, avec
Bacou-Dalloz, un protocole pour 5 ans et installe sur le territoire national
des ateliers de production de masques FFP2, à prix fixe (35 centimes), constituant
ainsi des stocks d’équipement nécessaires à la protection des personnes.
En
2012, changement de majorité, avec le gouvernement Ayrault et Touraine, à la
Santé, les stocks s’érodent, malgré la préconisation du Haut Conseil à la Santé
Publique de continuer de stocker des FFP2. Toute la séquence que nous vivons
depuis janvier, de pénurie, avait donc été anticipée. De l’avis d’un membre de
l’équipe de X.Bertrand : « Quand
on est partis en 2012, il y avait 1.4 milliard de masques, dont 600 millions de
FFP2. Huit ans plus tard : le plan grippal censé être mis à jour tous les
deux ans est toujours le même et il n’y a que 145 millions de masques
chirurgicaux et aucun FFP2 ! » ; « la
question devra se régler devant une commission d’enquête parlementaire ». Mais
Olivier Véran réfute la responsabilité de Touraine, (ex-socialiste devenue macroniste).
Il est vrai qu’il fut au cabinet de la ministre Touraine, tout comme d’autres,
aujourd’hui autour de Macron : B. Griveaux, G. Attal, B. Vallet (DG de la Santé
en 2013 aujourd’hui en mission Covid-19), ou encore J. Salomon, actuel DG de la
Santé, était en 2013 conseiller de Touraine, chargé de la sécurité sanitaire… La
décision de Touraine, dès 2013, ne permet plus une gestion prévisionnelle des
besoins et de l’approvisionnement en masques : le stock des FFP2 est placé sous la responsabilité des
employeurs et des soignants mais personne ne vérifie les stocks.
A
partir de là, sans commandes, l’usine de Plaintel chute. Honeywell bull la rachète
et licencie, dès 2011, imposant une politique du zéro stock. La stratégie du
« flux tendu » fait perdre des clients à l’usine, les plans sociaux
s’enchaînent alors que le groupe fait des bénéfices et profite des aides de
l’Etat français, comme le CICE. En tout état de cause, l’abandon des commandes
de l’Etat contraint l’usine à fermer ses portes en 2018. Les machines de
fabrication des masques, dont certaines étaient quasi neuves, sont vendues au
prix de la ferraille, puis détruites. Plus cynique encore : à l’heure de
la pandémie du Covid-19, le groupe Honeywell rouvre une usine à Rhode-Island pour
subvenir aux besoins américains….
Extraits
de l’article de Nadia Sweeny dans Politis du 14 avril 2020 (sur bastamag.net)
PS :
depuis le début de la crise sanitaire, la réouverture de l’usine de masques de
Plaintel fait débat. Région, département et agglo de Saint-Brieuc, sont prêts à
soutenir le projet. Le Gouvernement, pas vraiment…
(1)
Xavier Bertrand
ministre de la Santé en 2005-2007 (gouvernement Villepin sous Chirac). Il y est
revenu à la fin du quinquennat Sarkozy (gouvernement Fillon) en 2010-2012.
Roselyne Bachelot entretemps a été ministre en 2007-2010
L’abandon de
la prévention au nom de l’austérité
Les
médias dominants, toujours complaisants vis-à-vis des élites au pouvoir,
n’insistent guère sur les décisions politiques qui ont conduit au dramatique
manque de matériels de protection contre la pandémie.
Retour
sur l’histoire d’un abandon criminel en notre nom. En mars 2007, suite à des alertes de scientifiques, une proposition de loi
relative à la protection du système de Santé est adoptée. Un établissement
public (EPRUS – établissement de préparation et de réponse aux urgences
sanitaires) est créé dont la mission consiste à acquérir, fabriquer, stocker
des masques chirurgicaux, des appareils respiratoires, des vaccins, etc. La
petite équipe qui dirige cette structure parvient très rapidement à stocker 285
millions de masques. Elle est financée par l’Etat et l’assurance maladie. Son budget
de 281 millions € en 2007 va s’effondrer à 25.8 millions en 2015 et l’EPRUS
disparaît en 2016.
L’abandon
de la prévention a, de fait, été précédé d’un formidable battage médiatique,
orchestré par le sommet de l’Etat après l’épidémie de grippe aviaire H5N1. Haro
sur Roselyne Bachelot ! La Cour des Comptes crie au gaspillage : 450
millions€, c’est trop ! Le déficit de la Sécu ne le permet pas. En 2011, l’Etat se désengage et confie au
secteur privé (qui saura mieux gérer !) la mission d’acquérir entre
autres, des masques, ainsi qu’aux hôpitaux désargentés de se procurer en plus
des appareils respiratoires. Rassurants, début 2019, ces experts de santé publique, commandités par le
gouvernement, déclarent dans leur rapport : iI n’y a « pas de menaces virales », « les stocks antiviraux sont suffisants ».
Et quand fut venu le coronavirus, l’on fut bien dépourvu !
Pour
commenter ce lamentable épisode d’imprévoyance austéritaire, il faudrait, dans
cette affaire, souligner que la Gauche a montré qu’elle était plus zélée que la
Droite. Marisol Touraine s’en défend piteusement, Hollande se tait et le ni
droite ni gauche Macron ignore son passé de ministre de l’économie… et son
présent de Président. On connaît la musique « Responsables mais pas coupables ». Cherchent-ils déjà des
boucs émissaires pour s’absoudre comme ce fut le cas dans le scandale du sang
contaminé ? Serge Victor, le 24.04.2020
Des vérités
qui ne sont pas bonnes à dire
Le
4 avril, le Préfet sanitaire du Grand Est confirme publiquement que le plan de
l’ARS, prévoyant la suppression de 174 lits et de 598 postes au CHU de Nancy,
serait bien mis en œuvre. Et le bal des hypocrites de clamer en chœur
« indécent » ce qui était approuvé fin janvier et, en premier
lieu par le maire de Nancy, Mathieu Klein, ex PS, rallié à LREM, ne pouvait
être dit en cette période ! A cette époque, c’était pour l’édile, un
projet « formidable assorti d’un bâtiment hôpital-usine de 515
millions ». Dans la lutte pour ravir la municipalité de Nancy, le petit
Klein se devait de faire de la surenchère face à son adversaire PS qui n’en
pense pas moins mais l’a mis en ballotage défavorable. Le conseil des Ministres
a mis fin à cette polémique en révoquant le préfet trop bavard. La vérité
austéritaire d’hier et de demain n’est pas bonne à dire aujourd’hui. Le bouc
émissaire est tout contrit de l’apprendre à ses dépens. Serge Victor
Ils savaient
mais n’en avaient rien à foutre !
Comme
pour les alertes sur le réchauffement climatique et la destruction de
l’écosystème, les politiciens sont sourds et aveugles à ce qui contrarie leurs
obsessions idéologiques : néolibéralisme, productivisme, austérité… Eux
qui prétendent que le surgissement de la pandémie Covid 19 était imprévisible,
ont ignoré les experts, et non des moindres, qui les avertissaient.
2005 : les professeurs JP Derenne et F. Bricaire, puisqu’ils ne sont
pas entendus publient un livre « La
grande menace de la grippe aviaire » (Fayard). Ce neurologue et cet
infectiologue suggèrent : prévoir le confinement, des équipements de
réanimation, des respirateurs ; il faut former des médecins, des
infirmiers. Et ils alarment : « 2
millions de masques par jour, des bottes, des casques, des bonnets, sont
nécessaires. Vite, il faut faire un état des stocks ».
De l’autre côté de l’Atlantique, en 2003 déjà, un rapport de la CIA adressé à Obama alertait
sur « l’arrivée d’une épidémie de
virus » provoquant une maladie respiratoire « virulente » « extrêmement contagieuse »,
« sans traitement adéquat ». Elle pourrait entraîner « la dégradation des infrastructures vitales
et des pertes économiques ». Le rapport fut transmis aux alliés des
USA…
Juillet 2008, sous Sarko, le livre blanc de la Défense soulignait « le risque plausible d’une pandémie
massive à forte létalité dans les 15 années à venir ». Des
dispositions furent prises pour établir des stocks de matériels sanitaires,
puis abandonnées !
En 2013,
nouveau livre blanc de la Défense, préfacé par Hollande ( !)
précisant : « le risque existe
d’une nouvelle pandémie hautement pathogène, résultant de l’émergence d’un
nouveau virus qui aura franchi la barrière des espèces ».
Décembre 2017. La revue de la Défense des armées était tout aussi
alarmiste. Ce qui fit dire à un haut dirigeant de la Sécurité intérieure sous
forme interrogative : « Les
décideurs politiques lisent-ils vraiment les notes qui leur sont
adressées » ? La réponse est dans la question !
Serge
Victor d’après des articles du Canard
enchaîné du 8.04.2020
Bangladesh. Apocalypse
pour les ouvrières du textile
Du
fait du confinement, les grandes marques européennes de prêt-à-porter ont
annulé plus de 3 milliards de dollars de commandes auprès de leurs fournisseurs
bangladais qui ne peuvent plus payer
leurs salariés. Les 2000 couturières de l’usine de jeans de Mostafiz Uddi n’ont plus de travail. Les clients,
comme l’espagnol Zara et l’allemand Takko ont stoppé leurs commandes et ne
prennent même plus les marchandises commandées : Mostafiz Uddin se
retrouve avec 20 000 jeans sur les bras. Il a payé d’avance le tissu et le
port, mais les grands groupes ont des mois pour régler les factures, sachant
que chaque salariée fait vivre en
moyenne 5 personnes…
Le
néerlandais C&A et l’irlandais Primark ayant annulé pour plusieurs
centaines de millions€ de commandes, les fabricants des pays d’Asie luttent
pour leur survie, en Birmanie, au Cambodge et au Bangladesh où le prêt-
à-porter représente 84% des exportations. Aucune solidarité à attendre de leurs
donneurs d’ordre. L’allemand KiK annonce
« qu’il a à cœur les intérêts des
couturières » mais ses préoccupations concernent déjà le sauvetage des
emplois en Allemagne. « Chez nous,
perdre son travail c’est en général ne plus avoir à manger » déclare
la directrice du centre bangladais pour la solidarité des travailleurs. De
plus, les travailleuses sont exposées à un risque d’infection élevé à l’usine
et dans les baraquements qu’elles louent 100 dollars/mois près de l’usine. La
situation est « apocalyptique » affirme Rubana Huq (association des
fabricants et exportateurs de vêtements du Bangladesh). Sans soutien des
entreprises dans les trois mois à venir c’est plus de 4 millions de personnes travaillant dans quelque 4 000 usines qui seront à la rue.
Primark
a annulé pour 273 millions de dollars de commandes, C&A, 166 millions. Au
total, 46 % des productions ont été annulées. 72 % des donneurs d’ordre n’ont
pas réglé les tissus achetés par leurs fournisseurs. Primark se dit prêt à un
compromis et accepte de financer le salaire des ouvrières travaillant sur les
commandes, annulées, C&A assure vouloir « minimiser les effets sur les fournisseurs »… D’autres, comme
le suédois H&M ou l’allemand Tchibo ou encore Takko semblent davantage ouvertes au dialogue ?
« Cette crise fera peut-être prendre
conscience que beaucoup trop de gens paient bien trop cher pour une production
excessive à bon marché. Peut-être arrivera-ton à la fin de l’ère de la mode
jetable », veut croire Gisela Burckhardt (Femnet, organisation de
défense des droits des femmes). Rubana Huq a peu d’espoir « Les grands groupes reviendront vers nous et
nous diront : le monde est différent maintenant, il nous faut des
produits encore moins cher ».
Extraits
d’un article de Nils Klawitter, Courrier
International du 21.04.2020, transmis par William, abonné
Pour
refuser les dégâts de la mondialisation ultralibérale, nous devons au minimum
boycotter toutes ces marques (ndlr)