Nous avons
lu
La Commune au présent.
Une correspondance par-delà le temps
L’auteure
ne commémore pas la Commune de Paris, elle fait vivre les Communeux. Après les
avoir longuement rencontrés, aux archives, elle leur écrit. Ainsi, elle les
rend vivants en rappelant les
évènements, leur enthousiasme mais aussi la répression, la mort. Elle
leur dit que « la Commune n’est pas morte » car des mouvements s’y
réfèrent, au Rojava, au Chiapas, avec les Gilets Jaunes… Dans ce florilège, on
rencontre les incontournables, Louise Michel, Jules Valès, Eugène Pottier, Léo
Frankel… mais, surtout, des couturières, passementières, blanchisseuses,
relieurs, lanterniers, ferblantiers, typographes, institutrices… elle nomme ces
« sans nom » qui ont fait une révolution, ces gens modestes.
« Vos élus étaient des « inconnus ». Des gens de rien ont pris
l’hôtel de ville et offert une tout autre pratique politique. Oui votre Commune
a été un extraordinaire et fascinant laboratoire du politique. Votre révolution
communaliste, continue d’inspirer car vos questions sont actuelles. Elle écrit
à Pélagie Daubain, arrêtée pour avoir proclamé « Je suis communeuse
moi ! (communard est le mot de vos adversaires) ; à Almicare Cipriani, engagé très jeune
dans l’armée piémontaise, tu suis Garibaldi. Tu es un inlassable
combattant à qui les frontières indiffèrent. A Georges Berin, elle
demande : as-tu connu un certain F. Benoit qui conçoit une société
émancipée avec : l’éducation pour tous les enfants, un vaste réseau de
coopératives dont tous les membres pourront définir les conditions de leur
travail et de leur production, un système de secours en cas de maladie et de
pensions de retraite. A Angelina Sabatier, elle écrit : « Je crois
que tu rirais aux éclats. Tu lis peut-être Proudhon ? Il propose le
mutuellisme comme alternative au pouvoir du capital : un idéal d’égalité.
Mais cette égalité ne semble pas nous concerner, nous, les femmes. Nous
échappons complètement à son horizon.
C’est
un livre d’Histoire par ceux qui l’ont faite et une leçon politique de ce que
pourrait être, aujourd’hui, une société émancipée. A Victor Hugo, elle dit
« Police partout, justice nulle part », ces mots, on ne sait pas
qu’ils sont de toi. Tu les as prononcés à l’Assemblée au temps où la démocratie
était rongée par un certain prince-président. Figure-toi que des Gilets Jaunes
ont reproduit cette phrase sur leur gilet. Cela t’aurait fait drôle, tout de
même. Tu n’as pas été Communeux, Hugo, tant s’en faut. Mais tu as été l’un des
rares, très rares écrivains de ton temps à avoir compris l’évènement, à l’avoir
salué à n’avoir jamais, comme tant d’autres, voulu son écrasement.
Formidable
ouvrage, tant l’auteure réussit nous faire vivre avec les Communeux. OM
Ludivine Bantigny, la Découverte, 2021, 22€