Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


samedi 3 septembre 2022

 

Eviter la catastrophe qui vient ?

 

Inflation, risque de famines, guerre en Ukraine, ce ne sont là que les dernières « infections » gangrenant l’Humanité, victime du capitalisme débridé. Il semblerait, sans en être certains, que nous sommes à la croisée des chemins. Le dérèglement climatique a atteint un tel niveau qu’il n’est plus possible aux climato-sceptiques d’élever la voix. Et pourtant, les mêmes recettes inopérantes sont toujours proposées. L’examen du « retour » de l’inflation, de la situation en Europe et dans le monde, semblent démontrer que le pire n’est pas encore arrivé. 

 

Le retour de l’inflation et les banques centrales

 

D’après Pinko, le plus grand gestionnaire d’obligations au monde, on est déjà entré en crise financière : 2 000 milliards de dollars seraient en déshérence, en recherche de placements lucratifs de plus en plus introuvables ; les actions ont chuté de 20 % (pas dans tous les secteurs) et les obligations ont reculé de 11 à 12 %. La flambée des prix touche toutes les denrées. En Estonie, l’inflation est de 22 %, en Allemagne de 7 à 8 %, pour prendre ces deux extrêmes.

 

Que s’est-il donc passé pour en arriver là ? Certes, la guerre en Ukraine, la pénurie relative du gaz et du pétrole russes, tout comme les sanctions, ont joué le rôle de déclencheur. Mais le ver était dans le fruit : l’inflation était déjà là, tout particulièrement dans l’immobilier et dans l’évolution exubérante des actions. Dans le système capitaliste qui repose sur la croissance des capitaux, on n’injecte pas impunément des liquidités, des créances, si elles ne trouvent pas à s’employer, faute de création de richesses réelles ; la spéculation dans l’immobilier par exemple ne produit rien, elle enrichit indûment le rentier qui spécule jusqu’à l’apparition d’une bulle qui finit par éclater et dévalorise les actifs… La crise des subprimes de 2008 en est l’exemple probant. Les banques centrales, tout particulièrement la FED (USA) et la Banque Centrale Européenne (BCE) font face désormais à une équation impossible : lutter contre la flambée des prix sans brider la croissance. Or, comme nous l’avons vécu lors de la crise de 2008, la BCE a renfloué les banques, déversé des liquidités.  Cette dévalorisation des actifs, matérialisée par ces immeubles invendus,  ou emprunteurs dans l’incapacité d’honorer leurs dettes, toutes ces pertes furent socialisées par le sauvetage des banques, compensées par les politiques d’austérité.

 

Sous une autre forme, c’est la même potion austéritaire qui est pratiquée par le FMI vis-à-vis des pays du Sud depuis des années, ce que cette institution financière dénomme « ajustements structurels » ne vise qu’à préserver les créances des prêteurs. Mais cette solution à court terme rentre en contradiction dès lors qu’il s’agit de juguler l’inflation, impliquant la réduction du crédit et de la masse monétaire. L’injection de crédits, la « relance » uniquement monétaire risquent d’étouffer la croissance déjà en berne dans les pays centraux. Faire un tête-à-queue par rapport à toutes les politiques menées précédemment est un véritable défi.  

 

En effet, pour juguler l’inflation en la maintenant à un taux inférieur à 2 %, et pour tenter d’étouffer la spéculation sur les taux des obligations auxquels souscrivent les Etats en empruntant sur les marchés financiers, la BCE a baissé ses taux directeurs. Conséquence : les emprunts contractés par certains Etats sont même devenus négatifs (Allemagne en particulier). Peine perdue, avec le retour de l’inflation, les taux sont repartis à la hausse. Mais aujourd’hui, il ne s’agit plus seulement de purger la Grèce pour éviter les spéculations sur les taux d’emprunt des Etats. Tous les Etats européens risquent d’être touchés et pas les moindres comme l’Italie et la France. Ces deux pays, avec, pour chacun, un stock de dette de 3 000 milliards, ne vont plus avoir les moyens de faire rouler leur dette, c’est-à-dire d’emprunter à taux négatif pour rembourser leurs dettes antérieures arrivant à échéance : les taux d’emprunt en hausse ne le permettent plus.

 

Désormais, on entend une nouvelle musique : la BCE va sortir un nouveau plan « antifragmentation » : novlangue pour dire que l’UE risque d’éclater, de se fragmenter. Alors, on parle de plan de relance (comme aux USA), d’injection de nouvelles liquidités pour booster l’économie capitaliste à bout de souffle tout en évitant de remettre en cause les sacro-saints principes du néolibéralisme !!! Pas question de toucher à la concurrence fiscale et sociale entre Etats, de contrevenir aux « lois » du marché et de la finance. Reste la solution suprême, baisser le « coût du travail » et le « train de vie » de l’Etat. Autrement dit, en termes plus crus, baisser les retraites et les prestations sociales et le nombre de fonctionnaires. Toute la discussion de la majorité relative (Macroniens + LR avec l’assentiment du RN) à l’Assemblée nationale sur le pouvoir d’achat relève de cette stratégie : pas d’augmentation salariale mais des « aides » mineures puisées dans le budget de l’Etat, comme pour dire, le contribuable paiera demain. Bref, la lutte de classes continue en faveur du Capital au détriment du travail. Suprême astuce de langue de bois consistant à prétendre défendre la « valeur travail » en baissant « l’assistanat » provenant du salaire différé sous forme de cotisations sociales. Faut le faire !

 

Situation intenable dans les pays du Sud

 

Le retour de l’inflation, les conséquences de la guerre en Ukraine sur l’accès des pays du Sud aux denrées agricoles, comme le blé, risquent d’avoir des conséquences pour nombre de ces pays. Déjà leurs dirigeants s’alarment tels ceux de l’Egypte, de la Turquie, du Kenya… Ces dictateurs vont-ils pouvoir contenir la colère de leurs populations ? Le Sri Lanka est l’exemple emblématique de ce qui pourrait se produire d’autant que les remèdes du FMI sont de plus en plus rejetés.

 

L’endettement des pays pauvres était jusqu’à peu contenu avec un remède de cheval. Face à l’insolvabilité des Etats, le FMI proposait de nouveaux prêts à faible taux pour rembourser ceux arrivant à échéance. Les contraintes dénommées « ajustements structurels » consistaient dans l’imposition de politiques austéritaires : privatisations, réduction du nombre de fonctionnaires, baisse des salaires, destruction des services publics. Le haut du panier y trouvait son compte : les obligations des créanciers ne s’effondraient pas, elles étaient même revalorisées et à terme remboursées. Les dictateurs étaient relégitimés. Face à l‘ouverture de leur marché intérieur, ces pays dépendant des importations (biens industriels et agricoles) ne disposaient plus que de « l’arme » de l’hyperspécialisation, soit l’extractivisme, l’exportation de matières premières comme la « merde du diable », (le pétrole) s’ils en ont, voire le tourisme comme au Sri Lanka. Toutefois, à terme, cette « socialisation des pertes » pour rembourser les créanciers, y compris le FMI, a été de plus en plus rejetée. Le Parti du capitalisme chinois (PCC) a pu s’engouffrer dans cette brèche : pas d’ajustements structurels, pas d’admonestations hypocrites sur les Droits de l’Homme mais des équipements portuaires, routiers, ferroviaires… Résultat : la Chine détient 50 % de la dette des pays pauvres. Vous ne pouvez pas rembourser le coût des infrastructures ? Pas de problème, elles nous appartiennent pour 90 ans (bail  emphytéotique). Cette nouvelle forme de néocolonialisme s’accorde parfaitement avec la stratégie chinoise de la route de la soie ou du collier de perles, facilitant l’accélération de la circulation des marchandises en provenance de l’Empire du milieu.

 

Sauf que… la politique du zéro covid mettant à l’arrêt des entreprises et désormais l’impitoyable sécheresse qui frappe la Chine, réduisent considérablement les capacités de « l’atelier du monde ». La croissance à deux chiffres de la Chine, c’est du passé. Si les 3 % font rêver les dirigeants européens, ils blêmissent face à la rupture des  chaines d’approvisionnement.

 

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Ce qui semble se dessiner, du point de vue économique, c’est la stagflation, soit la stagnation de l’économie capitaliste accompagnée d’une inflation que les gouvernements auront de plus en plus de difficultés à juguler. On assiste, en effet, à la fois au retour de la lutte des classes dans les pays centraux et au dégagisme dans les pays du Sud. Toutefois, ni les revendications purement économiques, souvent perverties par des accents nationalistes et xénophobes, ni les coups de boutoir sans perspectives de transformation sociale contre les dictateurs, ne portent en eux-mêmes une espérance de rupture avec le capitalisme. Le dérèglement climatique risque même d’aggraver la détresse et la désespérance sociales, d’autant que le retour du militarisme et de la guerre sont désormais des réalités palpables.

 

Gérard Deneux, le 23.08.2022